Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 1er juin 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Cayenne a décidé de l'affecter, en tant qu'urgentiste, dans les centres délocalisés de prévention et de soins des communes de Saint-Georges de l'Oyapock, Maripasoula et Grand Santi.
Par un jugement n° 2101021 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai 2022 et 15 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 7 avril 2022 ;
2°) d'annuler la décision du directeur général du centre hospitalier de Cayenne du 1er juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cayenne la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son changement d'affectation ne constitue pas une simple mesure d'ordre intérieur, dès lors qu'il est conduit à exercer dans un centre délocalisé éloigné de plus de 200 kilomètres et ne disposant pas des mêmes équipements, ce qui constitue une diminution sensible de ses responsabilités professionnelles ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée d'une proposition du chef de pôle et d'un avis du président de la commission médicale d'établissement, comme l'exigeaient pourtant les dispositions de l'article R. 6152-11 du code de la santé publique ou celles de l'article R. 6152-209 relatifs aux praticiens à temps partiel ; si la cheffe de service des centres délocalisés de prévention et de soins a émis un avis, elle n'a pas présenté de proposition ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le directeur du centre hospitalier n'ayant pas exercé son pouvoir d'appréciation en s'en remettant à différents avis non prévus par la réglementation, notamment celui de son chef de service à l'origine d'un harcèlement moral, l'avis du chef du service des urgences s'opposant à son retour ou encore en tenant compte d'avis de praticiens qui lui étaient hostiles ; ces avis n'ont été recueillis que pour faire obstacle à son retour au service des urgences ; quant à l'avis du président de la commission médicale d'établissement, il ne concerne pas son changement d'affectation, mais le renouvellement de son contrat de praticien contractuel, qui n'était pas l'objet de la demande du directeur ;
- elle est révélatrice d'une sanction déguisée, puisqu'elle a pour objectif de faire obstacle à l'exécution de l'ordonnance de référé du 19 mai 2021 enjoignant au centre hospitalier de le réintégrer au service des urgences, et de le sanctionner pour avoir dénoncé des manquements déontologiques de son chef de service, comme le démontre la décision rendue par la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins rejetant sa plainte à l'encontre du Dr A... pour un motif de procédure ; il n'a jamais sollicité un changement d'affectation et celui qui lui a été imposé a eu pour conséquences un éloignement géographique et une perte de rémunération du fait de la privation des gardes ; le contexte de crise sanitaire imposait, non pas de l'affecter dans un centre délocalisé de prévention et de soins (CDPS), mais de le maintenir dans ses fonctions d'urgentiste au sein du service des urgences du centre hospitalier, puisque celui-ci a eu besoin de recourir aux services des centres hospitaliers universitaires de métropole, à l'intérim et à la réserve sanitaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, le centre hospitalier de Cayenne, représenté par la SELARL Centaure avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision en litige est une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours, dès lors qu'elle n'a pas pour effet de porter atteinte au statut de praticien urgentiste contractuel de M. C..., ni à ses prérogatives, que sa rémunération a été maintenue et qu'aucun avantage ne lui a été retiré ;
- le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté, l'article R. 6152-11 du code de la santé publique n'étant applicable qu'aux praticiens hospitaliers titulaires, ce qui n'est pas le cas de M. C... ;
- la seule circonstance que le directeur a consulté les cadres de son service ne saurait caractériser un abandon de son pouvoir d'appréciation ; cette consultation a seulement eu pour but d'assurer la cohérence de la décision avec les besoins des différents services ;
- l'intéressé ne peut utilement soutenir que la décision en litige a été prise pour échapper aux conséquences de la chose jugée par le juge des référés, dès lors que l'ordonnance du 19 mai 2021 suspendant l'exécution de la décision le plaçant en récupération de temps additionnel n'est pas revêtue de l'autorité de chose jugée ; la décision de changement d'affectation a un objet et une portée distincte de la décision dont le juge des référés a suspendu l'exécution ; la décision est fondée sur les besoins et la situation du service des urgences, ainsi que sur les éléments ayant trait à la personne de l'intéressé, qui faisaient obstacle à ce qu'il soit réaffecté au service des urgences alors que son retour présentait un risque important de déstabilisation de celui-ci ; en outre, un besoin existait dans les centres délocalisés de prévention et de soins du fait de la crise sanitaire ;
- le changement d'affectation de l'intéressé est justifié par l'intérêt du service, constitué à la fois par le besoin exprimé par les CDPS et par le climat conflictuel existant au sein du service des urgences, de sorte que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il s'agirait d'une sanction déguisée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bekpoli, représentant le centre hospitalier de Cayenne.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par le centre hospitalier de Cayenne, d'abord en 2011 en tant qu'interne, puis à compter du 15 juillet 2015 en qualité de praticien contractuel au service des urgences-SAMU, par contrats successifs, dont le dernier portait sur la période du 2 septembre 2019 au 2 septembre 2021 pour un temps partiel de 80 %. A compter
de septembre 2018, il a occupé les fonctions de responsable adjoint du service des
urgences, avant de démissionner de ces fonctions un an plus tard. Par une décision orale du 13 février 2020, le directeur du centre hospitalier de Cayenne a placé l'intéressé en position de récupération de temps de travail, puis l'a maintenu éloigné du service des urgences, décision que l'intéressé conteste dans l'instance enregistrée sous le n° 22BX01462. En raison de problèmes relationnels entre l'intéressé, son chef de service et d'autres praticiens du service des urgences, la direction du centre hospitalier, refusant de le réintégrer dans son service, l'a chargé de missions de renfort sanitaire à Saint-Georges de l'Oyapock et Maripasoula entre juin et septembre 2020, avant de le placer à nouveau en congé de récupération de temps de travail à compter du 3 mai 2021. Par une ordonnance du 19 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu la décision refusant à M. C... la possibilité d'exercer son activité de praticien hospitalier au service des urgences du centre hospitalier de Cayenne. En exécution de cette ordonnance, le directeur de l'établissement a affecté l'intéressé, en tant qu'urgentiste, dans les centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS) des communes de Saint-Georges de l'Oyapock, Maripasoula et Grand-Santi, par une décision du 1er juin 2021. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2101021 ayant rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, M. C... ayant été recruté en qualité de praticien contractuel sur le fondement du 4° de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles R. 6152-11 et R. 6152-209 relatifs aux praticiens hospitaliers titulaires pour soutenir que son changement d'affectation devait être précédé d'une proposition du chef de pôle et d'un avis du président de la commission médicale d'établissement. Aucune disposition régissant la situation des praticiens contractuels ne prévoit de telles obligations procédurales. Au demeurant, le directeur du centre hospitalier de Cayenne a consulté, avant d'édicter la décision en litige, le chef de service d'accueil des urgences, le chef de pôle urgences - soins critiques, le chef de service des centres de prévention et de soins délocalisés, le chef de pôle santé publique recherche et le président de la commission médicale d'établissement. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure dans le recueil des propositions et avis préalables ne peut qu'être rejeté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le directeur du centre hospitalier de Cayenne a écarté la possibilité de réaffecter M. C... au sein du service des urgences eu égard aux problèmes relationnels existant entre l'intéressé et son chef de service ainsi que d'autres praticiens du service, et a tenu compte des besoins des centres délocalisés de prévention et de soins. La circonstance qu'il se soit entouré de l'avis des chefs de service et chefs de pôle concernés et du président de la commission médicale d'établissement avant de prendre sa décision, ce qu'il lui était loisible de faire, n'est pas de nature à établir qu'il aurait renoncé à exercer son pouvoir de décision. Le fait que tous ces avis étaient défavorables au retour de M. C... au sein du service des urgences et qu'il ait été tenu compte d'une pétition de certains praticiens du service s'inquiétant d'un éventuel retour de l'intéressé ne démontre pas davantage une volonté de l'écarter de ses fonctions de praticien.
4. En dernier lieu, par une ordonnance du 19 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a suspendu l'exécution de la décision refusant que M. C... exerce au sein du service des urgences, au motif que le moyen tiré de ce que l'éviction du service des urgences présentait le caractère d'une sanction déguisée non assortie des garanties prévues en matière disciplinaire faisait naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité, le centre hospitalier de Cayenne n'ayant pas défendu dans le cadre de cette instance. Si cette ordonnance était, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoire, et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoire, il ressort de la décision en litige que le directeur du centre hospitalier a tenu compte d'un risque de déstabilisation du service des urgences en cas de réintégration de M. C..., dans un contexte de crise sanitaire majeure, au vu des importants problèmes relationnels que ce dernier rencontrait avec son chef de service et d'autres praticiens hospitaliers. Si M. C... soutient que cette décision était contraire à l'intérêt général dès lors que l'établissement a eu besoin de recourir à d'autres personnels pour fonctionner durant la même période, ce qui, au demeurant, n'est pas établi, il ne conteste pas sérieusement le besoin d'urgentistes et de renforcement de l'offre de soins dans les centres délocalisés de prévention et de soins, dont a également tenu compte le directeur lors du changement d'affectation. Le moyen tiré de ce que cette décision constituerait une sanction déguisée et serait ainsi entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Cayenne, que M. C... n'est pas fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Cayenne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au centre hospitalier de Cayenne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01461