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09/07/2024 | FRANCE | N°24BX00209

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 24BX00209


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation.



Par un jugement n° 2206520 du 8 mars 202

3, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2206520 du 8 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Autef, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 22 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- eu égard à l'envoi par lettre simple qui ne permet pas de déterminer la date à laquelle la décision d'admission à l'aide juridictionnelle du 11 mai 2023 lui a été notifiée, son appel est recevable ;

- dès lors qu'il avait droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- alors que l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 donne compétence aux autorités étrangères concernées pour se prononcer sur l'authenticité de documents d'état civil, l'administration ne pouvait remettre en cause la validité de ses actes d'état civil en se fondant sur un simple rapport technique de la cellule fraude documentaire de la police aux frontières ; le tribunal a omis de statuer sur ce moyen ;

- il a présenté un jugement supplétif d'acte de naissance établi le 30 octobre 2012 par le tribunal de première instance de la commune II du district de Bamako, signé par le greffier en chef et revêtu du cachet humide de ce tribunal, ainsi que le volet n° 3 de l'acte de naissance portant transcription du jugement supplétif signé par l'officier d'état-civil et revêtu du tampon humide de la mairie, et une carte consulaire délivrée le 14 juin 2021 par les autorités maliennes, lesquelles ont ainsi nécessairement reconnu l'authenticité de ses documents d'état civil ; les anomalies relevées dans le rapport de la cellule de fraude de la direction de la police aux frontières ne sont pas de nature à mettre en cause l'authenticité de ces documents ; alors que l'administration n'a pas saisi les autorités maliennes, c'est à tort que le tribunal a jugé que les actes d'état civil étaient frauduleux ; postérieurement au jugement, l'ambassade du Mali en France lui a délivré un passeport, et il a sollicité un nouveau jugement supplétif d'acte de naissance qui a été rendu le 21 novembre 2023 ; ces documents confirment l'authenticité de son état civil ;

- dès lors qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de 16 ans, qu'il bénéficie de contrats de protection " jeune majeur ", qu'il préparait à la date de sa demande un CAP de monteur en installations sanitaires qu'il a obtenu en juillet 2023, qu'il est bien intégré en France et qu'il n'a plus de contact avec sa mère et sa sœur restées au Mali, il a droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 et 26 mars 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'absence de légalisation des documents postérieurs au jugement produits par M. B... empêche de leur accorder un quelconque crédit ; le jugement supplétif dont se prévaut désormais M. B... a été délivré hors de sa présence, et l'extrait ne précise ni l'identité du demandeur à l'instance civile, ni celle des témoins, ni même celle du juge ; le passeport a nécessairement été établi au vu des anciens documents d'état civil dont l'irrégularité a été démontrée ;

- le sérieux dans le suivi des études et de la formation n'a jamais été remis en cause ;

- pour le surplus, il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur

sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Autef, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité malienne, a déclaré être entré en France le 28 mars 2019, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde à compter

du 13 mai 2019, et a ultérieurement bénéficié d'un contrat " jeune majeur ". Le 6 juillet 2021,

il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de

l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 juillet 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande au regard des conditions d'âge fixées à l'article L. 423-22, au motif que son état civil ne pouvait être regardé comme établi, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. "

3. D'autre part, aux termes de l'article 47 du code civil, auquel l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait référence : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Pour justifier de son identité et de sa naissance à Bamako le 28 mai 2003,

M. B... a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un extrait conforme, daté

du 30 octobre 2012, d'un jugement supplétif n° 6432 rendu le 29 octobre 2012 par le tribunal de première instance de la commune II du district de Bamako, un acte de naissance et un extrait d'acte de naissance établis le 3 novembre 2012 faisant référence à ce jugement, et une carte d'identité consulaire délivrée le 14 juin 2021. La préfète de la Gironde a qualifié les documents d'état civil de frauduleux en se fondant sur un rapport d'analyse de la cellule de fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières du 20 décembre 2021. Ce rapport indique notamment que l'extrait conforme du jugement supplétif n'incorpore aucune sécurité, ce qui le rend très facile à reproduire, que la mention de la transcription dans les registres est absente, et que le tampon humide porte la mention " tribunal de grande instance " et l'en-tête celle de " tribunal de première instance ". Si M. B... fait valoir que les tribunaux de première instance sont devenus des tribunaux de grande instance en application d'une loi

du 15 juillet 2011 portant organisation judiciaire en République du Mali, ce qui pourrait expliquer l'utilisation en 2012 de formulaires avec l'ancienne dénomination, le rapport de la cellule de fraude documentaire relève en outre que le volet n° 3 de l'acte de naissance remis au déclarant, qui doit être détaché de son support prédécoupé, présente une imitation de prédécoupes aux ciseaux et a été déchiré assez grossièrement, que la référence à l'imprimeur officiel est anormalement absente, et que l'écriture manuscrite est similaire à celle du jugement supplétif, alors que ces deux documents sont supposés avoir été rédigés par des personnes différentes. Comme l'ont relevé les premiers juges qui ont ainsi implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que la préfète aurait dû saisir les autorités maliennes pour se prononcer sur l'authenticité des documents d'état-civil, ces éléments suffisent à en révéler le caractère frauduleux, et la carte d'identité consulaire délivrée sur leur présentation ne constitue pas une reconnaissance d'authenticité. Enfin, si M. B... a fait établir, postérieurement au jugement, un second jugement supplétif auquel fait référence un nouvel extrait d'acte de naissance, la préfète de la Gironde n'a pas inexactement apprécié les documents dont elle disposait à la date de sa décision. Par suite, le requérant n'est fondé à soutenir ni que le refus de titre de séjour du 22 juillet 2022 lui aurait été opposé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que la préfète aurait dû saisir la commission du titre de séjour.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. B... soutient n'avoir plus de contact avec sa famille depuis son départ du Mali et justifie d'un parcours sérieux de formation avec la perspective d'un emploi de plombier chauffagiste sous contrat à durée indéterminée, ces éléments ne suffisent pas, alors qu'il ne résidait en France que depuis trois ans à la date du refus de titre de séjour, à faire regarder cette décision comme portant à son droit au respect de sa vie privée une atteinte contraire aux stipulations précitées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

7. Pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX00209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00209
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24bx00209 ?
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