Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302523 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 29 janvier et 17 avril 2024, Mme C..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2302523 du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui remettre, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à séjourner et à travailler en France ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en fait et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard des stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'il ne fait pas état de la présence de sa fille en France ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle justifie de l'établissement de sa vie familiale en France ; elle remplit d'ailleurs les conditions pour se voir délivrer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial ce qui prouve que sa vie privée et familiale est bien établie en France ;
- il méconnait l'intérêt supérieur de son enfant tel que garanti par les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il a pour conséquence de la séparer de sa fille.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2023/009477 du 9 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité marocaine, est entrée en France le 6 décembre 2017 munie d'un visa de court séjour pour l'Espagne valable jusqu'au 8 janvier 2018 avec une durée de séjour autorisée en France de trente jours. Le 21 novembre 2022, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 janvier 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur les conclusions en annulation :
2. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a considéré, pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme C..., que cette dernière ne démontrait pas l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France et que sa situation familiale ne répondait pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Dans sa décision, le préfet a listé les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée sur lesquels il s'est fondé et notamment la circonstance que si l'époux de Mme C..., M. A..., réside légalement en France, l'intéressée ne justifie pas d'une ancienneté significative de présence en France et d'une insertion particulière sur le territoire, ni d'une quelconque situation professionnelle ou de ressources personnelles propres. L'arrêté conclut " qu'après un examen approfondi de sa situation, et compte tenu de l'ensemble des éléments du dossier ", elle ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour, sans qu'il y ait d'atteinte aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ne ressort d'aucun des termes de l'arrêté que le préfet ait pris en considération, dans son appréciation, la circonstance, essentielle au titre de l'examen de l'atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressée, que Mme C... était la mère d'une petite fille, née en 2018 en France de son union avec M. A..., et que cette dernière, seule enfant de la requérante, y résidait avec sa mère et son père, ressortissant marocain titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée en 2020, qui a donc vocation à rester en France, alors même qu'il avait connaissance de la situation familiale de l'intéressée puisque la fiche familiale mentionne bien cet enfant. L'arrêté attaqué ne vise d'ailleurs pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant dont Mme C... se prévaut par ailleurs. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
5. Eu égard au motif d'annulation du refus de titre de séjour retenu, seul fondé en l'état de l'instruction, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde, en application de l'article L. 911-2 précité du code de justice administrative, de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par Mme C... et de prendre une nouvelle décision sur cette demande. Il y a lieu de prescrire cette mesure dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Par ailleurs, et en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient au préfet de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision à intervenir sur sa situation.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Trebesses.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 27 janvier 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande présentée par Mme C... et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir Mme C... d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Trebesses la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse D...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00222