La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2024 | FRANCE | N°22BX02935

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 24 septembre 2024, 22BX02935


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé, au titre de la rubrique 5.2.3.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, les travaux connexes à l'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Oloron-Sainte-Marie, de Précilhon et d'Escout.



Par un jugement n°2001059 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé, au titre de la rubrique 5.2.3.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, les travaux connexes à l'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Oloron-Sainte-Marie, de Précilhon et d'Escout.

Par un jugement n°2001059 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2022, l'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques, représentées par Me Ruffié, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2001059 du tribunal administratif de Pau du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle n'a pas procédé à une analyse des effets cumulés du projet d'aménagement foncier au titre duquel les travaux connexes ont été autorisés et ceux résultant de la construction de l'infrastructure routière concernant la déviation de la RN 134 ; il en est de même des effets cumulés avec le projet concernant l'opération de mise en sécurité de la RN 134 sur la section Belair-Oloron-Sainte-Marie ;

- l'étude d'impact est erronée s'agissant de la délimitation des zones humides concernées par le périmètre d'aménagement ; le périmètre des zones humides aurait dû, à l'aune d'une définition des zones humides selon des critères alternatifs, être nécessairement plus étendu ; cette carence a eu une influence sur le sens de la décision dès lors que le préfet a prévu la compensation de ces zones en fonction de leur délimitation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement dès lors que le projet nécessitait une autorisation de dérogation de destruction d'espèces protégées ;

- la prescription posée à l'article 5 de l'arrêté attaqué, relative à la mise en défens avant le début des travaux de la gentiane pneumonanthe, mesure d'évitement, est irréalisable ;

- la prescription posée à l'article 6 de l'arrêté attaqué, relative à la replantation de ripisylve et de boisements, mesure de compensation, est inadaptée dès lors que les parcelles concernées sont déjà fournies en haies ;

- les prescriptions relatives au calendrier de travaux et aux mesures de suivi à mettre en place, notamment par le biais du passage d'un écologue, sont insuffisantes ;

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2023, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2024.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées pour le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 19 juin 2024 et ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Ruffié, représentant l'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques.

Une note en délibéré a été enregistrée le 12 septembre 2024, présentée pour l'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques par Me Ruffié.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 14 mars 2008, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré d'utilité publique les travaux de contournement à deux voies d'Oloron-Sainte-Marie par la route nationale (RN) 134 et son classement dans la voirie nationale entre le PR 65+100 et 71+650 ainsi que la mise en comptabilité des plans locaux d'urbanisme des communes d'Oloron-Sainte-Marie et de Gurmençon et du plan d'occupation des sols intercommunal de la Communauté de communes du Piémont Oloronais. Les effets de cette déclaration d'utilité publique ont été prorogés en dernier lieu jusqu'au 14 mars 2023. Ce projet d'aménagement routier, dont la maitrise d'ouvrage est assurée par l'Etat, et dont la réalisation est susceptible d'entraîner un prélèvement foncier et une coupure des territoires perturbant, entre autres, les conditions d'exercice de l'activité agricole, a eu pour corollaire la constitution par arrêté du 30 octobre 2013 du président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques d'une commission intercommunale d'aménagement foncier (CIAF), la CIAF d'Oloron-Sainte-Marie, Précilhon et Escout. Après la conduite de l'étude d'aménagement courant 2015, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a fixé par arrêté du 22 janvier 2016, la liste des prescriptions environnementales et hydrauliques que devra respecter la commission dans l'organisation du nouveau parcellaire et l'élaboration du programme de travaux. Par arrêté du 9 août 2016, le président du conseil départemental a ordonné l'ouverture des opérations d'aménagement foncier, agricole et forestier (AFAF) sur les communes d'Oloron-Sainte-Marie, Précilhon et Escout avec extension sur Bidos. Le plan des travaux a été adopté par la commission intercommunale lors de sa séance du 12 novembre 2019. Le 10 décembre 2019, le conseil départemental a déposé une demande d'autorisation de réaliser les travaux connexes à l'aménagement foncier d'Oloron-Sainte-Marie, Précilhon et Escout avec extension sur la commune de Bidos, dans le respect des conclusions et prescriptions de l'étude d'impact réalisée en novembre 2018 et actualisée en novembre 2019. Par arrêté du 7 février 2020, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé ces travaux. Par la présente requête, l'association Protection Haut Béarn Environnement et la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques relèvent appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement attaqué, transmise à la cour par le tribunal administratif de Pau, qu'elle a été signée par la rapporteure, le président et la greffière, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ces jugements. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier car il ne serait pas signé doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2020 :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

3. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 16 décembre 2019, publié le 18 décembre 2019 au recueil des actes administratifs de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, le préfet a consenti une délégation à M. B... A..., directeur départemental des territoires et de la mer des Pyrénées-Atlantiques, à l'effet de signer, dans le cadre des aménagements fonciers, les arrêtés autorisant les travaux connexes en application de l'article R. 121-29 du code rural et de la pêche maritime. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance et l'inexactitude de l'étude d'impact :

4. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " (...) II. Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. (...) ". L'article R. 122-2 du même code soumet les opérations foncières agricoles et forestiers visées au 1° de l'article L. 121-1 du code rural, y compris leurs travaux connexes, à évaluation environnementale. Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / - ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ; / - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. (...) ".

5. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

6. En premier lieu, les appelantes soutiennent que l'étude d'impact ne prend pas suffisamment en compte les effets cumulés des travaux connexes à l'opération d'aménagement foncier autorisés par l'arrêté contesté avec ceux résultant de la déviation de la RN 134 et de l'opération de mise en sécurité de cette nationale sur la section Belair-Oloron-Sainte-Marie. S'agissant d'une part, des effets cumulés du projet avec le projet de contournement d'Oloron-Sainte-Marie, il résulte de l'instruction que si l'autorité environnementale a relevé, dans son avis du 12 juin 2019, l'insuffisance de l'étude d'impact dans sa version initiale sur ce point, le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a complété cette étude par une mise à jour d'août 2019. L'étude d'impact, dans sa dernière version, qui a été soumise à enquête publique du 30 septembre au 31 octobre 2019, comprend ainsi une dizaine de pages consacrée à l'analyse des effets cumulés avec d'autres projets connus dont une partie est dédiée à la présentation du projet de contournement d'Oloron. Elle indique que les principaux enjeux environnementaux de ce projet de contournement sont similaires à ceux mis en évidence au niveau des périmètres d'aménagement foncier de Gurmençon-Agnos, qui fait l'objet d'une présentation spécifique, et d'Oloron-Escout-Précilhon dès lors que ces derniers englobent l'emprise du futur ouvrage. Elle détaille leurs principales caractéristiques, notamment s'agissant de l'impact du projet sur le réseau hydrographique ainsi que sur les boisements. Elle comporte enfin un tableau d'analyse des impacts cumulés de ces AFAF et du contournement d'Oloron et présente succinctement les mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC) intégrées au projet de déviation, permettant de pallier les effets négatifs du projet. Elle conclut à l'existence d'impacts cumulés concernant les éléments boisés et les prairies, ainsi que concernant la fonctionnalité écologique, mais indique que les différentes mesures ERC prises dans le cadre de ces projets, résultant de la mise en œuvre de plantations compensatoires ou encore d'un phasage précis des travaux, permet de limiter les impacts cumulés des différents projets.

7. S'agissant d'autre part, de l'impact cumulé des travaux connexes à l'opération d'aménagement foncier autorisés par l'arrêté contesté avec ceux résultant de l'opération de mise en sécurité de la RN 134 sur la section Belair-Oloron-Sainte-Marie, les appelantes soutiennent qu'il résulte de l'avis de l'autorité environnementale rendu sur ce projet le 21 novembre 2018 qu'il comporterait de nombreuses lacunes alors qu'il attente considérablement à l'environnement. Cependant, un tel argument est inopérant s'agissant de l'examen de la suffisance de l'étude d'impact en litige. En revanche, il est constant que ce projet de mise en sécurité de la RN 134, qui avait pourtant, lors du dépôt de l'étude d'impact en litige dans sa version complétée en août 2019, fait l'objet d'une évaluation environnementale et d'un avis de l'autorité environnementale rendu public, n'est jamais analysé au titre du cumul de ses incidences avec le projet contesté, ni dans la version initiale de l'étude d'impact, ni dans sa version complétée d'août 2019. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que l'étude d'impact est insuffisante sur ce point. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette absence de prise en compte de l'opération de mise en sécurité de la RN 134, comprise entre le lieu-dit Bélair et l'entrée est de la commune d'Oloron Sainte Marie, qui a pour objectif principal l'amélioration de la sécurité de la nationale et qui consiste en un élargissement de la chaussée sans ajout de voie de circulation, dont seul un petit tronçon recoupe le périmètre d'aménagement foncier en litige, ait eu un impact sur le sens de la décision contestée ou sur l'information du public dès lors que l'étude d'impact propre à l'opération de mise en sécurité comporte une analyse détaillée de ses effets cumulés avec le contournement d'Oloron-Sainte-Marie, opération d'ensemble à laquelle les travaux connexes en litige se rattachent, notamment s'agissant du transit des eaux de ruissellement et du réseau hydraulique de manière plus globale, et que cette opération a été autorisée par la même autorité que celle qui a délivré l'autorisation en litige.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ".

9. Il résulte de l'instruction, comme le soutiennent à juste titre les appelantes, que l'étude d'impact est erronée s'agissant de la caractérisation des zones humides concernées par le projet dès lors que pour recenser ces dernières, le maitre d'ouvrage s'est appuyé sur le caractère cumulatif des critères pédologiques et botaniques conformément à une note technique du 26 juin 2017 transcrivant une position du Conseil d'Etat devenue obsolète, et non sur le caractère alternatif de ces critères tels que posés par la loi et par les dispositions précitées de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans leur version applicable à l'espèce. Ainsi, l'étude d'impact comporte un paragraphe dédié à la délimitation des zones humides concernées par le projet dans lequel elle conclut, après avoir détaillé la méthodologie retenue, au constat que " les zones humides (au sens de la note technique ministérielle du 26 juin 2017) représentent 68,93 ha au sein du périmètre d'aménagement ". Toutefois, il résulte également de la carte 28 " Sondages pédologiques et analyse des zones humides ", comprise dans cette analyse, qu'elle comporte une localisation de l'ensemble des zones humides selon les deux critères, floristiques comme pédologiques, quand bien même l'application de critères cumulatifs a conduit à minimiser la délimitation des zones humides retenues, telles que figurant dans la carte 29 " Zones humides retenues ". En outre, l'étude d'impact prévoit, au titre des mesures de compensation des impacts du projet sur les zones humides, la restauration d'une culture en prairie humide pour une superficie de 6 200 m², soit largement supérieure à la perte de 450 m2 de zone humide à laquelle elle conclut, quand bien même cette perte a été minorée par l'application d'une méthodologie erronée. Dans ces circonstances, l'erreur de méthodologie commise dans l'étude d'impact pour caractériser les zones humides n'a pas eu d'influence sur l'information du public ou le sens de la décision prise par l'autorité concernée dès lors que ces derniers disposaient, au sein de l'étude d'impact, de l'ensemble des données nécessaires pour éclairer leurs réflexions et que la mesure de compensation proposée par le pétitionnaire, d'ailleurs reprise par le préfet dans les prescriptions posées par l'arrêté contesté, était largement supérieure à la superficie des zones humides impactées.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ou des inexactitudes dont elle serait entachée, doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées :

11. Il résulte des articles 12 et 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, des articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-6, R. 411-11 et R. 411-12 du code de l'environnement et des articles 2 et 4 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

12. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

13. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées et leurs habitats est suffisamment caractérisé. À ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

14. Il résulte de l'instruction que le programme des travaux connexes prévoit notamment le défrichement/déboisement de haies, de boisements ou d'arbres isolés ainsi que leur compensation, l'arasement d'anciennes limites de parcelles, la remise en culture d'anciens chemins, la dépose et la pose de clôtures, la création de chemins, le reprofilage de chemins existants, l'aménagement d'entrées de parcelles mais aussi des travaux hydrauliques tels que la réhabilitation de buses existantes ou le busage ponctuel de fossés à faible enjeux. Il résulte de l'étude d'impact que le périmètre d'aménagement foncier est concerné par deux sites Natura 2000 " Le gave d'Aspe et le Lourdios " et " Le gave d'Ossau ", ainsi que par deux zones d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) situées au niveau des gaves. Ce secteur agricole comporte près de 21 km de haies, soit 31 mètres de haie/ha en moyenne (qualifiées pour 8 600 mètres de haies à fort enjeu, pour 6 800 mètres en enjeu modéré et pour 5 300 mètres en faible enjeu). Il est également marqué par la présence d'arbres isolés (195 arbres isolés soit 1 arbre tous les 3 ha en moyenne), de bois (environ 150 ha sur les 666 ha de l'aire d'étude) et de zones humides, telles que détaillées au point 9, situées majoritairement au niveau des cours d'eau. Sont recensés dans l'aire d'étude six zones d'habitats d'intérêt communautaire dont deux prioritaires, 75 espèces protégées ayant été identifiées dont une majorité inféodée aux milieux arbustifs et arborés, ainsi que deux espèces floristiques patrimoniales (la gentiane pneumonanthe et l'œillet superbe). L'étude d'impact analyse l'état initial de la faune et de la flore sur plus d'une centaine de pages et comprend une synthèse des enjeux sur ces milieux naturels. Si les appelantes remettent en cause la fiabilité de cet état initial et produisent une étude datée du printemps 2020 analysant la faune présente sur le périmètre d'aménagement impactée par les travaux connexes, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les inventaires réalisés en 2012, 2015 et 2018 sur lesquels s'est fondée l'étude d'impact, complétés par l'analyse des données bibliographiques disponibles, soient incomplets et ne permettraient pas un recensement fiable des espèces protégées potentiellement impactées par le projet, point qui n'a d'ailleurs pas été remis en cause par l'autorité environnementale dans son avis du 12 juin 2019. Il résulte de l'étude d'impact que les impacts sur les habitats d'espèces, en particulier pour les espèces utilisant les haies et les arbres isolés, et sur les habitats naturels est jugé modéré, tandis que le risque de dérangement de la faune en phase de travaux est jugé fort. Toutefois, le pétitionnaire a prévu des mesures d'évitement et de réduction consistant notamment dans la limitation de l'emprise des travaux de façon à limiter au maximum la destruction des habitats et des espèces, la mise en œuvre d'un plan d'intervention pour les travaux et d'une cellule de coordination assurant l'élaboration du cahier des charges, la liaison avec les entreprises de travaux publics et le contrôle de la bonne application des mesures environnementales, un phasage précis des travaux afin de réduire au maximum l'impact sur la faune, travaux réalisés d'octobre à début mars, la restauration des habitats naturels dégradés au cours des travaux ou encore des mesures spécifiques relatives à la réhabilitation des buses. La circonstance que les prescriptions posées par l'arrêté contesté, reprenant notamment l'obligation d'effectuer les travaux entre octobre et mars, n'aient pas été respectées par l'entreprise chargée de réaliser les travaux connexes, et que cette entreprise ait été condamnée pour ces faits par le tribunal de proximité d'Oloron-Sainte-Marie par un jugement du 10 novembre 2021, est inopérante s'agissant de la caractérisation de l'impact sur les espèces protégées du projet tel qu'il a été autorisé, le juge pénal ayant justement relevé une atteinte du fait que les travaux avaient été réalisés en dehors de la période retenue par le pétitionnaire dans son étude d'impact au titre des mesures d'évitement, et prescrite par l'arrêté contesté. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ne résulte pas de l'instruction que le projet en litige présente un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles s'agissant de la faune ou de la flore. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité en tant qu'il ne comporte pas la dérogation visée au point 11 doit être écarté.

En ce qui concerne les prescriptions édictées par l'arrêté contesté :

15. Aux termes de l'article R. 181-43 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. Lorsque l'autorisation environnementale est accordée dans le cadre d'un projet, au sens de l'article L. 122-1, dont la réalisation incombe à plusieurs maîtres d'ouvrage, le préfet identifie, le cas échéant, dans l'arrêté, les obligations et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation relevant de la responsabilité de chacun des maîtres d'ouvrage. Il comporte également : (...) 3° Les moyens d'analyses et de mesures nécessaires au contrôle du projet et à la surveillance de ses effets sur l'environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles les résultats de ces analyses et mesures sont portés à la connaissance de l'inspection de l'environnement et, le cas échéant, de la police des mines ; (...) ".

16. Il résulte de l'instruction que le préfet a assorti l'autorisation en litige d'un certain nombre de prescriptions reprenant en grande partie les mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées par le pétitionnaire dans son étude d'impact. L'article 5 de l'arrêté contesté prescrit ainsi notamment que " les travaux seront réalisés préférentiellement d'octobre à mars pour limiter le dérangement des espèces " et qu'une mise en défens de la station de gentiane pneumonanthe sera réalisée " avant le début des travaux ", tandis que l'article 6 prescrit la replantation de 3 250 m2 de haies " au niveau de l'Arrigastou " et de 2 800 m2 de renforcement " sur le Gabarn " ainsi que la replantation de 2,75 ha de bois et, enfin, l'article 7 prescrit la mise en œuvre d'un suivi environnemental du chantier, au travers de quatre passages sous forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage, " permettant de s'assurer de la mise en œuvre des dispositions destinées à réduire les incidences potentielles des travaux sur l'environnement et la mise en place des mesures compensatoires ". Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces prescriptions seraient impossibles à réaliser, inutiles ou insuffisantes. Il résulte ainsi de l'étude d'impact, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que les haies présentes dans les secteurs concernés par la replantation et le renforcement sont disparates et discontinues, ou dégradées et qu'elles seront replantées le long des chemins communaux ou de desserte du nouveau parcellaire, en connexion avec d'autres haies ou boisements, leur localisation prenant en compte à la fois les sites de repos ou de reproduction des espèces, ainsi que l'implantation du futur ouvrage de contournement d'Oloron-Sainte-Marie. Il en est de même s'agissant de la replantation de boisements qui n'apparait pas " inutile " au vu de la superficie replantée et de son lieu d'implantation. Enfin, en ce qui concerne le phasage des travaux et le passage d'un écologue, il résulte de l'instruction que l'article 5 de l'arrêté contesté prévoit, en conformité avec l'arrêté du 22 janvier 2016 fixant la liste des prescriptions environnementales et hydrauliques que devra respecter la commission dans l'organisation du nouveau parcellaire et l'élaboration du programme de travaux, que " les interventions dans les fossés existants seront réalisées en période d'assec, afin d'éviter la destruction de pontes, de larves ou de spécimens adultes d'amphibiens ou d'odonates " tandis que l'article 4 précise que l'ensemble des travaux doit être réalisé selon le descriptif technique et les plans du dossier de demande d'autorisation, qui renvoie ainsi au programme fixé dans ce descriptif portant sur la période d'octobre à mars et prévoyant le passage préalable d'un écologue en cas de nécessité d'intervenir en période sensible pour la faune, afin de vérifier la présence d'espèces susceptibles d'être impactées. Par suite, le moyen des requérantes doit être écarté dans toutes ses branches.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 7 février 2020. Leurs conclusions à fin d'annulation de cet arrêté ainsi que celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Protection Haut Béarn Environnement et de la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Protection Haut Béarn Environnement, à la SEPANSO Pyrénées-Atlantiques, au département des Pyrénées-Atlantiques et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Une copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président assesseur,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02935
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : RUFFIE FRANCOIS CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;22bx02935 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award