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22/10/2024 | FRANCE | N°23BX00325

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 23BX00325


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde et du préfet maritime de l'Atlantique en date du 4 mai 2021 précisant la règlementation dans la réserve nationale naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret.



Par un jugement n° 2103351 du 5 décembre 2022, le tribunal

administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde et du préfet maritime de l'Atlantique en date du 4 mai 2021 précisant la règlementation dans la réserve nationale naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret.

Par un jugement n° 2103351 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2023 et le 10 juin 2024, l'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées, représentés par Me Achou-Lepage demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde et du préfet maritime de l'Atlantique en date du 4 mai 2021 précisant la règlementation dans la réserve nationale naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser respectivement à l'association Arès kayak nature et au syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, les observations orales présentées à l'audience par la présidente de l'association requérante n'étant pas visées ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen opérant relatif à la composition irrégulière et à l'irrégularité de l'avis du comité consultatif ; le comité s'est tenu en l'absence du préfet maritime et sans aucun propriétaire ni représentant des usagers professionnels du nautisme ;

- il ne ressort pas des visas de l'arrêté contesté que son édiction ait été précédée d'une enquête publique, d'un avis préalable des administrations civiles et militaires intéressées, d'une consultation des collectivités territoriales dont le territoire est affecté par la modification de la règlementation de la réserve nationale naturelle, d'une consultation du conseil maritime de façade ou ultramarin, de l'avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature en méconnaissance des dispositions des articles R. 332-14, R. 332-2 et R. 332-6 du code de l'environnement ; ces vices de procédure substantiels ont privé les personnes intéressées d'une garantie et ont eu une influence sur l'avis du comité consultatif de la réserve naturelle ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 332-1 et L. 332-2 du code de l'environnement ;

- il emporte une rupture d'égalité des usagers du domaine public, entre les professionnels du nautisme d'un côté et les pêcheurs et chasseurs professionnels de l'autre.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 10 avril 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 83-814 du 7 septembre 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Achou-Lepage, représentant l'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 4 mai 2021, la préfète de la Gironde et le préfet maritime de l'Atlantique ont précisé la règlementation applicable dans la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret, créée par décret n° 83-814 du 7 septembre 1983. L'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par les requérants et tiré de ce que la composition et l'avis du comité consultatif du 22 octobre 2020 étaient irréguliers. Si le jugement précise à son point 4 que l'arrêté a été pris au vu de l'avis du comité consultatif de la réserve naturelle en date du 22 octobre 2020, cette précision ne peut être regardée comme une réponse au moyen soulevé. Le jugement attaqué doit, en raison de cette omission, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 332-14 du code de l'environnement : " L'extension du périmètre ou la modification de la réglementation d'une réserve naturelle nationale, son déclassement partiel ou total font l'objet des mêmes modalités d'enquête et de consultation et des mêmes mesures de publicité que celles qui régissent les décisions de classement. / L'extension du périmètre ou la modification de la réglementation est prononcée par décret. Elle est prononcée par décret en Conseil d'Etat en cas de désaccord d'un ou plusieurs propriétaires ou titulaires de droits réels. (...) ". Aux termes de l'article R. 332-2 du même code : " Le projet est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-4 à R. 123-27, sous réserve des dispositions des articles R. 332-4 à R. 332-8. / Simultanément, le préfet recueille l'avis des administrations civiles et militaires intéressées, ainsi que celui de l'Office national des forêts lorsque le projet de réserve inclut des terrains relevant du régime forestier et celui du préfet maritime lorsque le projet comporte une partie maritime. Il consulte les collectivités territoriales dont le territoire est affecté par le projet de classement ainsi que, en zone de montagne, le comité de massif et, en zone maritime, le conseil maritime de façade ou ultramarin. / Les avis qui ne sont pas rendus dans un délai de trois mois sont réputés favorables. ". Aux termes de l'article R. 332-6 du code de l'environnement : " Le préfet consulte, sur la base du rapport d'enquête et des avis recueillis, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, et, lorsque le projet de classement a une incidence sur les sports de nature, la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 7 septembre 1983 portant création de la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret : " Le commissaire de la République du département de la Gironde peut prendre, après avis du comité consultatif de la réserve créée à l'article 15 ci-dessous, toutes mesures de nature à assurer, en cas de besoin, la conservation d'espèces animales ou végétales ou la limitation d'animaux surabondants. ". Aux termes de l'article 12 du même décret : " Le commissaire de la République, après avis du comité consultatif : / règle l'accès, la circulation et le stationnement des personnes ; prescrit les mesures tendant à assurer l'entretien, la salubrité, la tranquillité des lieux, la qualité des eaux, de l'air, du sol et du site ainsi que l'intégrité et la protection de la faune et de la flore ; / (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Toute activité industrielle, commerciale et artisanale est interdite ". Aux termes de l'article 10 du même texte " les circuits organisés ainsi que toute manifestation sportive ou touristique sont (...) interdits " et de l'article 11 : " la circulation et le stationnement des véhicules, des bateaux à moteur et des bicyclettes sont interdits ", sauf exception.

5. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il mentionne désormais l'interdiction de la circulation et du stationnement de tout véhicule, navire, engin nautique ou engin de plage, motorisé ou non, y compris les engins de type canoë kayak, stand-up paddle et kite-surf et règlemente la circulation et le stationnement des piétons en les restreignant aux sentiers balisés ouverts au public. En fixant ces mesures, l'arrêté se borne à régler la circulation des personnes au sens de l'article 12 du décret précité et à prendre toute mesure de nature à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales au sens de l'article 4 du décret, et en précisant notamment les interdictions déjà prévues par le décret de 1983 qui interdisait déjà les circuits organisés et la circulation des véhicules, bateaux à moteur et des bicyclettes. Ce faisant, l'autorité administrative s'est bornée à exercer les attributions qui lui sont dévolues par les dispositions du décret du 7 septembre 1983 mentionnées au point 3, sans modifier la réglementation applicable à la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret, telle qu'elle est définie au chapitre II de ce décret. Ainsi, la procédure relative aux décisions de classement n'était pas applicable à l'arrêté attaqué et le moyen tiré d'un vice de procédure au regard des dispositions R. 332-14, R. 332-2 et R. 332-6 du code de l'environnement doit être écarté.

6. Aux termes de l'article R. 332-15 du code de l'environnement : " Dans chaque réserve naturelle nationale est institué un comité consultatif. Lorsque l'acte de classement n'en précise pas la composition, un arrêté du préfet du département ou, le cas échéant, du préfet coordonnateur la fixe, en respectant une représentation égale : / 1° De représentants des administrations civiles et militaires et des établissements publics de l'Etat intéressés ; / 2° D'élus locaux représentant les collectivités territoriales ou leurs groupements ; / 3° De représentants des propriétaires et des usagers ; / 4° De personnalités scientifiques qualifiées et de représentants d'associations agréées ayant pour principal objet la protection des espaces naturels ". Aux termes de l'article R. 332-16 du même code : " (...) / Le comité est présidé par le préfet ou son représentant. Le préfet maritime ou son représentant en assure la vice-présidence lorsque la réserve naturelle s'étend sur les eaux territoriales ou sur le domaine public maritime. Il se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président ".

7. Par arrêté du 23 septembre 2020 portant renouvellement du comité consultatif de gestion de la réserve naturelle nationale des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret, la préfète de la Gironde a désigné les membres du comité, dont le collège des représentants des usagers. Le comité consultatif a siégé le 22 octobre 2020 dans sa nouvelle composition, telle que fixée par cet arrêté. Ce comité comprend six membres représentant les usagers, dont le président de l'office du tourisme de Lège-Cap-Ferret et le président de l'office de tourisme d'Arès. Ces derniers peuvent être regardés comme représentant les différents professionnels du tourisme intervenant dans la réserve naturelle nationale, dont les professionnels du nautisme. En outre, il est constant que le Conservatoire du littoral est propriétaire à plus de 83 % du territoire de la réserve et la déléguée de rivages Aquitaine du Conservatoire du littoral fait partie de la composition du comité consultatif résultant de l'arrêté du 23 septembre 2020. Il ressort d'ailleurs de la liste d'émargement qu'elle a siégé lors de la réunion du 22 octobre 2020. Ainsi, au moins un représentant des propriétaires était présent lors de cette réunion. Enfin, le préfet maritime devant assurer la vice-présidence du comité consultatif n'est pas mentionné dans l'arrêté du 23 septembre 2020 fixant la composition du comité consultatif et il ressort du procès-verbal du 5 février 2021 valant compte-rendu de la réunion du 22 octobre 2020, qu'un arrêté modificatif devait être pris pour intégrer le préfet maritime en tant que président adjoint de l'instance et que son absence dans l'arrêté du 23 septembre 2020 constitue un oubli. S'il ressort de la feuille d'émargement que le préfet maritime était représenté lors de la réunion du 22 octobre 2020 par un membre du service de la mer et du littoral (SML), il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ce membre ait siégé en qualité de vice-président. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'absence du préfet maritime ou d'un représentant siégeant en qualité de vice-président lors de la réunion du 22 octobre 2020 du comité consultatif, qui émet un avis uniquement consultatif, ait été de nature à influer sur le sens de la décision ou à priver des personnes intéressées d'une garantie.

8. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, en tout état de cause, être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 214-12 du code de l'environnement : " En l'absence de schéma d'aménagement et de gestion des eaux approuvé, la circulation sur les cours d'eau des engins nautiques de loisir non motorisés s'effectue librement dans le respect des lois et règlements de police et des droits des riverains. ". Aux termes de l'article L. 215-7-1 du même code : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. "

10. Il résulte de l'article 1er du décret du 7 septembre 1983 que la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret inclut un périmètre terrestre et maritime. Le périmètre maritime correspond à " la partie du domaine public maritime du Bassin d'Arcachon sise au nord d'une ligne reliant (...) l'extrémité sud du môle sis à l'ouest du port ostréicole d'Arès au PR 51 000 du chemin départemental n° 51050 de Bordeaux à Piquey ". Ainsi, la partie maritime de la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret, en ce qu'elle se situe sur le bassin d'Arcachon, lagune mésotidale ouvrant sur l'océan Atlantique, ne peut être qualifiée de cours d'eau au sens des dispositions précitées de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement. A supposer que le canal des étangs puisse être qualifié de cours d'eau dès lors qu'il est indiqué comme tel dans la cartographie des cours d'eau de la Gironde, ce canal est inclus dans le schéma d'aménagement et de gestion des eaux des lacs médocains, approuvé le 15 mars 2013. Par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 214-12 du code de l'environnement.

11. Aux termes de l'article L. 332-1 du code de l'environnement : " I.- Des parties du territoire terrestre ou maritime d'une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. / II.- Sont prises en considération à ce titre : / 1° La préservation d'espèces animales ou végétales et d'habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ou présentant des qualités remarquables (...) ". Aux termes de l'article L. 332-3 du même code : " L'acte de classement peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l'intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d'altérer le caractère de ladite réserve, notamment la chasse et la pêche, les activités agricoles, forestières et pastorales, industrielles, minières et commerciales, l'exécution de travaux publics ou privés, l'extraction de matériaux concessibles ou non, l'utilisation des eaux, la circulation du public, quel que soit le moyen employé, la divagation des animaux domestiques et le survol de la réserve. / L'acte de classement tient compte de l'intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l'article L. 332-1. ". Ainsi qu'il a été dit précédemment, le décret du 7 septembre 1983 donne au préfet compétence pour prendre certaines mesures dans l'intérêt de la réserve.

12. Il résulte des dispositions rappelées au point précédent que le pouvoir réglementaire tient de la loi le pouvoir d'interdire à l'intérieur d'une réserve l'exercice de certaines activités sportives susceptibles de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d'altérer le caractère de cette réserve. Il appartient cependant au pouvoir réglementaire, avant d'interdire une ou plusieurs de ces activités dans une réserve naturelle, de s'assurer qu'une telle mesure d'interdiction est nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs de préservation des milieux naturels, de la faune et de la flore poursuivis par l'acte de classement de la réserve.

13. Les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué a pour effet d'interdire de manière générale et absolue toute activité nautique non motorisée au sein de la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret, alors qu'une pratique raisonnée de telles activités, et en particulier du canoë kayak et du stand-up paddle, ayant pour objectif l'éducation à l'environnement, ne compromettent pas l'objectif poursuivi de conservation des espèces et des milieux naturels. Toutefois, il ressort du plan de gestion 2016-2020 de la réserve naturelle en cause, sur lequel est fondé l'arrêté attaqué, que la pratique d'activités nautiques non motorisées, en net développement depuis la création de la réserve, constitue, de par l'intensité et la fréquence de la présence humaine induite, un facteur de dérangement pour les oiseaux d'eau, notamment au printemps où les stationnements à marée montante et descendante sont réguliers et importants. L'évaluation du plan de gestion 2016-2020 de la réserve naturelle, datée d'avril 2021, et également consultable sur le site internet de la préfecture de la Gironde, relève que les activités nautiques, de type canoë kayak, aviron et stand up paddle, qui participent à l'augmentation significative de la fréquentation du site, posent aujourd'hui des " problématiques au regard des enjeux de conservation et de quiétude du site qui sont pour la réserve naturelle essentielles tout au long de l'année (enjeux avifaune nicheuse, mais surtout migratrice et hivernante) ". En outre, il ressort des observations issues du comptage mensuel des oiseaux d'eau du 15 juin 2021 sur les prés salés de la réserve naturelle, réalisé par le personnel de la réserve, que le dérangement résultant de la présence humaine sur des embarcations de type kayak ou stand-up paddle est, compte tenu de la répétition de ces dérangements, et ce même en situation de faible fréquentation, tout aussi fort pour les oiseaux d'eau que celui résultant des déplacements à moteur, déjà proscrits par l'article 11 du décret du 13 septembre 1983 et que, de ce fait, le site n'est plus fonctionnel pour la faune avicole. Ce document, qui comporte les indications de lieu, d'heure, de localisation et des photographies à l'appui des observations, est suffisamment précis pour que les constatations qui y figurent soient regardées comme établies. En outre, si ces observations sont postérieures à l'arrêté contesté, elles mettent en évidence une situation de fait existant à la date de cet arrêté, liée au manque permanent de quiétude du site pour la faune avicole à raison du développement d'activités nautiques de loisir compromettant la fonction majeure de la réserve d'accueil des oiseaux. Ces observations corroborent les éléments figurant dans le plan de gestion 2016-2020 et l'évaluation de ce plan de gestion. Enfin, les requérants ne produisent aucune pièce susceptible de remettre en cause les constatations relatives aux dérangements engendrés par les activités nautiques, même de faible intensité. D'ailleurs, en produisant un extrait du site de la fédération française de canoë kayak, ils confirment que cette activité peut être source de perturbations pour l'avifaune dès lors qu'il y est précisé que " de nombreux pratiquants arrivent ainsi à approcher beaucoup plus prêt que par des approches terrestres une grande partie de l'avifaune aquatique ". Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'interdiction de toute activité nautique sur la réserve en cause, qui comporte un domaine public maritime de 200 hectares, ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs de protection poursuivis.

14. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

15. Il résulte des dispositions des articles 2 et 7 du décret du 13 septembre 1983, qu'alors que toute activité commerciale, dont nécessairement toutes celles qui peuvent être liées au nautisme, sont interdites, l'exercice de la pêche et de la chasse professionnelle est expressément autorisé sur le site de la réserve naturelle des prés salés d'Arès et de Lège-Cap-Ferret. L'article 4 de l'arrêté attaqué se borne à préciser, conformément aux dispositions précitées de l'article 12 du décret du 13 septembre 1983, la règlementation, à terre, de l'exercice de la chasse et de la pêche professionnelle à la civelle, en prévoyant une circulation et un stationnement sur les cheminements et stationnements prévus à cet effet, ainsi que la délivrance d'une autorisation pour le stationnement des véhicules dans les zones définies. La différence de traitement entre les activités sportives et récréatives de nautisme, d'une part, et les activités de chasse ou de pêche professionnelle, d'autre part, n'est pas instituée par l'arrêté attaqué mais résulte du décret du 13 septembre 1983. Cette différence de traitement résulte de la différence de situation des chasseurs et pêcheurs qui participent, dans le cadre très réglementé de leur activité, à l'exécution du plan de gestion de la réserve naturelle, notamment dans la régulation des populations de sangliers et de chevreuils et dans la gestion de la prolifération de la végétation du type " baccharis halimifolia ". Elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la norme et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de ce motif susceptible de la justifier.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté interpréfectoral du 4 mai 2021.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à l'association Arès kayak nature et au syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées en application ce ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association Arès kayak nature et le syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de leurs conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Arès kayak nature, au syndicat national des guides professionnels de canoë kayak et des disciplines associées et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde et au préfet maritime de l'Atlantique.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLe président,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00325
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : ACHOU-LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;23bx00325 ?
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