Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler
la décision du 11 juin 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre
a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation.
Par un jugement n° 2100938 du 7 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2022 et un mémoire enregistré le 24 mars 2023, M. A..., représenté par la SCP Ezelin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 11 juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Basse-Terre une somme
de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- au moment du dépôt de son recours contentieux, le président du conseil de discipline avait indiqué qu'il n'avait pas reçu le courrier de la directrice de l'hôpital l'informant de ce qu'elle avait prononcé une sanction plus sévère que celle qu'il avait recommandée, ce qui caractérise une irrégularité de procédure ;
- dès lors que l'intégralité de son dossier aurait dû lui être communiquée, la procédure est également irrégulière pour ce motif ;
- les faits ont été commis au cours d'une période qualifiée de " guerre " par le président de la République, ce qui a provoqué un effet de panique ; le matériel emporté, issu de stocks destinés à être détruits, était périmé ; il s'agissait d'une boîte de 180 gants, d'un flacon de solution hydroalcoolique, de 500 boules de gaze et de 60 masques, d'une valeur totale n'excédant pas 200 euros, dont l'absence ne pouvait mettre en péril la santé ou la vie du personnel de l'hôpital ou des patients ; le centre hospitalier avait commandé des masques, alors même que le gouvernement avait indiqué qu'ils n'étaient pas d'une grande utilité ; le tribunal correctionnel a qualifié la gravité des faits de faible ; ainsi, la sanction de révocation est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2023, le centre hospitalier de la Basse-Terre, représenté par la SELARL Minier, Maugendre et Associées, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les membres du conseil de discipline ont été informés de la décision de révocation par courriers du 12 juillet 2021 envoyés par voie postale et par voie électronique, et au demeurant, l'irrégularité invoquée est sans incidence sur la légalité de la sanction ;
- les documents relatifs à la gestion de la crise sanitaire, dont l'intéressé avait connaissance, ne faisaient pas partie de son dossier individuel et n'avaient donc pas à lui être communiqués avec celui-ci ;
- les faits sont établis, et alors même que le juge pénal a estimé qu'ils étaient de faible gravité, le vol de masques en mars 2020 était de nature à créer un déséquilibre dans la gestion des stocks par l'hôpital dans le contexte de la crise sanitaire, alors que les stocks permettaient seulement de distribuer deux masques par jour et par soignant, et que la pénurie mondiale entraînait des délais de livraison de quatre à six mois ; les masques périmés, qui conservaient leurs qualités de filtration, n'étaient pas destinés à être détruits ; la sanction de révocation est proportionnée à la gravité de la faute.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rajbenbach, représentant le centre hospitalier de la Basse-Terre.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 11 juin 2021, la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre a prononcé la sanction de révocation à l'encontre de M. A..., aide-préparateur en pharmacie titulaire de la fonction publique hospitalière, pour des faits de vol de produits pharmaceutiques, notamment de masques FFP2, de masques chirurgicaux et de gel hydroalcoolique, commis le 18 mars 2020 dans le contexte de pénurie de ces matériels en lien avec l'épidémie de Covid 19. M. A... relève appel du jugement du 7 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / (...). "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a exercé son droit à la communication de son dossier individuel par l'intermédiaire de son conseil, lequel a certifié en avoir reçu une copie le 15 juin 2020. Si le requérant soutient que " certains documents relatifs à la crise du Covid 19 " n'y figuraient pas, les comptes-rendus de réunions de crise des 17 et 19 mars 2020 auxquels il fait ainsi allusion, relatifs notamment aux mesures décidées pour préserver les stocks de masques de l'hôpital, dont il avait connaissance, n'avaient pas à être versés dans son dossier individuel. Le moyen tiré de ce que le dossier communiqué aurait été incomplet ne peut donc qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, le quatrième alinéa de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière prévoit que lorsque l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire prend une décision autre que celle proposée par le conseil de discipline, elle doit informer les membres du conseil des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre sa proposition. Cette information ne relève pas de la procédure préalable à la prise de la décision. Quand bien même le président du conseil de discipline n'aurait pas reçu, à la date du dépôt du recours de M. A... devant le tribunal, la lettre du 12 juillet 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre l'a informé de la sanction prononcée, cette circonstance ne saurait caractériser une irrégularité de procédure.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...). "
6. Il ressort des pièces du dossier que le 18 mars 2020 vers 13 heures, alors que le confinement général avait été décidé la veille, la pharmacienne du centre hospitalier de la Basse-Terre a vu M. A... sortir de l'hôpital avec un sac de voyage qu'il a déposé dans son véhicule, puis rentrer à nouveau à la pharmacie où il exerçait ses fonctions. Elle a signalé ce comportement suspect au directeur des ressources humaines, lequel a alerté les services de police, et du matériel issu de la pharmacie, notamment 60 masques, une boîte de 180 gants et un flacon de solution hydroalcoolique, a été retrouvé lors de la perquisition du véhicule. En outre, une perquisition du domicile de M. A... a permis de retrouver des masques FFP2, des boules de coton et des boîtes de gants, qui ont été restitués à l'hôpital le 19 mars 2020. Le requérant, qui avait notamment pour missions la réception, le stockage et la mise à disposition du matériel en cause, l'a détourné à son profit au tout début de la crise sanitaire, alors que l'insuffisance des stocks de masques avait conduit à des mesures de réquisition organisées par un décret du 13 mars 2020, et que le centre hospitalier de la Basse-Terre avait donné le 17 mars des consignes de préservation des stocks par une " utilisation raisonnée " consistant à réserver les masques chirurgicaux aux personnes présentant des signes d'infection évoquant un Covid 19 et aux professionnels de santé en contact avec ces dernières, et à limiter l'utilisation des masques filtrants de type FFP2 aux gestes médicaux invasifs ou au niveau de la sphère respiratoire. En se bornant à alléguer que les masques détournés auraient été périmés et destinés à la destruction, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, M. A..., qui a expliqué dans une lettre d'excuses du 30 mars 2020 qu'il avait cédé à la tentation de les prendre pour protéger sa famille et ses proches, n'en conteste
pas sérieusement la valeur d'usage. Pour minimiser la gravité des faits, il ne peut utilement
se prévaloir ni d'une commande de 50 000 masques chirurgicaux et 5 000 FFP2 passée
le 19 mars par le centre hospitalier auprès de l'agence régionale de santé, ni d'une communication gouvernementale relative à une faible utilité de ces protections. La sanction disciplinaire étant indépendante de la sanction pénale éventuellement prononcée pour les mêmes faits, le moyen tiré de ce que le requérant a seulement été condamné à une amende pénale
de 500 euros " compte tenu de la faible gravité des faits " par une ordonnance du tribunal judiciaire de Basse-Terre du 14 octobre 2020 est également inopérant. Eu égard à la mission de gestion de matériels particulièrement sensibles dont M. A... était chargé, les faits commis le 18 mars 2020, nécessairement en récidive eu égard au matériel retrouvé à son domicile, qui ont sérieusement altéré la confiance que l'établissement pouvait avoir en son agent, étaient suffisamment graves pour justifier une sanction de révocation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut être accueilli.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à
tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de la Basse-Terre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. A... au titre des frais exposés par le centre hospitalier à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Basse-Terre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au centre hospitalier de la
Basse-Terre.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01322