Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler son compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2020.
Par un jugement n° 2200095 du 28 juillet 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me Tabet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 juillet 2022 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2°) d'annuler le compte-rendu annuel d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2020.
Elle soutient que :
- le courrier du 3 décembre 2021 transmettant son compte-rendu révisé par la commission administrative paritaire nationale (CAPN) a été signé par une autorité incompétente ; le signataire n'est pas identifiable ;
- le compte-rendu contient des informations erronées s'agissant des dates auxquelles il a été établi et signé ;
- l'établissement du compte-rendu est intervenu en méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que son supérieur hiérarchique direct ne pouvait légalement évaluer sa valeur professionnelle au regard de leurs relations conflictuelles ;
- le compte-rendu est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été affectée en qualité de contrôleuse des finances publiques à la direction des finances publiques de Saint-Pierre-et-Miquelon à compter du 1er septembre 2019, placée sous l'autorité hiérarchique du directeur des services fiscaux de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. B..., et de son adjointe Mme A.... Le recours hiérarchique exercé par Mme D... a l'encontre du compte-rendu de son entretien annuel relatif à l'année 2020 a été rejeté le 29 avril 2021. Mme D... a alors saisi la commission administrative paritaire nationale (CAPN) qui a proposé, le 3 décembre 2021, une légère révision de l'appréciation générale de la manière de servir de Mme D.... Le compte-rendu révisé a été notifié à Mme D... par des courriers des 3 et 16 décembre 2021. Mme D... relève appel du jugement du 28 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2020.
2. En premier lieu, il convient, par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge, d'écarter les moyens, repris en appel sans aucun élément nouveau, tirés des vices entachant le courrier du 3 décembre 2021 transmettant à Mme D... son compte-rendu révisé et de ce que le compte-rendu contiendrait des informations erronées s'agissant des dates auxquelles il a été établi et signé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 55 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, tel que modifié par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. (...) À la demande de l'intéressé, la commission administrative paritaire peut demander la révision du compte- rendu de l'entretien professionnel ou de la notation (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 4 du même décret : Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier. ".
4. Dans le compte-rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2020, le supérieur hiérarchique direct de Mme D... relève qu'elle a réalisé les objectifs qui lui ont été confiés " dans le contexte particulier de l'année 2020 " et qu'elle devra s'attacher, pour ceux de l'année à venir, à porter " une attention particulière au respect des objectifs qui lui sont assignés et aux préconisations exprimées par son directeur ". Sur les six sous-critères d'évaluation, ceux relatifs aux " connaissances professionnelles dans l'emploi occupé " et aux " compétences personnelles " ont été notés comme " bon ", celui relatif à l'" implication personnelle " comme " moyen " et ceux relatifs au " sens du service public ", à la " capacité à organiser et animer une équipe " et à la " capacité à définir et évaluer des objectifs " comme " insuffisant ". Dans l'appréciation générale, l'évaluateur, tout en relevant que Mme D... est " autonome et très bien organisée " ainsi que " particulièrement dynamique " et " communicative ", et en soulignant son intégration dans un environnement difficile constitué d'une équipe réduite fortement solidaire, lui reproche toutefois, outre un manque d'investissement et de méthode, de faire montre d'un esprit frondeur et d'avoir porté atteinte à son environnement professionnel. Il en conclut que Mme D... n'a pas su démontrer sa capacité à exercer avec efficacité son rôle d'encadrante. Il ressort à cet égard du rapport très circonstancié du 26 août 2021 produit par son supérieur hiérarchique direct dans le cadre de la procédure de révision du compte-rendu devant la CAPN, que Mme D..., qui n'a pas suivi la formation proposée à son arrivée, s'est montrée peu présente durant la campagne de collecte de l'impôt sur le revenu, s'est opposée à la réorganisation des archives impulsée par sa hiérarchie, a refusé tout dialogue avec sa hiérarchie après le 6 novembre 2020, date à laquelle elle s'est emportée au cours d'une réunion, et a manqué à plusieurs reprises à ses obligations de réserve et de discrétion professionnelle. En dépit des explications avancées par l'intéressée, devant la CAPN, celle-ci a confirmé l'ensemble des évaluations de son supérieur hiérarchique, ne modifiant que très légèrement l'appréciation littérale. Mme D..., qui ne peut utilement se prévaloir de ce que ses évaluations antérieures étaient meilleures, alors au demeurant que son évaluation pour 2019 portait essentiellement sur sa manière de servir dans son affectation précédente, correspondant à des fonctions et un contexte différents, se borne pour le surplus à contester la matérialité des griefs qui lui sont faits au moyen de simples allégations, sans que ses propos soient corroborés par les pièces qu'elle produit. Ainsi, la requérante ne remet pas sérieusement en cause les difficultés qu'elle a rencontrées au cours de l'année 2020, qui sont étayées par les documents émanant de sa hiérarchie, et le moyen tiré de ce que son évaluation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit par conséquent être écarté.
5. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a, par courrier du 29 janvier 2021, porté à la connaissance du procureur de la république de Saint Pierre-et-Miquelon des éléments permettant selon elle de conclure à une fraude fiscale de la part de son supérieur hiérarchique direct, M. B..., et de son adjointe, Mme A..., et a déposé plainte le 12 février 2021 pour des faits de harcèlement moral à l'encontre de M. B.... Pour autant, une telle situation ne saurait, par elle-même, et en dehors de toute autre circonstance précise, être de nature à mettre en cause l'impartialité du supérieur hiérarchique direct de l'agent public et n'implique pas, en tant que telle, que celui-ci ne soit plus en mesure d'apprécier objectivement les mérites de cet agent. En l'espèce, et eu égard à ce qui a été dit au point 4 ci-dessus, il ne ressort pas des mentions du compte-rendu contesté que le supérieur hiérarchique direct de Mme D... aurait fait preuve à son encontre d'une animosité particulière ou aurait entaché son appréciation de partialité, ni qu'il aurait utilisé l'entretien professionnel à une autre fin que celle d'apprécier sa valeur professionnelle ou encore qu'il aurait eu l'intention de sanctionner les dénonciations susmentionnées, ainsi que l'allègue la requérante. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait eu connaissance, à la date de l'entretien professionnel, du courrier du 29 janvier 2021 et de la plainte du 12 février 2021. La CAPN, ainsi qu'il a été dit, n'a d'ailleurs pas remis en cause les appréciations portées sur les critères d'évaluation de la manière de servir de l'intéressée. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le compte-rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2020 aurait été pris en méconnaissance du principe d'impartialité.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Saint Pierre et-Miquelon a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... divorcée C... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent PougetLa greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02469