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09/07/2024 | FRANCE | N°22BX00402

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 22BX00402


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société C... A... conseils a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des droits supplémentaires et intérêts de retard en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à hauteur de 23 846 euros et des droits supplémentaires et intérêts de retard en matière d'impôts sur les sociétés à hauteur de 38 727 euros.



Par un jugement n° 1900758 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 4 février 2022, la société C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société C... A... conseils a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des droits supplémentaires et intérêts de retard en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à hauteur de 23 846 euros et des droits supplémentaires et intérêts de retard en matière d'impôts sur les sociétés à hauteur de 38 727 euros.

Par un jugement n° 1900758 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2022, la société C... A... conseils, représentée par Me Adrian, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, mis à sa charge pour un montant total, en droits et pénalités, de 62 573 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convention de prestations de services présentait un intérêt pour elle, en lui permettant de bénéficier de plus de souplesse dans la maîtrise de ses charges ; la rémunération du dirigeant sous la forme d'une charge fixe pouvait se révéler pénalisante ; le choix a été de modifier l'organisation du groupe pour faire réaliser les prestations techniques de conseil en gestion par la société SSF qui refacturerait ces prestations à sa filiale ; la rémunération forfaitaire mensuelle pouvait être modifiée d'un commun accord en cas de survenance de difficultés financières ; elle a tiré profit de cette convention dans la possibilité désormais offerte d'ajuster la charge que représentait la réalisation des prestations techniques de conseil en gestion et d'alléger le risque opérationnel important ;

- les honoraires perçus correspondent à des prestations de conseil que le dirigeant n'aurait pas pu réaliser pour une rémunération annuelle de 3 600 euros ; 108 000 euros HT ont été versés en application de la convention de prestations de services et correspondent aux prestations réalisées par son dirigeant ;

- les rémunérations versées dans le cadre de la convention portent sur la réalisation des prestations techniques réalisées par la société SSF, distinctes des fonctions de direction ; elles ne font pas double emploi avec les missions du dirigeant de la société SSC, qui se limitent à la seule gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société C... A... conseils ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) C... A... conseils (SSC), filiale de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) C... A... financements (SSF), exerce une activité de conseil en investissements financiers, conseil pour les affaires et la gestion, courtage en assurance. A la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 7 février 2017, remis en cause, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014, la déduction des prestations de services versées à l'entreprise SSF, dans le cadre d'une convention conclue le 2 avril 2013, à raison des prestations réalisées par M. C... A..., exerçant les fonctions de gérant de la société vérifiée et de la société prestataire. Des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant total en droits et pénalités de 62 573 euros ont été notifiés, selon la procédure contradictoire, à la société SSC. Cette dernière fait appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2014.

Sur les suppléments d'impôt sur les sociétés :

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux (...) ". Il résulte de ces dispositions que les charges pouvant être admises en déduction doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs.

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

4. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

5. La conclusion par une société d'une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d'une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d'un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.

6. Il est constant que la société SSC, détenue par la société SSF à 68 % jusqu'au 8 octobre 2014, puis à 93 % jusqu'en 2016, a comptabilisé des charges à hauteur de 108 000 euros hors taxes au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014, correspondant à des prestations réalisées par M. A..., en sa qualité de gérant de la société SSF, en application d'une convention de prestations conclue le 2 avril 2013 entre les deux sociétés. Pour remettre en cause, au titre de cet exercice, la déduction des honoraires versés à la société SSF, l'administration fiscale, qui a estimé que cette convention de prestation était nulle et non avenue, a considéré que les prestations facturées par la société SSF dans ce cadre relevaient des fonctions de missions administrative, commerciale et technique, incombant au gérant de la société SSC, avec lesquelles elles faisaient double emploi, et ne correspondaient pas à des prestations distinctes. Elle a également conclu que la société SSF avait facturé à la société appelante des prestations sans que soit démontré leur caractère distinct de celles effectuées par M. A..., en qualité de gérant de la société SSC.

7. La société SSC soutient que les charges en litige ont rémunéré des prestations techniques distinctes de celles relevant de sa gérance et ont été motivées par la nécessité pour son gérant, M. A..., de pallier le départ progressif, le 1er avril 2013, de M. B..., associé de la société SSC, seule personne au sein de la société, à disposer des compétences juridiques indissociables de l'exercice du conseil en investissement financier (CIF), à l'origine d'une baisse du chiffre d'affaires de 11 % entre 2012 et 2013 et de 12 % entre 2013 et 2014. Cette décision de gestion a également permis, selon la société appelante, de procéder à un allégement de charges au moment où devait se négocier la valeur des parts sociales détenues par M. B... dans la société.

8. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en application de l'article 2 de la convention signée le 2 avril 2013, la société SSF réalise les prestations d'assistance administrative relatives aux salariés (recrutement, avancement, gestion, relations sociales, licenciement), de contrôle de gestion interne, de gestion de la facturation et de l'organisation de l'action commerciale (relations extérieures, communication, conseil en marketing, prospection et recherche de clientèle, assistance à l'organisation du suivi client). Contrairement à ce que soutient la société appelante, ces charges facturées " contrat de prestations de services ", entre février et novembre 2014 pour un montant fixe mensuel de 12 000 euros HT, en application de l'article 3 de la convention, rémunéraient des prestations inhérentes à la fonction de gérant de la société SSC et ne peuvent être regardées, en l'absence de toute précision sur leur contenu, comme ayant rétribué des missions techniques distinctes. Celles-ci relatives à l'activité réglementée de conseils en investissement (CIF) pouvaient être exercées par M. A..., au sein de la société SSC, laquelle ne démontre pas la contrepartie retirée de la délégation de prestations à la société SSF. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la convention de prestations aurait été ratifiée par l'assemblée générale des associés de la société SSC. Enfin, si la société SSC soutient que cette convention de prestations de services a été conclue dans le but de réaliser des économies sur les charges d'exploitation au titre de l'exercice clos en 2014, au moment où le rachat de parts sociales détenues par un associé était en cours, elle ne démontre pas l'intérêt qu'elle en a retiré dès lors que la cession de ces parts a été déterminée " en considération des comptes établis au 31 décembre 2013 ". Dans ces conditions, et alors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires a d'ailleurs émis le 6 avril 2018 un avis favorable au maintien des rectifications en litige, l'administration fiscale établit le caractère d'acte anormal de gestion que constitue la conclusion de la convention signée le 2 avril 2013 et le versement à la société SSF, des rémunérations prévues par cette convention et est ainsi fondée à remettre en cause le caractère déductible de ces charges.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe applicable à compter du 1er janvier 2008 : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) / IV. 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ". Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, l'administration apporte la preuve de ce que les sommes versées n'étaient pas nécessaires à l'exploitation de la société SSC et est ainsi fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises par la société SSF. C'est par suite à bon droit qu'elle a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société appelante au titre de la période correspondant à l'année 2014.

11. Il résulte de ce qui précède que la société C... A... conseils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société C... A... conseils demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société C... A... conseils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société C... A... conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00402
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : FIDAL MERIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22bx00402 ?
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