Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme S... K... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201776 du 23 octobre 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2024, Mme K..., représentée par Me Balima, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 23 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :
- les décisions contenues dans l'arrêté attaqué sont insuffisamment motivées ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3, du paragraphe 1 de l'article 9 et de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations des paragraphes 2 et 3 de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît le droit à l'éducation tel que garanti par le préambule de la Constitution ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Guyane qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision n° 2023/010267 du 1er février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme K... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme S... K..., ressortissante haïtienne née le 12 septembre 1992, est entrée irrégulièrement en France le 28 mai 2017 selon ses déclarations. Ayant bénéficié d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade valable du 16 juin 2021 au 15 juin 2022, Mme K... a, par courrier reçu le 28 avril 2022 par les services de la préfecture de la Guyane, sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, Mme K... relève appel du jugement du 23 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. (...) ".
3. Par un arrêté n° 20211109 du 9 novembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 10 novembre 2021, le préfet de la Guyane a donné délégation à M. G... H..., directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, à l'effet de signer les actes et décisions dans toutes les matières relevant de l'immigration et de la citoyenneté. L'article 4 de cet arrêté vise plus particulièrement les actes en matière d'accueil au séjour des étrangers, et notamment, d'instruction des titres de séjour, d'éloignement et de contentieux. L'article 14 de cet arrêté autorise M. H... à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité.
4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 20211110 du 10 novembre 2021, également publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Guyane du 10 novembre 2021, M. H... a donné délégation à M. C... I..., directeur général adjoint de la sécurité, de la réglementation et des contrôles et directeur de l'immigration et de la citoyenneté à l'effet de signer les actes relatifs à l'activité de la direction de l'immigration et de la citoyenneté tels que définis aux articles 4, 5 et 10 de l'arrêté du 9 novembre 2021. En cas d'absence ou d'empêchement de M. C... I..., l'article 2 de cet arrêté donne délégation, d'une part, à M. B... D..., chef du bureau accueil séjour et asile, en matière d'accueil au séjour des étrangers et en matière d'asile, de deuxième part, à M. M... P..., chef de la plateforme d'instruction des titres de séjour, en matière d'instruction des titres de séjour et, de troisième part, à Mme A... N..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, en matière d'éloignement et de contentieux. En cas d'absence ou d'empêchement de M. B... D..., délégation est donnée par cet arrêté, à Mme E... J... ou, à défaut, à Mme O... L... et, en cas d'absence ou d'empêchement de M. M... P..., délégation est donnée, par ce même arrêté, à Mme Q... F.... Ces délégations et subdélégations ne donnent pas compétence à Mme A... N..., signataire de l'arrêté contesté, pour signer les refus de titres de séjour. Si, par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet de la Guyane a accordé à Mme N..., une subdélégation de M. H..., en cas d'absence ou d'empêchement de Mme R..., directrice générale adjointe de la sécurité, à l'effet de signer les décisions en matière de refus de séjour, d'éloignement et de contentieux, cet arrêté, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 20 septembre 2022, n'est entré en vigueur que le 21 septembre 2022, de sorte qu'il ne pouvait justifier la compétence de Mme N... pour signer la décision de refus de séjour en litige.
5. Il résulte ce qui précède que Mme K... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 20 septembre 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement.
6. L'annulation de l'arrêté contesté pour le motif retenu ci-dessus, seul fondé en l'état de l'instruction dès lors que la légalité de la décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, implique nécessairement non que le préfet délivre un titre de séjour à Mme K... mais seulement qu'il réexamine la demande de titre de séjour de l'intéressée, au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti qui fait actuellement obstacle à ce que l'intéressée soit éloignée à destination de ce pays, conformément à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, et sans préjudice des démarches que Mme K... peut engager auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme K... sera par ailleurs mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Mme K... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Balima, avocat de Mme K..., en application de ces dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 23 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Guyane du 20 septembre 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme K... au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti, de prendre une nouvelle décision dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision.
Article 4 : L'Etat versera à Me Balima, avocat de Mme K..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme S... K..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Guyane et à Me Balima.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00365