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08/10/2024 | FRANCE | N°23BX01983

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 08 octobre 2024, 23BX01983


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le maire de Lacanau a accordé à M. C... D... et Mme A... B... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle située 5 allée du Petit Moutchic à Lacanau.



Par un jugement n° 1700505 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 décembre 2016 du maire de Laca

nau.



Procédure devant la cour avant cassation :



Par un arrêt n°s 19BX004425, 19BX...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le maire de Lacanau a accordé à M. C... D... et Mme A... B... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle située 5 allée du Petit Moutchic à Lacanau.

Par un jugement n° 1700505 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 décembre 2016 du maire de Lacanau.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par un arrêt n°s 19BX004425, 19BX04480 du 17 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les requêtes d'appel de M. D... et Mme B..., et de la commune de Lacanau, dirigées contre le jugement du 26 septembre 2019.

Par une décision n°s 461518, 461572 du 12 juillet 2023, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt du 17 décembre 2021 et a renvoyé les affaires à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2024, la commune de Lacanau, représentée par Me Franz Touche, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 septembre 2019, au rejet de la demande présentée devant ce tribunal par M. et Mme F..., et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de ceux-ci en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Moutchic constitue un village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors qu'il présente un nombre et une densité significatifs de constructions et est d'ailleurs ainsi qualifié par le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains ; ceci est confirmé par la décision du Conseil d'Etat du 17 décembre 2021 ;

- M. et Mme F... n'apportent pas les précisions suffisantes de nature à identifier les incohérences qui entacheraient selon eux le dossier et les plans, quant aux surfaces créées pour les deux garages ; il en est de même, d'autre part, des surfaces de 123 m² et de 102 m² évoquées dans la requête de première instance, et dont on ne sait même pas à quoi elles se rapportent ; la circonstance selon laquelle on pourrait douter de la destination des garages au regard de leur surface ne saurait avoir d'influence sur la légalité de l'autorisation de construire critiquée dès lors que cette dernière se borne à autoriser le projet tel qu'il est décrit dans la demande ; les considérations que font valoir les requérants de première instance sur ce point sont ici inopérantes et relèvent du contrôle de la bonne exécution de la décision ; il en est de même des allégations selon lesquelles les travaux d'ores et déjà réalisés ne seraient pas conformes au permis délivré ;

- sauf dans l'hypothèse où la commune dispose, à la date de sa décision, d'éléments de nature à établir l'existence d'une fraude, elle ne peut remettre en cause les déclarations du pétitionnaire ; les requérants de première instance ne font valoir aucun élément de nature à établir que les déclarations des pétitionnaires quant à l'affectation du second garage seraient frauduleuses ; d'une part, contrairement à ce qu'ils prétendent, il existe bien une ouverture entre les deux garages, et d'autre part, ce deuxième garage est accessible de la voie publique via le portail situé à l'extrémité ouest de la parcelle ; d'ailleurs, l'exclusion, pour le calcul de la surface de plancher, des surfaces affectées au stationnement, prévue au 4° de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme, concerne le stationnement des " véhicules motorisés ou non " ; la circonstance que l'accès à ce garage depuis le jardin se fasse par des baies vitrées n'est donc pas de nature à établir qu'il ne pourrait être utilisé en tant que tel ; dans ces conditions, le fait que la surface dédiée au stationnement est importante ne pouvait, à lui seul, amener la commune à considérer les déclarations des pétitionnaires comme étant frauduleuses ;

- le dossier contient des photographies de l'état initial du terrain qui permettent de constater que le terrain supportait deux petites constructions et qu'il s'insère dans un ensemble bâti en bordure de la voie publique ; la notice précise le traitement des constructions et clôtures, ainsi que les matériaux et couleurs de la construction ; les documents graphiques et plans joints au dossier ont permis, quant à eux, de renseigner utilement la commune sur l'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions, le traitement des espaces libres et encore l'organisation et l'aménagement des accès au terrain, à la construction projetée et aux aires de stationnement ; l'appréciation de la commune sur l'insertion du projet dans son environnement n'a donc pas en l'espèce été faussée par l'absence de précision de la notice architecturale et l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme a été respecté ;

- les plans respectent par ailleurs l'article R. 431-10 du même code, au regard notamment des documents photographiques joints au dossier de demande ;

- les constructions avoisinantes, tant par leurs façades, les matériaux utilisés ou leur implantation, ne présentent aucune unité d'aspect ou de style ; l'Architecte des Bâtiments de France a émis un avis favorable assorti de prescriptions ; le projet n'est donc pas de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants, ni au site inscrit ;

- les requérants n'apportent aucun élément de nature à démontrer que le classement de la parcelle litigieuse en zone UCa du plan d'occupation des sols serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la parcelle présente une surface de 301 m² et le projet compte 119,33 m² de surface de

plancher ; le coefficient d'occupation du sol au sens du projet est donc de 0,39 ; les dispositions de l'article UC 14 du règlement du plan d'occupation des sols ne sont donc pas méconnues ;

- les règles fixées à l'article UC7 sont respectées, à savoir construction contiguë aux limites séparatives ou respect d'une distance minimale de 2,50 m ; l'arrêté litigieux est en outre assorti d'une prescription expresse concernant l'implantation en limite du projet ;

- la réglementation de la zone UCa est respectée en ce qui concerne la hauteur maximale de construction et la réglementation de la zone UCb ne s'applique pas ;

- les dispositions de l'article R. 121-5 ne s'appliquent pas au projet, seules les parties naturelles des sites inscrits et classés étant protégées au titre des espaces remarquables, or le projet se situe dans une partie urbanisée.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2024, complété le 12 juin 2024 de pièces non communiquées, M. et Mme F... concluent au rejet des requêtes d'appel de M. D... et Mme B... d'une part, de la commune de Lacanau d'autre part, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des parties requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens développés par les appelants n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2024, M. D... et Mme B..., représentés par la Selarl Sol - Garnaud, concluent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 septembre 2019, au rejet de la demande présentée devant ce tribunal par M. et Mme F..., et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de ceux-ci en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le vice tiré de l'incomplétude d'un dossier de demande de permis de construire ne relève pas de la légalité externe mais de la légalité interne ;

- l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme n'a pas été méconnu ;

- le dossier de demande de permis de construire était complet tant pour l'application de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme que pour l'application de l'article R. 431-10 de ce code ;

- le permis est conforme à l'article UC 11 du plan d'occupation des sols et à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- il est également conforme à l'article U 14 de ce plan ;

- il est conforme à l'article UC 7 du plan d'occupation des sols ;

- il est conforme à l'article UC 10 du plan ;

- il respecte les prescriptions de la loi littorale, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat.

Par une ordonnance du 30 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 juin 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public ;

- les observations de Me Touche, représentant la commune de Lacanau,

- les observations de Me Garnaud, représentant M. D... et Mme B...,

- et les observations de Me Schontz, représentant M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 octobre 2016, M. D... et Mme B... ont déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur un terrain situé 5 allée du petit Moutchic à Lacanau. Par un arrêté du 6 décembre 2016, le maire de Lacanau a accordé le permis de construire sollicité. Saisi par M. et Mme F..., propriétaires voisins du projet, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 6 décembre 2016. Par une décision du 12 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 17 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux avait rejeté les requêtes d'appel de M. D... et Mme B... et de la commune de Lacanau, et a renvoyé l'affaire devant la cour. Dans le dernier état de leurs écritures, les parties maintiennent leurs conclusions antérieures à la procédure de cassation.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 décembre 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans les communes littorales : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Le premier alinéa de l'article L. 121-13 du même code dispose que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. ". Aux termes de l'article L. 121-16 du même code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ".

3. Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, que, dans les communes littorales, les constructions peuvent être autorisées soit en hameaux nouveaux, soit en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, aucune construction ne pouvant en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages et, s'agissant des espaces proches du rivage, à la condition qu'elles n'entraînent qu'une extension limitée de l'urbanisation spécialement justifiée et motivée et qu'elles soient situées en dehors de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.

4. Il ressort des pièces du dossier que le quartier du Moutchic, dans lequel s'insère le projet litigieux, est présenté dans le document d'orientation générale du schéma de cohérence territoriale des lacs médocains comme urbanisé depuis 1922, " pensé et conçu comme une station lacustre à part entière ", à l'inverse des autres espaces d'urbanisation qui se sont développés autour du lac. Il compte plus de deux cents habitations ainsi que treize commerces dont quatre ouverts à l'année, regroupés le long de l'avenue de la Plage et de l'allée du petit Moutchic. Ce quartier doit dès lors être regardé comme un espace urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par ailleurs, le projet considéré, qui porte sur la construction d'une maison d'habitation d'une surface de plancher totale de 119,33 m2 venant se substituer à une construction antérieure d'environ 90 m2 de surface de plancher, n'est pas de nature à entraîner une densification significative de cet espace.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lacanau, ainsi que M. D... et Mme B..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire de Lacanau du 6 décembre 2016 au motif d'une méconnaissance des dispositions citées au point 2.

6. Il y a lieu toutefois, pour la cour, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres moyens soulevés devant le tribunal par M. et Mme F....

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme : " Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire. ". Aux termes de l'article R. 431-1 de ce code : " Le projet architectural prévu à l'article L. 431-2 doit être établi par un architecte. ". Aux termes de l'article L. 431-3 de ce même code : " Conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation à l'article L. 431-1, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou exploitations agricoles et les coopératives d'utilisation de matériel agricole qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. (...) Pour les constructions édifiées ou modifiées par les personnes physiques, à l'exception des constructions à usage agricole, la surface maximale de plancher déterminée par ce décret ne peut être supérieure à 150 mètres carrés. (...)". Aux termes de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme : " La surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction : (...) 4° Des surfaces de plancher aménagées en vue du stationnement des véhicules motorisés ou non, y compris les rampes d'accès et les aires de manœuvres (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la surface de plancher déclarée de la construction projetée s'établit à 119,33 m2, ainsi qu'il a été dit au point 4. Alors que le projet prévoit par ailleurs deux garages adjacents, pour des surfaces déclarées de respectivement 65,60 m2 et 57,01 m2, M. et Mme F... soutiennent que le second espace ainsi déclaré aurait en réalité vocation à constituer une surface habitable, de sorte que la surface de plancher réelle excèderait 150 m2, imposant le recours à un architecte. Toutefois, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. En l'occurrence, la fraude alléguée par les époux F... n'est pas établie par les seules circonstances que la superficie consacrée au stationnement de véhicules apparaît inhabituelle et que le second garage comprend de larges ouvertures sur le jardin, alors en particulier qu'il résulte du plan de masse au dossier que, contrairement à ce qu'il prétendent, ce garage est accessible depuis la voie publique par une large ouverture pratiquée entre les deux espaces de stationnement, dans l'axe du portail d'accès au premier d'entre eux. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-1 précité du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; (...) ". L'article R. 431-9 du même code ajoute que " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ". Enfin, selon l'article R. 431-10 de ce code, " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

10. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. M. et Mme F... soutiennent que la notice explicative est trop imprécise et que les plans, photographies et documents graphiques constituant le dossier de demande de permis de construire, qui ne répondent pas aux exigences des dispositions citées au point 9, ne permettent d'apprécier ni l'état initial du site ni l'insertion du projet dans ce site. Toutefois, la notice décrit le terrain d'assiette, précise que la nouvelle construction sera de style architectural local, et détaille les matériaux utilisés ainsi que les teintes employées. Elle est complétée des plans de masse et de façade, de photographies montrant l'état initial du terrain de près comme de loin, ainsi que de plusieurs documents graphiques en trois dimensions permettant d'apprécier les caractéristiques du projet et son insertion dans l'environnement, côté rue comme côté lac. Eu égard à la configuration des lieux, permettant de situer aisément le projet dans son environnement, la circonstance que les angles de prise de vue n'aient pas été reportés sur les plans de masse et de situation ne caractérise pas une carence substantielle du dossier de demande de permis de construire. Dans ces conditions, ce dossier ne peut être regardé comme insuffisant ou incomplet quant à la présentation de l'environnement existant de la construction envisagée, et les époux F... ne sont pas fondés à soutenir que les pièces le constituant ne permettraient pas d'apprécier l'intégration du projet dans l'environnement bâti et auraient ainsi faussé l'appréciation du service instructeur.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols de Lacanau relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Les constructions non contiguës à une limite séparative doivent être implantées à une distance au moins égale à 2,50 m par rapport à cette limite séparative. En UCa et UCb cette distance est ramenée à 1,90 m (...) ".

13. M. et Mme F..., se prévalant de photographies et d'un constat d'huissier, font valoir qu'en méconnaissance des dispositions précitées, la construction projetée ne jouxte pas leur propre maison d'habitation et qu'elle est implantée à seulement 60 cm de la limite séparative entre les deux propriétés. Cependant, le permis de construire litigieux est précisément assorti d'une prescription tenant à ce que " le projet devra jouxter parfaitement la limite séparative, sans débord de toiture ni écoulement d'eau sur la parcelle voisine ". A supposer que cette prescription n'ait pas été respectée à l'occasion des travaux de construction, cette irrégularité dans la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme ne remet pas en cause la légalité de celle-ci.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article UC 10 du règlement du plan d'occupation des sols concernant la hauteur des constructions : " Toutes les hauteurs sont calculées à partir du sol naturel avant travaux. La hauteur des constructions ne doit pas dépasser 3,10 m à l'égout du toit ou à l'acrotère et 4,70 m maximum au faitage (...) en UCa et UCc, la hauteur des constructions au faitage est portée à 6,80 m (...) ".

15. M.et Mme F..., qui soutiennent que la parcelle des pétitionnaires devait être classée en zone UCb du plan d'occupation des sols et non en zone UCa, en déduisent que le projet, dont la hauteur au faitage est de 6,80 m, méconnaît les dispositions précitées. Toutefois, et en tout état de cause, en se bornant à faire valoir que la parcelle confronte les rives du lac et à alléguer qu'elle ne relèverait pas du régime de la concession, sans en justifier, ils n'établissent nullement que le classement de la parcelle serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, alors notamment qu'il résulte des mentions du plan de zonage du plan d'occupation des sols que tant la zone UCa que la zone UCb sont des secteurs d'habitat en rive de lac.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". En outre, l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à l'aspect extérieur des constructions et de leurs abords dispose, en ce qui concerne les constructions neuves et extensions, modifications et constructions existantes : " Façades : / - Les façades doivent présenter un aspect et des matériaux en harmonie avec les constructions existantes afin de ne pas dénaturer le paysage urbain ou naturel. / - Les façades latérales et postérieures des constructions doivent être traitées avec le même soin que les façades principales. / - L'emploi à nu, en parement extérieur, de matériaux destinés à être recouverts d'un revêtement ou enduit, type parpaings ou briques, est interdit. (...) / Menuiseries : / Les menuiseries des ouvertures (fenêtres, portes) doivent s'inscrire dans un schéma de cohérence. Unicité de style et de coloris. / (...) / - Les toitures doivent être à 2 pentes ou plus et sont recouvertes de tuiles de terre cuite. (...) ". Ces dispositions ayant le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posant des exigences qui ne sont pas moindres, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Lacanau.

17. Il résulte de ces dispositions que si la construction projetée porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente doit refuser de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus d'une autorisation d'urbanisme ou les prescriptions spéciales accompagnant sa délivrance, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

18. En l'espèce, le règlement du plan local d'urbanisme de Lacanau décrit la zone UC comme une " zone de maisons individuelles de faibles dimensions à vocation d'habitat principalement, qui ont été réalisées dans le cadre de lotissements anciens ou concessions communales. Le règlement vise à en préserver l'aspect ". Il ressort des pièces du dossier que la construction se situe dans un secteur pavillonnaire constitué de maisons de plain-pied ou en R+1, principalement de couleur blanche ou recouvertes de bardage en bois, dotées d'huisseries aux coloris variés, couvertes de toitures en tuiles à deux pans, de formes et de volumes hétérogènes. La notice architecturale révèle que le projet comportera des façades recouvertes d'un bardage en pin de teinte foncée, des huisseries également sombres, le toit sera à double pente avec des décrochements. En vertu des prescriptions assortissant l'avis favorable de l'Architecte des Bâtiments de France en date du 10 novembre 2016, la couverture est réalisée en tuiles canal, les ouvrages de récupérations d'eaux pluviales en zinc, et les clôtures consistent en un simple grillage doublé d'une haie végétale. Dans ces conditions, de par son aspect et que son gabarit, en R+1, le projet n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit donc être écarté.

19. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article UC 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Lacanau : " Le COS est fixé à 0,30. Il pourra atteindre 0,40 en UCa (...) ".

20. D'une part, l'affirmation des époux F... selon laquelle devrait s'appliquer au projet le coefficient d'occupation du sol (COS) afférent à la zone UCb doit être écartée par les motifs exposés au point 15. D'autre part, il résulte des mentions du dossier de demande de permis de construire que, compte tenu d'une surface de plancher de 119,33 m2 et d'une surface de parcelle de 301 m2, le COS s'établit à 0,39. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lacanau, ainsi que M. D... et Mme B..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2016 présentée par M. et Mme F....

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lacanau et de M. D... et Mme B... la somme que demandent M. et Mme F... au titre des frais qu'ils ont exposés. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers des sommes de 1 000 euros à verser respectivement à la commune de Lacanau et à M. D... et Mme B....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700505 du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par M. et Mme F... est rejetée, de même que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme F... verseront une somme de 1 000 euros à la commune de Lacanau et une somme de 1 000 euros à M. D... et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et Mme A... B... née D..., à la commune de Lacanau et à M. et Mme E... F....

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01983
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : CASADEI-JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23bx01983 ?
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