Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 14 janvier 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées et de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable contre la décision refusant de lui délivrer une autorisation préalable d'accès à une formation dans le domaine de la sécurité privée.
Par un jugement n° 2100135 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2022, le conseil national des activités privées et de sécurité, représenté par la SELARL Centaure avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que la minute ne comporte pas les mentions prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le comportement de M. B... est incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité privée et faisait obstacle à ce que lui soit délivrée une autorisation préalable afin de suivre une formation ; l'enquête administrative a permis de constater qu'il avait été condamné à deux reprises, en 2009 et 2013, pour des faits de conduite d'un véhicule malgré une injonction de restituer son permis de conduire résultant du retrait de la totalité de ses points et mis en cause, en qualité d'auteur des faits, pour détention non autorisée de stupéfiants en 2017 ; ces faits constituent des atteintes à l'honneur, à la probité et à la sécurité des personnes, alors même qu'ils ont été commis en dehors de la profession, et revêtent une particulière gravité dès lors qu'ils démontrent l'imperméabilité manifeste de l'intéressé à la sanction pénale ; le caractère modéré de la sanction pénale ou sa non inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire sont indifférents, compte tenu de la nature des faits et de leur réitération et dès lors que la matérialité des faits n'est pas contestée ; de même, l'absence de commerce de drogue ou de mise en danger d'autrui est sans incidence ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas davantage fondés.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 4 et 9 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Bel, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge
du CNAPS la somme de 2 000 euros à verser à Me Bel sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- la circonstance que l'expédition du jugement ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience n'est pas de nature à établir une méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- son comportement n'est pas contraire à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, et n'est pas davantage de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, ou incompatible avec l'exercice des fonctions de professionnel de la sécurité privée ; les faits, remontant à 2007, de port d'arme de catégorie 6 n'ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire, seulement à une audition par les services de police où il a expliqué que son petit couteau de poche lui avait été offert par son père, et il a obtenu, le 19 janvier 2023, du magistrat chargé du contrôle du traitement des antécédents judiciaires que les données relatives à ces faits ne soient plus accessibles dans le cadre d'une enquête administrative prévue par le code de la sécurité intérieure ; l'ensemble des faits qui lui sont reprochés sont en outre anciens, puisque datés de 2007 à 2013, et les deux condamnations pénales ont été effacées de son casier judiciaire par le tribunal correctionnel ; les faits constitutifs de délits routiers ont été commis dans le cadre de sa vie privée et sont sans lien avec l'activité qu'il entend exercer, et ils ont donné lieu à des peines très modérées, comme les faits de détention de stupéfiants ; il manifeste une réelle détermination pour exercer dans le domaine de la sécurité privée, après avoir fait ses preuves dans l'infanterie de marine comme le démontrent les médailles qui lui ont été décernées.
Par une décision du 28 juillet 2022, M. B... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par une décision du 3 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chapenoire, représentant le CNAPS.
Une note en délibéré, enregistrée le 2 juillet 2024, a été produite pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ancien militaire ayant servi dans l'infanterie de marine, a souhaité suivre une formation en vue de devenir agent de sûreté et de sécurité et a sollicité, à cette fin, l'autorisation préalable prévue par l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Au vu des conclusions de l'enquête administrative, la commission locale d'agrément et de contrôle Antilles-Guyane a rejeté sa demande. M. B... a formé un recours administratif devant la commission nationale d'agrément et de contrôle, préalable obligatoire à la saisine du juge, qui a été rejeté par une décision du 14 janvier 2021. Le CNAPS relève appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2022 qui a annulé la décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 612-22 du code de la sécurité intérieure : " L'accès à une formation en vue d'acquérir l'aptitude professionnelle [pour exercer une activité privée de sécurité] est soumis à la délivrance d'une autorisation préalable, fondée sur le respect des conditions fixées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 612-20 ". Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (...) pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par une ordonnance d'homologation du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 8 septembre 2017, M. B... a été condamné, pour des faits de détention de stupéfiants, " en l'espèce 39 pieds de cannabis dans le cadre d'une culture indoor dont 24 arrivés à terme auraient fait un poids total d'un peu plus de 1 kg ", à la confiscation des plantes et biens ayant servi à commettre l'infraction
et à 70 heures de travail d'intérêt général. Ces faits, commis quatre ans avant la décision en litige, révèlent une consommation régulière par M. B... de produits stupéfiants. Les circonstances que la peine prononcée à l'encontre de l'intéressé était légère, alors que cette infraction est passible de dix ans d'emprisonnement et de 7,5 millions d'euros d'amende en application de l'article 222-37 du code pénal, ou qu'elle n'a pas été mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ne suffisent pas à diminuer la gravité de ces faits. Eu égard aux quantités saisies, l'allégation selon laquelle cette production aurait eu pour but de remplacer des médicaments aux effets indésirables, prescrits pour traiter une dépression, ne peut qu'être écartée. M. B... avait auparavant fait l'objet d'une sanction pénale à deux reprises,
en 2013 et 2009, pour conduite d'un véhicule malgré une injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points. Le fait qu'il y ait eu réitération en 2013, quatre ans après la première infraction, démontre que l'intéressé est peu réceptif à la sanction pénale. La circonstance qu'il a obtenu l'effacement de la mention de ces deux sanctions pénales par jugement correctionnel du 13 mars 2020 ne fait pas obstacle à ce que les faits commis soient pris en compte pour apprécier l'aptitude de l'intéressé à exercer l'activité d'agent privé de sécurité. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors même que M. B... démontrerait une réelle volonté d'exercer cette profession et a été décoré, dans le cadre de ses activités militaires passées, de la médaille de la défense nationale et de la médaille d'outre-mer, la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS pouvait légalement, en se fondant sur ces seuls motifs, estimer que le comportement et les agissements de l'intéressé étaient de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens et à la sécurité publique, et qu'ils étaient ainsi incompatibles avec l'exercice des fonctions d'agent de sûreté et de sécurité.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 622-20 du code de la sécurité intérieure pour annuler la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle. Par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement, le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 14 janvier 2021.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le CNAPS au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B..., ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le CNAPS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national des activités privées et de sécurité et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22BX01507