Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 26 juin 2020 du ministre de l'éducation nationale l'ajournant au concours interne du certificat d'aptitude au professorat de second degré (CAPES) ouvert au titre de l'année 2020 dans la discipline des sciences économiques et sociales et d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prononcer son admission au concours ou subsidiairement de le soumettre aux épreuves d'admission du CAPES, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 300 000 euros en réparation des préjudices causés par la décision du ministre de l'éducation nationale de l'ajourner au concours interne du CAPES ouvert au titre de l'année 2020.
Par une ordonnance n°s 2002944, 2004317 du 1er juillet 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2022, M. A..., représenté par Me Laplagne, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juillet 2022 ;
2°) d'annuler la délibération du jury du concours interne du CAPES en sciences économiques et sociales pour la session 2020, notamment en ce qu'elle a prononcé son ajournement ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prononcer son admission au concours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices causés par la décision du ministre de l'éducation nationale de l'ajourner au concours interne du CAPES ouvert au titre de l'année 2020 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux aurait dû interpréter sa demande comme tendant à l'annulation de la délibération du jury dans son ensemble compte tenu du caractère indivisible de cette délibération ;
- alors qu'il était admissible, il s'est vu notifier le 26 juin 2020 une décision de " refus ", sans avoir pu défendre ses chances lors d'une épreuve d'admission ;
- il en résulte une rupture d'égalité, dès lors que d'autres candidats, dans une situation identique à la sienne, ont été admis sans passer les épreuves d'admission ;
- il est fondé à se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 10 juin 2020 prévoyant que l'épreuve d'admission est remplacée par les résultats de la seule épreuve d'admissibilité, l'ensemble des candidats ayant, comme lui, passé l'étape de l'admissibilité sont reçus au concours ;
- la responsabilité de l'Etat peut être engagée tant sur le terrain de la responsabilité pour faute, que sur le terrain de la responsabilité sans faute à raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ; il subit à ce titre un préjudice anormal et spécial ;
- il a subi une précarisation, des pertes de revenus, ainsi qu'un préjudice moral en lien avec la non-obtention du concours ; l'ensemble des préjudices peut être évalué à 300 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2022, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est régulière, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux n'ayant pas fait d'interprétation erronée des conclusions présentées par M. A... ;
- sur le fond, il renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2020-390 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-437 du 16 avril 2020 ;
- l'arrêté du 19 avril 2013 modifié fixant les modalités d'organisation des concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré ;
- l'arrêté du 10 juin 2020 portant adaptation des épreuves du concours interne de recrutement des psychologues de l'éducation nationale ouvert au titre de l'année 2020 en raison de la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure,
- les conclusions de M. Michaeël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Brouillou-Laporte, représentant de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., enseignant, a été déclaré admissible à la session 2020 du concours interne du certificat d'aptitude au professorat de second degré (CAPES) ouvert au titre de l'année 2020 dans la discipline des sciences économiques et sociales. A la suite de la suppression des épreuves orales d'admission par application de l'article 2 de l'arrêté du 10 juin 2020 portant adaptation des épreuves de certaines sections du concours interne du CAPES au titre de l'année 2020, le jury a, par délibération du 25 juin 2020, fixé, sur la base des résultats de la seule épreuve écrite d'admissibilité, la liste des candidats admis au concours. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux demandes tendant, d'une part, à annuler la décision du 26 juin 2020 du ministre de l'éducation nationale l'ajournant au concours interne du CAPES ouvert au titre de l'année 2020 dans la discipline des sciences économiques et sociales, d'autre part, à condamner l'Etat à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par une ordonnance n°s 2002944, 2004317 du 1er juillet 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les demandes, les a rejetés. Par la présente requête, M. A... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ". Aux termes de l'article R. 342-2 du même code : " Le tribunal administratif saisi d'une demande relevant de sa compétence territoriale est également compétent pour connaître d'une demande connexe à la précédente et relevant normalement de la compétence territoriale d'un autre tribunal administratif. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a, par ses écritures présentées par avocat, expressément demandé l'annulation de la décision du 26 juin 2020 du ministre de l'éducation nationale lui refusant le concours interne du CAPES ouvert au titre de l'année 2020 dans la discipline des sciences économiques et sociales. Ainsi, le premier juge a pu estimer, sans se méprendre sur la portée des conclusions dont il était saisi, que la demande de M. A... devait être interprétée comme demandant au tribunal l'annulation de la délibération du jury en cause, en tant seulement qu'elle concernait sa propre candidature. Alors que la décision du jury, fondée sur l'examen des dossiers des candidats, présente pour chacun des concours un caractère indivisible, le premier juge a pu, en conséquence, à bon droit considérer, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, que les conclusions présentées par M. A... à fin d'annulation de la seule décision l'ajournant au concours interne de recrutement de professeurs certifiés stagiaires en vue de l'obtention du CAPES de sciences économiques et sociales pour la session 2020, étaient manifestement irrecevables. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande en annulation présentée par M. A..., ainsi que la demande, connexe, à fin d'indemnisation et les conclusions aux fins d'injonction, doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
4. Si M. A... précise en appel que les conclusions en annulation qu'il présente à l'encontre de la délibération du jury du concours en cause ne doivent pas être regardées comme uniquement dirigées contre le rejet de sa propre candidature, il ressort des pièces du dossier que le premier juge a, en tout état de cause, examiné et écarté, sur le fondement du 7° de l'article R.222-1 du code de justice administrative, les deux moyens d'annulation soulevés tirés de la rupture d'égalité devant les charges publiques et de l'erreur manifeste d'appréciation. Or, M. A... reprend ses moyens de première instance tirés de la rupture d'égalité devant les charges publiques et de l'erreur manifeste d'appréciation sans développer, à leur soutien, d'argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision en litige, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat.
6. En second lieu, la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.
7. Aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19: " Les voies d'accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois des agents publics de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique des communes de la Polynésie française peuvent être adaptées, notamment s'agissant du nombre et du contenu des épreuves (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 16 avril 2020, pris pour l'application des articles 5 et 6 de cette ordonnance : " Les adaptations des épreuves mentionnées à l'article 5 de l'ordonnance du 27 mars 2020 susmentionnée sont prises :/ 1° Pour les voies d'accès à la fonction publique de l'Etat, par arrêté conjoint du ministre compétent et du ministre chargé de la fonction publique ; (...)/ Pour les voies d'accès mentionnées aux 1°, 3° et 4° ci-dessus, ces adaptations peuvent notamment prévoir la suppression d'épreuves orales ou leur remplacement par des épreuves écrites nonobstant les dispositions du statut particulier ou celles du décret fixant les modalités de recrutement dans les corps, grades ou emplois correspondants. (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Lorsque l'organisation des voies d'accès mentionnées en annexe, incluant notamment la publication des listes de lauréats, n'est pas achevée au 12 mars 2020, le nouveau calendrier et les nouvelles conditions d'organisation peuvent faire l'objet, le cas échéant, d'un arrêté ou d'une décision de l'autorité organisatrice reportant les épreuves concernées, publiés dans les mêmes conditions que celles applicables à l'ouverture ". Par un arrêté du 10 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et le ministre de l'action et des comptes publics ont adapté les épreuves dans onze des sections du concours interne de recrutement de professeurs certifiés de l'enseignement du second degré ouvert au titre de l'année 2020 en raison de la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19. L'article 2 de cet arrêté prévoit seulement une épreuve d'admission et la remplace par les résultats de l'épreuve d'admissibilité. Ces dispositions ont ainsi pour effet de supprimer les oraux d'admission dans onze des sections du CAPES interne, cet oral étant donc remplacé par les résultats de l'épreuve d'admissibilité.
8. Contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté interministériel du 10 juin 2020 ne prévoit pas que l'ensemble des candidats ayant passé l'étape de l'admissibilité soient reçus au concours, mais que le jury prononce l'admission à ce concours au terme des épreuves d'admissibilité, en fonction des postes disponibles et des meilleurs résultats des candidats admissibles.
9. M. A... soutient que la suppression des épreuves orales d'admission au concours interne de recrutement de professeurs certifiés stagiaires en vue de l'obtention du CAPES de sciences économiques et sociales pour la session 2020 ne lui a pas permis de défendre ses chances et que l'admission de candidats au concours sans qu'ils aient eu à passer d'épreuves orales constitue une atteinte au principe d'égal accès aux emplois publics. Toutefois, le requérant admet que l'ensemble des candidats au concours interne du CAPES ouvert au titre de l'année 2020 dans la discipline des sciences économiques et sociales a été concerné par la suppression des épreuves orales d'admission. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé se serait trouvé, au regard de ses résultats de l'épreuve d'admissibilité, dans la même situation que les candidats qui ont été admis. Par suite, le remplacement des oraux d'admission par les résultats de l'épreuve d'admissibilité par les dispositions précitées de l'arrêté ministériel du 10 juin 2020 ne peut être regardé comme ayant, par lui-même, été la cause pour M. A... d'un préjudice anormal et spécial de nature à engager, à son égard, la responsabilité de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02300