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09/07/2024 | FRANCE | N°22BX00884

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 22BX00884


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2019 par laquelle la préfète de la Gironde lui a infligé une amende administrative de 1 000 euros en raison de manquement à la réglementation relative à la pêche maritime et à l'aquaculture marine.



Par un jugement n° 1906228 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Par une requête enregistrée

le 7 février 2022, M. D... a demandé au conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2019 par laquelle la préfète de la Gironde lui a infligé une amende administrative de 1 000 euros en raison de manquement à la réglementation relative à la pêche maritime et à l'aquaculture marine.

Par un jugement n° 1906228 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 7 février 2022, M. D... a demandé au conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 décembre 2021.

Par ordonnance du 18 mars 2022, le président de la section du contentieux du conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mars 2022, 14 avril 2022 et 17 mars 2023, M. D..., représenté par Me Le Bret-Desache, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 décembre 2021 rejetant sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 de la préfète de la Gironde lui infligeant une amende administrative de 1 000 euros ;

2°) subsidiairement, de réduire significativement le montant de l'amende à la somme de 250 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence de mise en ligne du sens des conclusions du rapporteur public dans un délai raisonnable, la procédure juridictionnelle est irrégulière ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen selon lequel le procès-verbal de contravention de grande voirie n'avait pas été produit par l'administration ce qui ne permettait pas de vérifier la localisation des parcelles ni l'ampleur des déchets ;

- la tardiveté de la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie constitue une atteinte aux droits de la défense et ne lui a pas permis de vérifier que l'amas de tables sur sa parcelle ne provenait pas des concessions voisines ;

- subsidiairement c'est à tort que le tribunal n'a pas vérifié si le montant de l'amende était proportionné aux manquements commis compte tenu de sa situation d'invalidité, des démarches entreprises pour obtenir un délai supplémentaire et déblayer la concession ce qui a été fait au 1er novembre 2019 et de sa situation financière précaire ; ce montant est manifestement disproportionné en violation de l'article 1e du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2023, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2023 à 12h00.

En application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 18 juin 2024 que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement du tribunal, le litige ne rentrant dans aucun des cas prévus par l'article R 222-13 du code de justice administrative.

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées pour M. D... le 19 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo ;

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Maginot, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié à compter de 1997, d'une concession pour l'exploitation d'une parcelle ostréicole n° 14003012 située au lieu-dit Matelotte, sur le bassin d'Arcachon. Il a cessé son activité d'ostréiculteur à compter de 2013 en raison d'un accident professionnel, mais sa demande de " renonciation " à l'autorisation d'exploitation de cultures marines dont il bénéficiait, présentée le 15 mai 2015 a été rejetée par l'administration en août 2015 au motif que sa parcelle n'était pas nettoyée de tous déchets et matériels qui s'y trouvaient. Il a fait l'objet d'une mise en demeure de procéder au nettoyage de cette parcelle le 20 août 2015 et, à la suite d'un contrôle sur place réalisé le 21 juillet 2016 constatant l'absence de remise en état de la parcelle, il s'est vu infliger une sanction administrative de 500 euros par le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine. Le 17 juillet 2019, un nouveau contrôle de la parcelle réalisé par l'administration a permis de constater la présence de déchets et un procès-verbal a été dressé à l'encontre de M. D.... Par arrêté du 24 octobre 2019, la préfète de la Gironde lui a infligé une amende administrative de 1 000 euros pour défaut d'entretien et présence de déchets sur sa concession. M. D... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ". L'irrégularité de la composition d'une formation de jugement est un moyen d'ordre public qui peut être invoqué à toute étape de la procédure et doit être relevé d'office par le juge.

3. La contestation de la décision du préfet infligeant une amende administrative sur le fondement du code rural et de la pêche maritime n'est pas au nombre des litiges, énumérés par l'article R. 222-13 du code de justice administrative, pouvant être jugés par un magistrat statuant seul. Par suite, comme les parties en ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2019 devait être jugée par le tribunal administratif statuant en formation collégiale. Il suit de là que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif a été rendue par une formation de jugement irrégulièrement composée. Dès lors, ce jugement doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. D....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, M. A... B..., directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique, avait, à la date de la décision querellée, reçu délégation de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine à l'effet de signer les décisions relatives aux sanctions administratives en application du livre IX du code rural et de la pêche maritime par arrêté du 15 avril 2019. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code des elations entre le public et l'administration : les sanctions " (...) ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Aux termes de l'article L. 946-5 du code rural et de la pêche maritime : " Les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre, des dispositions qu'ils ont enfreintes et des sanctions qu'ils encourent. L'autorité compétente leur fait connaitre le délai dont ils disposent pour faire valoir leurs observations écrites et, le cas échéant, les modalités s'ils en font la demande selon lesquelles ils peuvent être entendus. Elle les informe de leur droit à être assisté du conseil de leur choix. ".

6. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.

7. Il résulte de l'instruction que, conformément aux dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, par courrier recommandé du 25 juillet 2019, dont M. D... a d'ailleurs accusé réception, l'administration a informé celui-ci des faits relevés à son encontre le 17 juillet 2019, tenant à l'absence de remise en état de la concession n° 14003012 située au lieu-dit Matelotte dont les parcelles étaient précisément identifiées, ainsi que des dispositions qu'il avait méconnues et de la sanction encourue et enfin, lui a précisé qu'il disposait d'un délai de 15 jours pour présenter ses observations en défense. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. D... a d'ailleurs présenté ses observations, par courrier reçu par l'administration le 28 septembre 2019 et visé dans la décision attaquée, dans lequel il sollicite un délai supplémentaire pour terminer le nettoyage du " parc de la Matelotte ". Par suite, et alors que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative relatives aux contraventions de grande voirie ne peut être utilement invoquée par le requérant, le moyen tiré de ce qu'il a été maintenu dans l'ignorance durable des faits reprochés et mis dans l'impossibilité de réunir des preuves utiles pour préparer sa défense, doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application , (...), et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'un ou plusieurs des sanctions suivantes : 1° Une amende administrative égale au plus : a) A cinq fois la valeur des produits capturés, débarqués, transférés, détenus, acquis, transportés ou mis sur le marché en violation de la réglementation, les modalités de calcul étant définies par décret en Conseil d'Etat ; b) A un montant de 1 500 euros lorsque les dispositions du a) ne peuvent être appliquées (...). Les montants d'amende mentionnés aux a) et b) peuvent être portés au double en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 946-4 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 946-1 à L. 946-3 sont proportionnées à la gravité des faits constatés et tiennent compte notamment de la valeur du préjudice causé aux ressources halieutiques et au milieu marin concerné ".

9. Il résulte de l'instruction que le 17 juillet 2019, la direction départementale des territoires et de la mer a constaté la présence, sur la parcelle n° 14003012 concédée à M. D..., d'un amas de tables et de déchets divers déjà présents lors des contrôles effectués le 18 août 2015 et le 21 juillet 2016 à l'issue desquels, faute de nettoyage de la concession, l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une sanction administrative en avril 2017. Compte tenu de l'ancienneté et de la réitération des faits constatés en 2015 et 2019, qui ont nécessité des interventions répétées de l'administration afin d'obtenir la remise en état de la concession finalement constatée en avril 2020, et alors qu'il n'est pas démontré par l'intéressé les conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle, il ne résulte pas de l'instruction que le montant de 1 000 euros de l'amende infligée présenterait un caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1e du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête présentées sur ce fondement par M. D....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente, rapporteure,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00884 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00884
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22bx00884 ?
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