La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2024 | FRANCE | N°24BX00029

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 24BX00029


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2302109 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 et 9 janvier 2024, M. A..., représenté par

Me Cesso, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 6 décembre 2023 ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2302109 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 et 9 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 6 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est signé par une autorité incompétente, faute de délégation de signature régulière ;

- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, et le préfet ne saurait se fonder sur les prétendues violences conjugales dans le cadre de son premier mariage, dès lors que ces faits sont anciens, qu'ils n'ont donné lieu à aucune condamnation puisqu'ils ne sont pas établis, et que sa situation familiale a changé ; contrairement à ce que le tribunal a jugé, il n'a jamais fait l'objet d'une peine de prison ferme dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate pour des faits de recel de bien provenant d'un vol commis en novembre 2017 et de vol par effraction dans un local ; la seule condamnation qui figure à son casier judiciaire concerne une peine d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol commis le 10 février 2018, qui sont donc anciens et qui ont été commis avant qu'il ne crée sa cellule familiale ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français, dès lors que la communauté de vie avec son épouse n'est pas contestée ; il est en outre père de jumeaux, nés le 1er juillet 2021, et dont il s'occupe ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il est marié depuis le 1er août 2020, que la vie commune est ancienne de 18 mois et qu'il est père de deux enfants de nationalité française ; son épouse est par ailleurs mère d'un enfant né d'une précédente union, de nationalité française et pour lequel son père qui vit en France exerce ses droits et devoirs ; la seule circonstance, avancée par le préfet, que son épouse a été mariée par le passé à deux ressortissants algériens n'est pas de nature à établir qu'elle serait admissible sur le territoire algérien ; ses enfants, nés prématurés, sont suivis en kinésithérapie ;

- la décision méconnaît l'intérêt supérieur des enfants, tel que protégé par

l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'elle a pour effet de le séparer de ses enfants ou de séparer la fille de son épouse de sa mère ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, eu égard à son ancienneté de séjour, à sa vie familiale et à son intégration démontrée par une promesse d'embauche et par son implication dans une association.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 1er février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- et les observations de Me Cesso, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 31 octobre 1993, est entré en France le 24 septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, après son mariage avec une ressortissante française le 2 mars 2016. Sa demande de certificat de résidence " conjoint de français " a été rejetée par le préfet de la Gironde le 4 décembre 2018 en raison des violences qu'aurait commises l'intéressé sur son épouse. La légalité de cette décision et de la mesure d'éloignement qui l'accompagnait a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux

le 25 avril 2019. Le 13 août 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour en qualité

de conjoint de français après son mariage célébré le 1er août 2020 avec une autre ressortissante française. Par un arrêté du 9 août 2021, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêt du 7 juillet 2022, la cour a confirmé la légalité de la décision de refus de séjour mais a annulé la mesure d'éloignement et l'interdiction de retour en raison de l'atteinte portée à l'intérêt des enfants de M. A..., nés le 1er juillet 2021. En exécution de cet arrêt et après avoir saisi la commission du titre de séjour, le préfet de la Gironde a pris un nouvel arrêté, le 30 mars 2023, refusant de lui délivrer un titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 6 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... en qualité, à la fois, de conjoint de ressortissant français et de parent d'enfants français, le préfet de la Gironde a estimé que le comportement de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de son casier judiciaire, que M. A... a été condamné, le 27 avril 2018, à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, commis le 10 février précédent, de vol en réunion et de vol aggravé par deux circonstances (tentative). S'il est défavorablement connu des services de police pour d'autres faits de recel de vol et de vol par effraction qui auraient été commis, respectivement en novembre 2017 et juin 2018, il n'est pas établi que ces faits auraient donné lieu à une condamnation, les premiers ayant même donné lieu à un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, tout comme la plainte déposée par son ex-épouse, le 24 octobre 2017, pour violences conjugales. Les seuls faits pour lesquels M. A... a été condamné pénalement ont été commis plus de cinq ans avant la décision en litige. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. A... est marié, depuis le 1er août 2020, avec une ressortissante française, Mme B..., et que le couple a eu des jumeaux nés le 1er juillet 2021. La vie commune de la famille n'est pas contestée par le préfet, ce qui a, d'ailleurs, conduit la commission du titre de séjour à rendre un avis favorable sur la demande de M. A.... Dans ces conditions, en refusant d'admettre l'intéressé au séjour, le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation, prononcée par le présent arrêt, de l'arrêté du 30 mars 2023 implique que soit délivré à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Cesso sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 décembre 2023 et l'arrêté préfectoral du 30 mars 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Cesso la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur

et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Cesso.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX00029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00029
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24bx00029 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award