Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, d'une part, d'annuler les avis d'imposition des 6 décembre 2019 et 11 décembre 2020 relatifs aux prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti, au titre des années 2016 et 2017, d'autre part, de prononcer la décharge des sommes de 4 397 euros et de 4 878 euros, correspondant aux cotisations de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 et enfin, de condamner l'Etat au paiement d'une somme globale de 10 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 2100189, 2100190 du 11 février 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Sarda, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100189, 2100190 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 février 2022 ;
2°) d'une part, d'annuler les avis d'imposition des 6 décembre 2019 et 11 décembre 2020 relatifs aux prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti, au titre des années 2016 et 2017, d'autre part, de prononcer la décharge des sommes de 4 397 euros et de 4 878 euros, correspondant aux cotisations de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des avis d'imposition des 6 décembre 2019 et 11 décembre 2020, son recours est fondé ; la cour peut user de son pouvoir de réformation ;
- s'agissant du bien-fondé des impositions, au regard des compétences transférées par l'Etat à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, du fait que les contributions sociales ne figurent pas au nombre des impôts cités dans la convention de double imposition du 21 décembre 2012 entre la France et Saint-Martin en raison de la nature clairement " fiscale " de ces contributions sociales sur les revenus du patrimoine, son assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et à la contribution sociale généralisée (CSG) appliqué aux revenus du patrimoine n'est pas fondé ; si ces impositions relèvent de la compétence nationale, il n' a pas été légiféré à ce sujet au niveau national et une imposition par analogie ne peut être appliqué ;
- il ne peut se voir imposer des prélèvements sociaux fondés sur les revenus tirés de biens qu'il a achetés, mais dont la propriété lui a été retirée ; ces impositions sont à la charge de la succession Pierre, Daniel Beauperthuy représentée par son administrateur la SELARL BCM qui en a perçu les fruits ;
- l'annulation de la vente par jugement annule les éventuelles impositions mises à sa charge ;
- s'agissant de la demande d'indemnisation, il renvoie à son mémoire.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 20 octobre 2022 et 11 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- les conclusions à fin d'annulation des avis d'imposition sont irrecevables ;
- les conclusions à fin d'indemnité sont, faute de demande ayant cet objet et de décision préalable s'y rapportant, irrecevables ; ces conclusions, présentées dans une requête tendant à la décharge des cotisations de prélèvements sociaux sont aussi irrecevables pour ce motif.
Par ordonnance du 24 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2023, à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi organique n° 2011-416 du 19 avril 2011 tendant à l'approbation d'accords entre l'Etat et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française, notamment son annexe 1 (Saint-Martin) relative à la convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., résident fiscal à Saint-Martin, relève appel du jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes tendant d'une part, à obtenir la décharge des prélèvements sociaux (prélèvement social, contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale) dus pour les années 2016 et 2017 au titre de revenus fonciers, d'autre part, à condamner l'Etat à réparer le préjudice subi.
Sur la demande d'annulation des avis d'imposition des 6 décembre 2019 et 11 décembre 2020 :
2. Les avis d'imposition ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Ils ne peuvent, en conséquence, être déférés à la juridiction par la voie du recours pour excès de pouvoir, et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles R. 190-1 et suivants du livre des procédures fiscales, applicables en l'espèce. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de la Guadeloupe, les conclusions tendant à l'annulation des avis d'imposition sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article LO. 6313-1 du code général des collectivités territoriales :" Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Martin, à l'exception de celles intervenant dans les matières qui relèvent (...) de la compétence de la collectivité en application de l'article LO. 6314-3. (...) " et aux termes de l'article LO. 6314-4 du même code : " I. La collectivité de Saint-Martin exerce les compétences qu'elle tient du 1° du I de l'article LO 6314-3 en matière d'impôts, droits et taxes dans le respect des dispositions suivantes :/1° Les personnes physiques dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. (...) /3° La collectivité de Saint-Martin exerce ses compétences en matière d'impôts, droits et taxes sans préjudice des règles fixées par l'Etat, pour Saint-Martin, en matière de cotisations sociales et des autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale, par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe. /I bis. Les modalités d'application du I sont précisées par une convention conclue entre l'Etat et la collectivité de Saint-Martin en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'elles n'opèrent aucun transfert de compétence à la collectivité de Saint-Martin en matière de prélèvements sociaux. Dès lors, l'État reste compétent pour déterminer les règles applicables sur le territoire de cette collectivité en ce qui concerne les cotisations sociales et les autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale, sans que l'appelant puisse utilement se prévaloir de la convention signée à Saint-Martin le 21 décembre 2010 entre l'Etat et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et approuvée par la loi organique n° 2011-416 du 19 avril 2011.
4. Aux termes de l'article 1600-0-C du code général des impôts: " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. ", de l'article 1600-0 F bis du même code, alors en vigueur : " I. Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. (...) ", de l'article 1600-0-S du même code, alors en vigueur : " I. Il est institué : /1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; (...) " et, enfin, de l'article 1600-0-G du même code : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. ".
5. Il n'est pas contesté que le requérant a perçu des revenus fonciers d'un montant de 28 361 euros au titre des années 2016 et 2017 à raison de parcelles cadastrées section AW n° 223 et 224 situées sur la commune de Saint-Martin, dont il a fait l'acquisition par acte notarié du 11 janvier 1985. M. A... conteste être redevable des prélèvements sociaux assis sur les revenus du patrimoine issus de ces deux terrains, au motif que, par un arrêt du 10 mai 2021, la chambre civile de la cour d'appel de Basse-Terre l'a condamné à payer à l'indivision successorale de Pierre Daniel Beauperthuy et de Marie Sauveur Desbonnes, propriétaires à hauteur de 85/90èmes des parcelles en litige, selon un arrêt définitif de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 12 novembre 2018, la somme de 895 811 euros, correspondant à la différence, après compensation, entre les revenus qu'il a tirés de ces parcelles à raison de diverses activités exercées entre 1985 et 2019 et les dépenses engagées pour l'amélioration de leur état. Toutefois, une telle circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige, lesquelles sont dues au titre des revenus dont M. A... a eu la disposition au cours des années 2016 et 2017, en application du principe de l'annualité de l'impôt prévu par l'article 12 du code général des impôts, qui dispose que " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Le moyen soulevé doit par suite être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Il convient de rejeter par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges les conclusions indemnitaires présentées de nouveau en appel par M. A....
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01088