Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile Haitzura a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé le syndicat mixte Bil Ta Garbi à exploiter un centre de stockage et de valorisation de déchets inertes sur le territoire de la commune d'Urrugne au lieu-dit " La Croix des Bouquets ".
Par un jugement n° 1901191 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 septembre et 10 novembre 2022 et 19 mars 2024, la société Haitzura, représentée par le Me Pentecoste, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ; ces insuffisances et omissions ont eu pour effet de nuire à l'information complète du public et ont exercé une influence sur le sens de la décision :
--- la justification du choix retenu pour l'implantation du projet, au regard de solutions alternatives, est insuffisante voire inexistante ;
--- certaines mesures compensatoires sont décrites dans la note complémentaire de décembre 2017 qui n'a pas été soumise à l'enquête publique qui s'est tenue du 21 août au 20 septembre 2017 ;
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :
--- l'avis de l'autorité environnementale n'a pas été mis à disposition du public en méconnaissance de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ; ce vice a privé le public d'une information complète sur les atteintes portées à l'environnement et sur l'insuffisance des mesures compensatoires prévues ;
--- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions des articles L. 123-10, L. 123-15 et L. 123-19 du code de l'environnement ;
- le projet ne comporte pas d'examen d'autres solutions alternatives en méconnaissance du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement qui conditionne la délivrance d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées à l'absence d'autres solutions satisfaisantes ;
- le projet autorisé porte atteinte à plusieurs espèces et zones humides protégées en méconnaissance des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement, sans que les mesures compensatoires dont l'arrêté est assorti puissent compenser cette atteinte.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2024, le syndicat mixte Bil Ta Garbi, représenté par Me Pintat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Haitzura d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société Haitzura n'a pas intérêt à agir contre l'arrêté contesté ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 mars 2024, la cloture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2024.
Des pièces ont été enregistrées pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 27 juin 2024 et communiquées dans le cadre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Drevet, représentant le syndicat mixte Bil Ta Garbi.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte Bil Ta Garbi a sollicité le 9 janvier 2017 l'autorisation d'exploiter une installation de stockage de déchets inertes d'une capacité maximale de 72 000 tonnes par an et une installation de traitement de déchets inertes d'une puissance maximale installée inférieure à 500 kW sur le territoire de la commune d'Urrugne au lieu-dit " La Croix des Bouquets ". Par arrêté du 22 janvier 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a accordé l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, la société Haitzura, propriétaire d'une parcelle située à proximité du projet, demande l'annulation du jugement du 29 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 janvier 2019 :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
2. L'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale prévoit les conditions d'entrée en vigueur de ces dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ".
3. Il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier, d'une part, le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et, d'autre part, celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
4. Il résulte de ce qui précède que si, en application du 1°) de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 précitée, l'autorisation en litige, une fois délivrée, doit être considérée comme une autorisation environnementale, la demande s'y rapportant a été déposée avant le 1er mars 2017 et donc instruite et délivrée, en application du 2°) de ce même article, selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 26 janvier 2017. Le projet en litige a ainsi fait l'objet, parallèlement à la présente autorisation, de plusieurs autorisations distinctes et notamment celle de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, accordée par arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 22 janvier 2019.
En ce qui concerne la mise à disposition du public de l'avis de l'autorité environnementale :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I. - Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. Cet avis précise : (...) L'avis (...) fait état, lorsqu'il a été émis, de l'avis de l'autorité environnementale mentionné aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme, du lieu ou des lieux où il peut être consulté et de l'adresse du site internet où il peut être consulté si elle diffère de celle mentionnée ci-dessus. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 122-7 du même code : " (...) II. - L'autorité environnementale, lorsqu'elle tient sa compétence du I ou du II de l'article R. 122-6, se prononce dans les trois mois suivant la date de réception du dossier mentionné au premier alinéa du I et, dans les autres cas, dans les deux mois suivant cette réception. Ce délai est fixé à deux mois pour les collectivités territoriales et leurs groupements. L'avis de l'autorité environnementale, dès son adoption, ou l'information relative à l'absence d'observations émises dans le délai, est mis en ligne sur internet. (...) ".
6. La requérante soutient, en se prévalant de ce que l'avis d'ouverture d'enquête publique n'aurait pas fait état de l'avis de l'autorité environnementale rendu le 29 juin 2017 en méconnaissance de l'article L. 123-10 du code de l'environnement, de ce que cet avis, et les informations qu'il contient, notamment s'agissant de l'insuffisante étude des variantes d'implantation, n'aurait pas été mis à disposition du public, qui n'aurait donc pas eu connaissance des appréciations portées sur le projet par cette autorité. Toutefois, il résulte de l'instruction, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que l'avis de l'autorité environnementale figurait au dossier d'enquête publique, comme en atteste le paraphe du commissaire enquêteur qui a explicitement mentionné cet avis dans son rapport.
En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :
7. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 2° Une description du projet, y compris en particulier : - une description de la localisation du projet ; (...) 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées(...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour :/ - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ;(...) ".
8. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
9. Il résulte de l'instruction que le projet en litige consiste en la création et l'exploitation d'une installation de stockage de déchets inertes et d'une plate-forme mobile de broyage et de concassage pour la valorisation de ces déchets inertes. Ce type d'installations relève de rubriques soumises au régime d'enregistrement en vertu de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Toutefois, à la demande du pétitionnaire, le projet a été soumis au régime de l'autorisation en application des dispositions de l'article R. 512-46-9 du code de l'environnement.
10. Si la société requérante reprend le moyen de première instance tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, elle concentre en appel son argumentation sur l'absence d'analyse des variantes d'implantation et sur l'insuffisante présentation des mesures d'évitement, de réduction et de compensation dont certaines n'auraient été spécifiées par le pétitionnaire que dans son complément apporté en décembre 2017, soit postérieurement à l'enquête publique qui s'est tenue du 21 août au 20 septembre 2017. Elle soutient ainsi que ces insuffisances auraient nui à l'information complète du public.
11. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, l'étude d'impact comporte un chapitre dédié à la justification du choix du projet dans lequel elle indique que le projet revêt un caractère d'intérêt général de par l'urgence de la situation et le besoin de doter le territoire de ce type d'installations, identifié au sein du département, tel que décrit par le plan départemental de gestion des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics qui pointe l'insuffisance des équipements de stockage et de la valorisation des déchets inertes dans un secteur marqué par une forte pression de la construction. Elle ajoute que le choix du site a été dicté par la circonstance que seule la commune d'Urrugne, porteuse du projet, s'est montrée volontaire pour accueillir le projet et qu'au sein de la commune, les élus n'ont envisagé, au travers du plan local d'urbanisme, aucune autre implantation. Dans ces conditions, cette étude d'impact, si elle indique bien les raisons du choix effectué, ne décrit pas d'autres solutions d'implantation alternatives tel qu'exigé par les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que cette insuffisance, qui tient essentiellement à l'urgence d'aboutir à une solution raisonnable, qui a été relevée par l'autorité environnementale dans son avis du 29 juin 2017 mis, comme indiqué précédemment, à disposition du public, et qui a été nécessairement prise en compte par l'autorité administrative, ait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou ait été de nature à exercer une influence sur la décision prise.
12. S'agissant, d'autre part, des mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC), il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte une synthèse descriptive des impacts et des mesures ERC associées, complétée des éléments détaillés relatifs aux mesures de réduction en phase de chantier et aux mesures compensatoires, relatives notamment aux zones humides, apportés dans la note complémentaire de juin 2017. L'ensemble de ces éléments ont été mis à disposition du public lors de l'enquête publique qui s'est déroulée du 21 août au 20 septembre 2017. Si le dernier complément apporté à l'étude d'impact, daté de décembre 2017, est postérieur à cette enquête publique, il ne fait que préciser les conditions de mise en œuvre des mesures compensatoires prévues initialement.
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact qui aurait nui à la bonne information du public, doit être écarté dans toutes ses branches.
En ce qui concerne la motivation des conclusions du commissaire enquêteur :
14. La société Haitzura reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des conclusions du commissaire enquêteur. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la délivrance de la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et l'absence d'autres solutions satisfaisantes :
15. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) ".
16. La requérante soutient que le projet ne comporte pas d'examen d'autres solutions alternatives en méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'autorisation de déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées a fait l'objet d'un dossier de demande et d'un arrêté distinct. Dans ces conditions, un tel moyen, qui est spécifique à l'autorisation de déroger, est inopérant à l'encontre de l'examen de la légalité de l'autorisation d'exploiter en litige et doit être écarté comme tel.
En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
17. Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-43 du même code : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi (...) ".
18. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts.
19. Il résulte des dispositions citées au point 15 combinées avec celles citées des articles L. 511-1, L. 512-1 et L. 181-3 du code de l'environnement que, lorsque la construction et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement nécessitaient, avant l'entrée en vigueur du régime de l'autorisation environnementale, la délivrance d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du même code, les conditions d'octroi de cette dérogation contribuaient à l'objectif de protection de la nature mentionné à son article L. 511-1. Pour autant, lorsqu'elles lui apparaissent nécessaires, eu égard aux particularités de la situation, pour assurer la protection des intérêts mentionnés à cet article, le préfet doit assortir l'autorisation d'exploiter qu'il délivre de prescriptions additionnelles. A cet égard, ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de telles prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qu'il ne peut légalement délivrer cette autorisation.
20. La requérante soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que les mesures compensatoires qu'il prescrit sont insuffisantes pour limiter la destruction de plusieurs espèces protégées et de zones humides. Il résulte de l'instruction que le projet, qui consiste en la création et l'exploitation d'un centre de stockage et valorisation de déchets inertes pour un gisement moyen de 40 000 m3 par an de déchets inertes et une surface totale de stockage de 6 hectares, s'implante le long de la RD 810, au droit du vallon dit A... " entre le centre-ville d'Urrugne et Béhobie. Ce vallon est creusé par un talweg recevant, en partie basse, des résurgences et un ruisseau temporaire du même nom, non répertorié en tant que masse d'eau. Il résulte de l'étude d'impact que plusieurs entités écologiques à valeur patrimoniale notable ont été mises en évidence au sein de l'aire d'étude ainsi qu'un certain nombre de zones humides qui représentent près de 30% du site d'implantation du projet. Si le projet, qui s'implante en dehors de tout périmètre de protection ou d'inventaire type zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ou Natura 2000, entraine ainsi la perte d'un certain nombre d'habitats favorables à certaines espèces protégées (notamment 0,28 ha de station favorable au grémil à rameaux étalés, 1,02 ha de boisements âgés favorables aux chiroptères et au lucane cerf-volant, 4,25 ha de boisement favorable au Pouillot ibérique, 3,52 ha d'habitat ouvert favorable à l'Alyte accoucheur), il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a prévu des mesures d'évitement, de réduction et de compensation résidant pour ces dernières notamment dans la gestion des habitats humides, la création de mares, la pose de gîtes artificiels ou encore l'élaboration d'un plan de gestion écologique et la mise en place de boisements compensateurs. Si l'autorisation d'exploiter contestée, qui prescrit des mesures compensatoires spécifiques au busage du ruisseau dit A... " consistant en l'arasement d'un seuil sur l'Arrolako Erreka et à la destruction des zones humides via la mise en œuvre d'un plan de gestion de zones humides et des sites de compensation qui aura une durée minimale de 30 ans, ne reprend pas expressément l'ensemble des mesures que la pétitionnaire s'est engagée à mettre en œuvre s'agissant de la préservation des espèces protégées et de leurs habitats ci-dessus répertoriés, son article 1.3.1 prévoit que les installations et leurs annexes doivent être disposées, aménagées et exploitées conformément aux éléments figurant dans les différents dossiers déposés par le pétitionnaire et respecter les éventuels arrêtés complémentaires ainsi que les autres réglementations en vigueur. En outre, comme déjà indiqué, il résulte de l'instruction, que le projet, qui entraine la destruction d'espèces protégées, a fait l'objet d'une demande distincte, conformément à la procédure applicable au projet en application des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 rappelées au point 2, de dérogation aux interdictions de destruction et de perturbation des espèces protégées et de leurs habitats. Il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a présenté, dans cette demande de dérogation, un ensemble de mesures compensatoires spécifiques, notamment s'agissant des stations de grémils, qui ont été reprises par l'arrêté du 22 janvier 2019, devenu définitif. Dans ces conditions, les mesures prévues dans le cadre de la dérogation, ajoutées à celles prévues dans l'arrêté attaqué, constituent un ensemble de mesures de nature à assurer la préservation des intérêts mentionnés à L. 511-1 du code de l'environnement sans que des mesures additionnelles soient nécessaires pour assurer cette préservation. Par suite, le moyen tiré de ce que les mesures prévues par l'arrêté en litige seraient insuffisantes pour limiter la destruction d'espèces protégées et les zones humides doit être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Haitzura n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2019.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Haitzura demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Haitzura une somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte Bil Ta Garbi, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Haitzura est rejetée.
Article 2 : La société Haitzura versera une somme de 1 500 euros au syndicat mixte Bil Ta Garbi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Haitzura, au syndicat mixte Bil Ta Garbi et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera transmise au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02577