Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2306290 du 21 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour devant une formation collégiale et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 et 7 décembre 2023, M. D..., représenté par Me Akpo, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux
du 21 novembre 2023 en tant qu'il a rejeté ses demandes ;
2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 14 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il participe à l'entretien et l'éducation de son enfant ;
- elle constitue une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa seule famille, son fils, réside en France et que les atteintes à l'ordre public qui lui sont reprochées se sont terminées par des classements sans suite ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru tenu de prononcer une telle décision ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code et elle est illégale dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête, en s'en remettant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- et les observations de Me Akpo, représentant M. D..., et de Mme C..., mère de l'enfant de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien né le 26 décembre 1999, est entré irrégulièrement en France en janvier 2022. Après son interpellation pour des faits de violences suivies d'une incapacité n'excédant pas 8 jours sur sa conjointe, il a fait l'objet,
le 9 décembre 2022, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pendant une durée de trois ans, ainsi que d'un arrêté l'assignant à résidence durant 45 jours. En raison du non-respect des obligations de pointage, le préfet de la Gironde l'a placé en rétention administrative le 13 avril 2023, puis, en raison du refus du juge judiciaire de prolonger la mesure, l'a assigné à résidence le 16 avril 2023. M. B... a été entendu le 13 novembre 2023 à la suite d'une intervention des services de gendarmerie pour des faits de violences conjugales. Par arrêté du 14 novembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour en qualité de parent d'enfant français qu'il avait sollicité le 16 janvier 2023, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans. Il l'a également assigné à résidence pour une durée de 45 jours par un arrêté du même jour. Par un jugement du 21 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des demandes. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces demandes.
Sur la légalité des arrêtés :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
3. M. D... a eu de sa relation avec Mme C..., ressortissante française, un fils, A..., né le 25 juin 2022, que le couple a reconnu par anticipation le 27 mai 2022. Le jeune A... a été confié en urgence à l'Aide sociale à l'enfance quinze jours après sa naissance, placement qui a été prolongé pour une durée d'un an par un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants en date du 31 janvier 2023, en raison des fragilités parentales et des inquiétudes quant à une possible violence dans le couple, " éléments qui les empêchent de repérer pleinement les besoins d'un tout petit-enfant " et qui sont de nature à caractériser une situation de danger pour ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que M. D... exerce le droit de visite hebdomadaire, en présence d'un tiers, mis en place par le juge des enfants et justifie, par six factures, avoir acheté des vêtements pour enfant et des articles de puériculture entre juin et décembre 2022. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à annuler les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans et l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation, par le présent arrêt, de la décision d'éloignement et des décisions fixant le pays de renvoi, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français
et d'assignation à résidence n'implique pas que M. D... soit muni d'un titre de séjour.
Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions, en date du 14 novembre 2023, faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans et l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours sont annulées.
Article 2 : Le jugement du 21 novembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 200 euros en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur
et des outre-mer, et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX02960