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22/10/2024 | FRANCE | N°23BX00204

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 23BX00204


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 24 février 2020 et la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Réaup-Lisse a rejeté sa demande tendant à la révision de cet entretien professionnel.



Par un jugement n°2004892 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le compte-rendu de l'entretien professionnel du 24 février 2020, ainsi que l

a décision refusant de le réviser et a enjoint au maire de procéder à la révision de l'entretien...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 24 février 2020 et la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Réaup-Lisse a rejeté sa demande tendant à la révision de cet entretien professionnel.

Par un jugement n°2004892 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le compte-rendu de l'entretien professionnel du 24 février 2020, ainsi que la décision refusant de le réviser et a enjoint au maire de procéder à la révision de l'entretien professionnel de Mme B... au titre de l'année 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaires enregistrés les 20 et 23 janvier et 30 mai 2023, la commune de Réaup-Lisse, représentée par Me Achou-Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2004892 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 novembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation du compte-rendu de l'entretien professionnel du 24 février 2020 et la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Réaup-Lisse a rejeté sa demande tendant à la révision de cet entretien professionnel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la demande était irrecevable car tardive ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le compte rendu d'évaluation n'est pas entaché d'un vice de forme du fait de ne pas comporter d'appréciation générale sur la valeur personnelle de Mme B..., en méconnaissance de l'article 5 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ; l'appréciation de la valeur professionnelle d'un agent est nécessairement subordonnée à une durée de présence effective et suffisante au cours de la période prise en compte ; en l'espèce, la valeur professionnelle de Mme B... au titre de l'année 2019 ne pouvait être appréciée compte tenu de son placement en congé maladie du 9 juillet 2018 au 18 mai 2019 et sa reprise à mi-temps thérapeutique à compter de cette date ;

Sur les autres moyens de la demande :

- la procédure suivie après son entretien est régulière ; le compte-rendu d'entretien a été envoyé à Mme B... le 28 février 2020 ; en tout état de cause, à considérer qu'un vice sur ce point puisse être retenu, il n'a eu aucune influence sur la décision contestée et n'a pas privé la requérante d'une garantie dès lors qu'elle a été en mesure d'effectuer une demande de révision de sa notation auprès de la commission administrative paritaire (CAP) ;

- l'absence de réponse de la commune à sa demande de révision dans un délai de 15 jours a fait naître une décision implicite de rejet née le 9 juillet 2020 ; quand bien même la CAP s'est prononcée favorablement à sa demande de révision dès lors que cet avis, intervenu avant la décision de la commune, est nul et non avenu ;

- les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires, enregistrés les 7 mars et 3 juillet 2023, Mme A... B..., représentée par Me Noël, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Réaup-Lisse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- la procédure est irrégulière rendant la décision implicite de rejet née le 24 août 2020 illégale dès lors que :

--- le compte-rendu d'entretien n'a pas été notifié dans les 15 jours suivant l'entretien, en méconnaissance du 4° de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 ;

--- elle a formé une demande de révision de cet entretien par courrier du 23 mars 2020, ainsi qu'une demande de saisine de la commission administrative paritaire auprès du centre de gestion de Lot-et-Garonne afin d'obtenir un avis dans le cadre de la révision de son entretien professionnel, par courrier du 11 avril 2020 reçu le 11 mai suivant ; or, la commune n'a jamais apporté de réponse à sa demande de révision alors même que la commission s'est prononcée favorablement ;

- le compte rendu de son entretien professionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il ne comporte aucune appréciation générale de sa valeur professionnelle, aucun élément ne venant corroborer l'appréciation portée par le maire sur chacune de ses compétences ; l'appréciation " temps de travail insuffisant pour porter un jugement " est infondée et les appréciations de ses compétences sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus implicite de procéder à une révision de ce compte-rendu est entaché, pour les mêmes raisons, d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 30 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Achou-Lepage, représentant la commune de Réaup-Lisse, et de Me Deyris, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjoint technique principale de deuxième classe de la commune de Réaup-Lisse exerçant les fonctions d'agent polyvalent de l'école communale, a demandé l'annulation du compte-rendu de l'entretien professionnel au titre de l'année 2019 mené le 24 février 2020, ainsi que la décision refusant de le réviser. Par le jugement attaqué du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande et a enjoint au maire de Réaup-Lisse de procéder à la révision de son entretien dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par la présente requête, la commune de Réaup-Lisse demande l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes de Mme B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".

3. Aux termes de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : (...) 4° Dans un délai maximum de quinze jours, le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui, le cas échéant, le complète par ses observations sur la conduite de l'entretien ou les différents sujets sur lesquels il a porté, le signe pour attester qu'il en a pris connaissance et le renvoie à son supérieur hiérarchique direct ; 5° Le compte rendu, complété, le cas échéant, des observations de l'agent, est visé par l'autorité territoriale ; 6° Le compte rendu est versé au dossier du fonctionnaire par l'autorité territoriale et communiqué à l'agent ; 7° Lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public local est affilié à un centre de gestion, une copie en est communiquée à celui-ci, dans les délais compatibles avec l'organisation des commissions administratives paritaires. ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " I. - L'autorité territoriale peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Cette demande de révision est exercée dans un délai de quinze jours francs suivant la notification au fonctionnaire du compte rendu de l'entretien. L'autorité territoriale notifie sa réponse dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. II. - Les commissions administratives paritaires peuvent, à la demande de l'intéressé et sous réserve qu'il ait au préalable exercé la demande de révision mentionnée à l'alinéa précédent, proposer à l'autorité territoriale la modification du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d'information. Les commissions administratives paritaires doivent être saisies dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l'autorité territoriale dans le cadre de la demande de révision. L'autorité territoriale communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le compte rendu de l'entretien professionnel dont a fait l'objet Mme B... au titre de l'année 2019, le 24 février 2020, lui a été notifié le 13 mars 2020. Elle a présenté une demande de révision de ce compte rendu le 25 mars 2020. En l'absence de réponse du maire, elle a saisi la commission administrative paritaire le 11 avril 2020 de sa demande de révision, et cette dernière a rendu un avis favorable le 25 juin 2020. La commune se prévaut de ce que, en l'application de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, la décision du maire de rejet implicite de la demande de révision présentée par Mme B... est née le 9 juillet 2020, point de départ du délai de recours contentieux de deux mois qui était donc échu au 9 septembre 2020, soit plus d'un mois avant la saisine par cette dernière du tribunal administratif de Bordeaux. Toutefois, et comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il est constant qu'aucun compte rendu définitif de l'entretien professionnel n'a jamais été communiqué à Mme B.... Par suite, le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision n'a pas couru et la demande présentée par Mme B... au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 26 octobre 2020 n'était pas tardive. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la commune et tirée de la tardivité de la demande présentée par Mme B....

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

5. Aux termes de l'article 4 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; 2° Les compétences professionnelles et techniques ; 3° Les qualités relationnelles ; 4° La capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d'un niveau supérieur. ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Réaup-Lisse a coché comme étant " partiellement atteint ", au titre du bilan de l'année écoulée et de l'appréciation des résultats professionnels de l'agent, compte tenu des objectifs fixés et des conditions d'organisation et de fonctionnement du service, l'objectif fixé relatif à la " surveillance des enfants " et comme étant tout à la fois " partiellement atteint " et " non atteint " l'objectif fixé relatif au " nettoyage et ménage ERP ". S'agissant de l'objectif " travaux divers ", aucune des trois cases que contient le compte-rendu, " atteint " " partiellement atteint " et " non atteint ", n'est cochée. Au titre de l'appréciation des compétences techniques et professionnelles de l'agent et des acquis de l'expérience professionnelle, l'autorité hiérarchique, en face de chacun des 34 items proposés, a coché la case correspondant à l'évaluation de l'agent, cinq cases étant à sa disposition (" très bon ", " bon ", " à améliorer ", " non satisfaisant " et " sans objet "). Enfin, au titre de l'avis du supérieur hiérarchique direct sur les perspectives d'évolution professionnelle de l'agent, l'évaluateur a porté la mention " Temps de travail insuffisant pour porter un jugement ". Il est ensuite constant que le compte rendu d'entretien en litige ne comporte aucune appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle de l'agent contrairement à ce qu'exigent les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 16 décembre 2014. Si la commune se prévaut, pour justifier de cette absence, de la durée insuffisante de présence au service de Mme B... sur la période évaluée et soutient que l'autorité hiérarchique ne pouvait dès lors apprécier la valeur professionnelle de cet agent, il résulte de ce qui précède que cette dernière a pourtant porté une appréciation sur l'atteinte de deux des trois objectifs fixés pour l'année et sur les compétences techniques et professionnelles de l'intéressée. Il ne ressort, au demeurant, d'aucune des pièces du dossier que la durée de présence effective de Mme B... au sein du service en 2019 n'aurait pas été suffisante pour permettre à son employeur d'apprécier sa valeur professionnelle. Ainsi, et alors que l'absence d'appréciation générale littérale a privé Mme B... d'une garantie dès lors qu'elle n'était pas en mesure, à la seule lecture des rubriques ci-dessus détaillées, de connaitre avec précision l'appréciation portée par le maire de la commune de Réaup-Lisse sur sa valeur professionnelle pour l'année 2019, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu, pour annuler les décisions contestées, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret du 16 décembre 2014.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Réaup-Lisse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le compte-rendu d'entretien professionnel et la décision par laquelle le maire de la commune de Réaup-Lisse a rejeté sa demande tendant à la révision de ce compte-rendu.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Réaup-Lisse une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de l'intimée, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune requérante de la somme qu'elle demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Réaup-Lisse est rejetée.

Article 2 : La commune de Réaup-Lisse versera à Mme B... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera sera notifiée à Mme A... B... et à la commune de Réaup-Lisse.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00204
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;23bx00204 ?
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