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24/09/2024 | FRANCE | N°24BX00120

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 24 septembre 2024, 24BX00120


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2301830 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.<

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2301830 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, M. B..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement n'a pas été signé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation individuelle ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'interdiction de retour d'une durée d'un an est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Corrèze, qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 27 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024 à 12h00.

Par une décision du 20 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, déclare être entré irrégulièrement en France en 2019. A la suite de son interpellation par les services de police, le 19 octobre 2023, le préfet de la Corrèze, par un arrêté du même jour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 23 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2023.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le magistrat désigné par le président du tribunal et par le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. B... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2023 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B... fait valoir qu'il réside sur le territoire national depuis quatre ans. Toutefois, cette seule durée de séjour ne saurait établir l'intensité des liens du requérant en France et de son insertion dans la société française. Il est célibataire et sans charge de famille, ne fait état d'aucun relation en France, et indique lui-même disposer d'un lien familial au Maroc en la personne de son père. Par suite, le préfet de la Corrèze, en prenant à son encontre la mesure d'éloignement litigieuse, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et cette décision ne révèle aucun défaut d'examen sérieux de sa situation par cette autorité.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

7. Il n'est pas contesté par M. B... qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français, où il s'est ensuite maintenu en situation irrégulière, qu'il a déclaré ne pas vouloir retourner au Maroc, qu'il est dépourvu de tout document d'identité et qu'il n'a pas justifié d'un domicile pérenne. Dans ces conditions, et alors même qu'il séjourne en France depuis quatre ans, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B....

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour (...) ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

10. Pour décider de prononcer à l'encontre de M. B..., soumis à une obligation de quitter le territoire français sans délai, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Corrèze a tenu compte de ce qu'il est entré récemment en France, s'y est maintenu en séjour irrégulier jusqu'à son interpellation, s'y trouve sans domicile établi, et ne justifie pas de liens quelconques en France. Dans ces conditions, quand bien même le requérant n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, le préfet, en prenant cette mesure, n'a ni méconnu les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve DupuyLe président-rapporteur,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX00120 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00120
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;24bx00120 ?
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