Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'autoriser à défricher une surface de 0,3673 hectares de bois sur les parcelles cadastrées section C n°1373 et n°1375 situées sur le territoire de la commune de Lucmau.
Par un jugement n° 2003945 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Tandonnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003945 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'autoriser à défricher une surface de 0,3673 hectares de bois sur les parcelles cadastrées section C n°1373 et n°1375 situées sur le territoire de la commune de Lucmau ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'une somme de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le motif de refus tiré de ce que le projet méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors que le maintien de la destination forestière des sols serait nécessaire à la protection contre le risque d'incendie est entaché d'une erreur d'appréciation :
--- la préfète de la Gironde a commis une erreur s'agissant du nombre de départs de feu moyen par an recensé sur la commune de Lucmau ;
--- les caractéristiques du terrain à défricher et de son environnement proche sont de nature à réduire le risque incendie (nature des feuillages, parcelles entourées de zones déboisées et construites) ;
--- il a obtenu une déclaration préalable pour le détachement de deux lots à bâtir ainsi qu'un permis de construire, dont il avait demandé le retrait, et le terrain est situé en zone constructible ;
--- les mesures qu'il a prises suffisent à prévenir le risque incendie (zone tampon, bâche à eau).
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'indivision B..., représentée par M. A... B..., a sollicité le 3 juillet 2020 la délivrance d'une autorisation de défricher 0,3673 hectares de bois en vue de la construction d'une maison d'habitation et d'un garage, sur les parcelles cadastrées section C n°1373 et n°1375, d'une superficie totale de 7000 m2, situées sur le territoire de la commune de Lucmau. Par un arrêté du 19 août 2020, la préfète a refusé de faire droit à cette demande. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies (...) ".
3. Pour refuser d'autoriser le défrichement du terrain en litige, la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'unique motif tiré, en application du 9° de cet article, de la nécessité du maintien de la destination forestière du secteur pour la protection contre l'incendie des personnes, des biens, et de l'ensemble forestier lui-même, en estimant que l'installation projetée augmente le risque incendie pour la forêt environnante.
4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé sur la commune de Lucmau, classée en risque " moyen " par l'atlas départemental du risque d'incendie de forêt de Gironde de 2009, document destiné, par un recensement et une analyse des données historiques, à déterminer les secteurs les plus exposés en qualifiant pour chaque commune le risque d'incendie de forêt de " faible ", " moyen " ou " fort " par croisement des niveaux d'aléas, d'enjeux et défendabilité. Si la commune y est listée comme étant concernée par en moyenne entre un et deux départs de feu, et non par cinq départs par an comme initialement retenu par la préfète, il ressort toutefois de ce document que cette commune jouxte la commune de Captieux, concernée par ce niveau maximal de cinq départs de feu par an, et qu'elle présente l'indice d'inflammabilité du sous-bois maximal et une probabilité d'éclosion d'un feu de forêt jugée " forte ". Elle s'insère dans le massif des Landes de Gascogne classé en risque très fort pour l'aléa feu de forêt par le plan interdépartemental de protection des forêts contre les incendies pour les départements de la Dordogne, de la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne pour la période 2019-2029. Le terrain d'assiette du projet, au contact direct du massif forestier, s'insère, certes en bordure de voie publique, mais dans une zone très faiblement urbanisée, à environ 3 km du centre-ville, et s'ouvre au nord, au sud et à l'est sur de vastes espaces naturels boisés. Ainsi, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, si les essences recouvrant la parcelle ne sont pas aussi inflammables que les résineux composant l'essentiel du massif, le risque incendie demeure réel. Contrairement à ce que soutient le requérant, la présence de bâtiments dans un massif boisé, ou à sa lisière, augmente le risque de départ de feu tandis qu'en cas d'incendie déclaré, les secours doivent se porter en priorité sur les lieux habités, ce qui amoindrit d'autant l'efficacité de la lutte menée contre l'incendie lui-même. Si M. B... se prévaut des mesures de précaution qu'il aurait prises par la création d'une zone tampon et l'installation d'une bâche à eau, ces dernières, qui confirment d'ailleurs la réalité du risque, apparaissent insuffisantes pour supprimer l'interface avec le massif forestier et diminuer suffisamment le risque incendie tel qu'induit par l'implantation d'une nouvelle construction à usage d'habitation dans ce secteur. Enfin, M. B... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la légalité du refus d'autorisation de défrichement en litige, de la situation des parcelles concernées en zone constructible du plan local d'urbanisme, des autorisations d'urbanisme qu'il aurait précédemment obtenues sur le terrain d'assiette du projet, ni de la présence d'autres constructions dans le voisinage, autant de circonstances qui, au demeurant, ne suffisent pas à caractériser une erreur d'appréciation de la préfète de région dans sa décision de refus. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus d'autorisation de défrichement qui lui a été opposé est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. La présente décision, qui rejette les conclusions de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions en injonction formées par M. B... ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera remise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00046 2