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09/07/2024 | FRANCE | N°24BX00103

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 24BX00103


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2023 et le 7 juin 2023, la société Neoen, représentée par Me Duval, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :



1°) d'annuler la décision par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a implicitement rejeté sa demande d'autorisation de défricher 27,8230 hectares de bois situés sur le territoire de la commune de Réaup-Lisse, en vue de la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol ; >


2°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de reprendre l'instruction de la demande d'autorisa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2023 et le 7 juin 2023, la société Neoen, représentée par Me Duval, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

1°) d'annuler la décision par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a implicitement rejeté sa demande d'autorisation de défricher 27,8230 hectares de bois situés sur le territoire de la commune de Réaup-Lisse, en vue de la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol ;

2°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation de défrichement par l'organisation d'une enquête publique dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'aucune enquête publique n'a été organisée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 341-5 du code forestier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Neoen ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 2300043 du 12 janvier 2024, le président du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté, en application des dispositions des articles R. 311-6, R. 345-1 et R. 345-3 du code de justice administrative, le dessaisissement du tribunal pour statuer sur le dossier de la requête n° 2300043 faute d'avoir statué avant le 4 novembre 2023 à minuit, a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux le dossier de cette requête présentée par la société Neoen.

Par ordonnance du 18 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Daheron, représentant la société Neoen.

Considérant ce qui suit :

1. La société Neoen, producteur français d'énergies renouvelables, a développé un projet de centrale photovoltaïque au sol, sur le territoire de la commune de Réaup-Lisse, sur une surface de 23 hectares. En vue de la réalisation de ce projet, la société Neoen a déposé le 12 mai 2022 une demande d'autorisation de défrichement portant sur une parcelle boisée d'une surface de 27,8 hectares. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, conformément aux dispositions des articles R. 341-6 et R. 341-7 du code forestier. La société Neoen a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cette décision. Par une ordonnance n° 2300043, la présidente de ce tribunal, après avoir constaté, en application des dispositions des articles R. 311-6, R. 345-1 et R.345-3 du code de justice administrative, le dessaisissement du tribunal en ce qui concerne la requête n° 2300043, faute d'avoir statué avant le 4 novembre 2023 à minuit, a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux cette requête enregistrée sous le n° 24BX00103.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, d'une part, selon l'article R. 341-7 du code forestier : " La demande d'autorisation de défrichement mentionnée au premier alinéa de l'article R. 341-6 est réputée rejetée à défaut de décision du préfet notifiée dans le délai de six mois à compter de la réception du dossier complet ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) ". Selon l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

4. Il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, lorsqu'elle est intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.

5. Par un courrier du 23 décembre 2022, la société Neoen a demandé au préfet de Lot-et-Garonne la communication des motifs de la décision implicite de refus. Il est constant que le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas répondu à la demande de communication des motifs présentée par la société Neoen. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la décision implicite rejetant sa demande, intervenue le 12 novembre 2022, est entachée d'un défaut de motivation. Il y a lieu, dès lors, de l'annuler pour ce motif.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-1 du code de l'environnement : " I. - Pour l'application du 1° du I de l'article L. 123-2, font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements soumis de façon systématique à la réalisation d'une étude d'impact en application des II et III de l'article R. 122-2 et ceux qui, à l'issue de l'examen au cas par cas prévu au même article, sont soumis à la réalisation d'une telle étude. / II. - Ne sont toutefois pas soumis à l'obligation d'une enquête publique, conformément au troisième alinéa du 1° du I de l'article L. 123-2 : (...) / 5° Les défrichements mentionnés aux articles L. 311-1 et L. 312-1 du code forestier et les premiers boisements soumis à autorisation en application de l'article L. 126-1 du code rural, lorsqu'ils portent sur une superficie inférieure à 10 hectares. (...) ". L'article L. 311-1 du code forestier prévoit que : " Pour l'application du présent code, les bois et forêts des particuliers sont ceux qui appartiennent à des personnes physiques ou à des personnes morales de droit privé et qui ne relèvent pas du régime forestier ". Selon l'article L. 312-1 de ce code : " Doivent être gérés conformément à un plan simple de gestion agréé, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-5, les bois et forêts des particuliers constitués soit d'une parcelle forestière d'un seul tenant d'une surface égale ou supérieure à 25 hectares, soit d'un ensemble de parcelles forestières d'une surface totale égale ou supérieure à 25 hectares appartenant à un même propriétaire, situées dans une même zone géographique définie par décret (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le défrichement en litige porte sur une surface de 27,8 hectares, soit supérieure à 25 hectares, et devait dès lors, en application des dispositions précitées, être soumis à enquête publique. Par suite, la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de soumission à enquête publique préalablement à son édiction.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. En l'espèce, l'absence de mise en œuvre, préalablement à la décision attaquée, de la procédure d'enquête publique, a privé le public de la possibilité de faire valoir ses observations sur la décision attaquée et est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, cette décision doit être annulée.

10. Il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a implicitement rejeté la demande d'autorisation de défricher présentée par la société Neoen doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. La société requérante demande qu'il soit enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation de défrichement. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exécution du présent arrêt implique que le préfet de Lot-et-Garonne procède au réexamen de la demande présentée par la société Neoen et prenne une nouvelle décision. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne d'y procéder dans un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Neoen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a implicitement rejeté la demande d'autorisation de défricher présentée par la société Neoen est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de défricher présentée par la société Neoen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Neoen la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neoen, au préfet de Lot-et-Garonne et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00103
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS KALLIOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24bx00103 ?
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