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03/10/2024 | FRANCE | N°24BX00827

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 03 octobre 2024, 24BX00827


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300727 du 15 février 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la cour :



Par une requête enregistrée le 4 avril 2024, M. A..., représenté par Me Navin, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300727 du 15 février 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 avril 2024, M. A..., représenté par Me Navin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 14 avril 2023, y compris le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe, d'une part, d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, d'autre part, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été édictées par une autorité incompétente ;

- elles ont également été édictées au terme d'une procédure irrégulière faute pour le préfet de lui avoir préalablement permis de faire valoir tous les éléments de sa situation personnelle, d'avoir tenu compte des éléments qu'il a produits, de l'avoir interrogé sur ses craintes en cas de retour et de l'avoir entendu lors d'une audition suffisamment longue pour lui permettre de présenter ses observations ; ces décisions ont ainsi été édictées en méconnaissance de son droit d'être entendu, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale en France et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- étant père d'un enfant français, il remplit les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour la même raison, la mesure d'éloignement litigieuse a été édictée en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il serait exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour à Haïti ;

- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est dépourvu de base légale compte tenu de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet.

Par ordonnance du 21 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024 à 12h00.

Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 2 septembre 2024 à 17h46.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 7 octobre 1985, indique être entré en France le 15 février 2015 et a présenté une demande d'asile le 9 septembre 2015. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 octobre 2016. L'intéressé s'est vu délivrer le 11 juin 2020, en raison de son état de santé, une autorisation provisoire de séjour valable pour une durée de six mois. Il a sollicité, auprès des services de la préfecture de la Guadeloupe, son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 février 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de celles produites pour la première fois en appel, que M. A... est le père d'un enfant français né le 24 août 2018 et qu'il a reconnu par anticipation le 31 mai précédant la naissance. Il justifie, par les pièces qu'il produit, d'une vie commune avec la mère de l'enfant, de nationalité française, depuis l'année 2021, en dépit d'une interruption dans le courant de l'année 2023 où sa compagne se trouvait à Troyes, et produit de nombreuses pièces permettant de retenir qu'il contribuait à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis plus de deux ans à la date de la décision attaquée. Il ressort en outre des pièces du dossier que le fils de M. A... est atteint d'un léger handicap qui nécessite un suivi médicoéducatif auquel l'intéressé participe activement. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Guadeloupe a porté, par l'arrêté attaqué, une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée par rapport au but en vue duquel l'arrêté litigieux a été édicté.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. L'exécution du présent arrêt implique également que le préfet de la Guadeloupe fasse supprimer le signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de faire procéder à cette suppression sans délai.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 février 2024 et l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 14 avril 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guadeloupe de prendre, sans délai, toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Article 4 : L'État versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Guadeloupe et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24BX00827 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00827
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : NAVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24bx00827 ?
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