Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 avril 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2403418 du 4 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé les conclusions dirigées contre le refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, a annulé l'arrêté du 25 avril 2024 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, qu'il fixe le pays de destination et qu'il édicte une interdiction de retour sur le territoire français, a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser au conseil de l'intéressé au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2024, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu que son arrêté méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par le demandeur devant le tribunal n'étaient pas davantage fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 27 août 2024 et le 9 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Gonnord, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à ce que la cour l'admette provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) à titre principal, à la confirmation du jugement et à ce que la cour renvoie l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue sur le refus de séjour et, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux et à ce que la cour annule la décision de refus de séjour qui lui a été opposée par le préfet de la Gironde ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et réitère les moyens soulevés devant les premiers juges.
M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- et les observations de Mme C..., représentant le préfet de la Gironde et de Me Gonnord, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né le 25 mars 1986, est entré en France le 30 juillet 1992 et s'est vu délivrer, le 27 avril 2005, une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger résidant en France depuis l'âge de treize ans, titre de séjour qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 16 mars 2016. A compter du 21 juillet 2016, l'intéressé a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français renouvelée sans interruption jusqu'au 16 avril 2020, puis d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 1er décembre 2021 au 20 novembre 2023. Le 6 décembre 2023, M. A... a sollicité, auprès des services de la préfecture de la Gironde, le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ou, à défaut, de conjoint de français. Par un arrêté du 25 avril 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour pour une durée de cinq ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté et le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 4 juin 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il fait partiellement droit à cette demande.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 12 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur l'étendue du litige :
3. Il résulte des dispositions des articles L. 614-1, L. 614-9 et L. 614-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, que lorsque l'étranger est détenu, il appartient au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour dont il pourrait être saisi. Il ne lui appartient pas, en revanche, de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.
4. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé à une formation collégiale du tribunal l'examen de la légalité de la décision de refus de séjour attaquée par M. A.... Par suite, l'intimé ne saurait demander à la cour qu'elle renvoie l'affaire au tribunal pour qu'il statue sur les conclusions relatives au refus de séjour dont il est déjà saisi, ni qu'elle examine elle-même la légalité de cette décision par la voie de l'évocation.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 23 novembre 2012 à quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'importation, d'acquisition, de détention, de transport, d'offre ou de cession non autorisée de stupéfiants ainsi que de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et le 2 juin 2017 à quatre mois d'emprisonnement pour des faits de vol avec destruction ou dégradation et recel de bien provenant d'un vol. La décision attaquée relève également qu'il est défavorablement connu des services de police pour de nombreux faits délictueux. Il ressort toutefois également des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 6 ans, qu'il y a séjourné depuis de façon régulière, soit pendant plus de trente ans, et qu'il a épousé le 16 janvier 2016 une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants nés le 24 octobre 2016 et le 2 avril 2020. Contrairement à ce que la décision attaquée mentionne, il ressort des éléments produits par l'intéressé que si, d'un commun accord avec son épouse, il a été décidé que les enfants ne viendraient pas visiter leur père à la maison d'arrêt dans laquelle il est placé en détention provisoire, celui-ci maintient avec eux un contact téléphonique régulier. Les attestations qu'il produit permettent en outre d'établir qu'il continue de participer à la vie familiale en sollicitant ses proches pour assurer à son épouse les moyens financiers de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, dont il s'assure par ailleurs qu'ils continuent de fréquenter leur entourage. Dans ces conditions, compte tenu de l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé où se situe également toute sa famille proche, ses parents bénéficiant de cartes de résident pour séjourner sur le territoire national, la mesure d'éloignement édictée par le préfet de la Gironde à l'encontre de M. A... portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 25 avril 2024 en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter sans délai le territoire français et, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le pays de destination et édicte à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de cinq ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt n'impliquant pas, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux ayant déjà enjoint à l'administration de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Gonnord, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier d'une somme somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gonnord une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Gonnord.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX01513 2