Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 14 janvier 2019 par laquelle le maire de Déols a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police administrative, d'enjoindre à cette autorité de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser les troubles à l'ordre public et de condamner la commune de Déols à lui verser la somme totale de 115 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1900483 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 14 janvier 2019 du maire de Déols, a enjoint au maire de Déols de mettre en œuvre l'ensemble des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales afin de mettre un terme aux troubles à l'ordre public dans le secteur de la Croix Blanche et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme A..., une expertise aux fins de relever les dégradations sur la propriété de Mme A... et de chiffrer l'ensemble de ses préjudices.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mars 2022, 4 novembre 2022 et 17 novembre 2023, la commune de Déols, représentée par Me Soltner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Limoges ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Limoges du 2 février 2012, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er juillet 2013 ;
- le trouble de voisinage dont se plaint Mme A..., qui ne trouve pas son origine dans l'occupation du domaine public communal, est d'ordre privé ; cette dernière peut se plaindre de troubles anormaux de voisinage devant la juridiction judiciaire ;
- le maire de Déols n'a commis aucune carence fautive dans la mise en œuvre des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales ; il a une obligation de moyens et non de résultats ; il a mis en œuvre des mesures pour faire cesser les troubles à l'ordre public invoqués par Mme A... ; cette dernière n'établit pas que ces troubles seraient causés par des personnes appartenant à la communauté des gens du voyage ; il n'est pas démontré que les troubles invoqués seraient d'une gravité telle qu'ils justifieraient l'édiction d'autres mesures de police ;
- l'expertise ordonnée par le tribunal revêt un caractère superfétatoire dans la mesure où il est impossible de démontrer que les dégradations auraient été commises par des personnes appartenant à la communauté des gens du voyage.
Par des mémoires enregistrés les 13 octobre 2023 et 15 décembre 2023, Mme A..., représentée par la société KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Déols d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la commune appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Soltner, représentant la commune de Déols.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est propriétaire des parcelles cadastrées section ZR n°s 30, 31 et 32 et titulaire d'un bail à ferme sur les parcelles cadastrées section ZR n°s 14, 24,2 9 et 58 appartenant à ses parents, situées dans le quartier La Croix Blanche à Déols (Indre). Elle est victime, depuis plusieurs années, de multiples nuisances qui ont pris la forme, notamment, de dégradations de ses biens, de dépôts de divers objets et détritus sur ses parcelles, de coups de feu tirés en direction de ses parcelles et de divagation d'animaux sur ses terrains. Elle impute ces nuisances aux agissements de gens du voyage sédentarisés dans le quartier de la Croix Blanche. Par un courrier du 14 décembre 2018, elle a demandé au maire de Déols de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales afin de faire cesser ces troubles à l'ordre public ainsi que le versement d'une somme de 115 000 euros en réparation des préjudices professionnel et moral liés, selon elle, à la carence du maire dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police depuis 2013. Le maire de Déols a rejeté cette réclamation par une décision du 14 janvier 2019. Par un jugement du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision, a enjoint au maire de Déols de mettre en œuvre l'ensemble des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales afin de mettre un terme aux troubles à l'ordre public dans le secteur de la Croix Blanche, a estimé que la responsabilité fautive de la commune de Déols était engagée à raison de la carence du maire de Déols dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme A..., une expertise aux fins de relever les dégradations et exactions commises sur la propriété de Mme A... et de chiffrer l'ensemble de ses préjudices. La commune de Déols relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : "I- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie : (...) 4° L'établissement public de coopération intercommunale est doté d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage, sans qu'aucune des communes qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental prévu à l'article 1er (...) / II- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ou au I bis, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain (...) Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 30 avril 2002, le maire de Déols, mettant en œuvre le pouvoir de police spéciale prévu au I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, a interdit le stationnement des gens du voyage sur le territoire de la commune. Il résulte également de l'instruction qu'entre 2013 et 2019, le maire s'est employé à mettre un terme au stationnement irrégulier de gens du voyage sur les parcelles du domaine public communal, en particulier en leur notifiant l'ordre d'évacuer les lieux et en saisissant le préfet de l'Indre, aux fins de mise en œuvre des mesures prévues au II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, ainsi que le tribunal administratif de Limoges, aux fins d'obtenir leur expulsion. Le maire de Déols ne pouvait en revanche, en application de ces dispositions, faire procéder à l'évacuation des occupants de résidences mobiles propriétaires des terrains sur lesquels ils stationnent. Le maire a en outre poursuivi le travail de médiation entrepris dès 2000 avec des représentants de la communauté du voyage en affectant deux agents communaux à cette mission. Par ailleurs, les signalements des habitants de Déols, notamment de Mme A..., ne sont pas demeurés sans réponse, les agents de la police municipale de Déols étant au contraire intervenus à plusieurs reprises, en particulier pour sensibiliser les gens du voyage aux difficultés liées à la divagation d'animaux, leur rappeler l'interdiction de circuler sans autorisation sur des parcelles privées ou pour faire cesser les troubles résultant de tirs d'armes à feu. Il résulte enfin de l'instruction que le maire de Déols a également saisi les autorités de police judiciaire s'agissant des infractions commises. Il résulte de ce qui précède que le maire de Déols s'est efforcé depuis 2013, dans la limite de ses compétences et des moyens dont il pouvait disposer, de répondre aux difficultés liées au voisinage de Mme A... et au comportement de certains membres de la communauté des gens du voyage sédentarisée dans le quartier de la Croix Blanche. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, et bien que ces mesures n'aient pas suffi à faire cesser tous les troubles, il ne résulte pas de l'instruction que le maire se soit abstenu de prendre des mesures adaptées de nature à prévenir ou à faire cesser les troubles au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, d'une part, le refus du maire de Déols du 14 janvier 2019 de prendre des mesures de police n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'autre part, la responsabilité de la commune de Déols n'est pas engagée à raison d'une carence fautive du maire à user de ses pouvoirs de police entre 2013 et 2019.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de chose jugée qu'elle oppose à l'action indemnitaire de Mme A..., que la commune de Déols est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 14 janvier 2019 du maire de Déols, a enjoint au maire de Déols de mettre en œuvre l'ensemble des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales et a ordonné, avant dire-droit, une expertise aux fins d'évaluation des préjudices de Mme A....
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900483 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Limoges, ensemble ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Déols au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Déols et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00747