Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... et Mme D... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'ordonner une expertise médicale avant dire droit afin d'évaluer les préjudices en lien avec la chute de M. C... sur la voie publique le 28 mars 2018, et dans l'attente de cette évaluation, de condamner la société Groupama d'Oc, assureur de la communauté de communes du Pays Tarusate, à verser à M. C... une indemnité provisionnelle de 40 000 euros.
Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) Pau-Pyrénées, agissant pour le compte de la CPAM des Landes, a demandé au tribunal de condamner le tiers responsable à lui verser une somme de 152 672,80 euros au titre de ses débours provisoires.
Par un jugement n° 1902653 du 1er avril 2021, le tribunal a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 23 avril 2024, M. et Mme C..., représentés par la SELARL Thomas Gachie, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit afin d'évaluer les préjudices
de M. C... ;
3°) de condamner la société Groupama d'Oc à indemniser leurs préjudices, et dans l'attente de l'expertise, à verser à M. C... une indemnité provisionnelle de 40 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de la société Groupama d'Oc une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il est établi par le témoignage de M. A... que la chute à vélo de M. C... le 28 mars 2018 était en lien avec une bosse résultant d'une racine d'arbre sous la route, ultérieurement signalée par un panneau et de la peinture au sol ; la chute est survenue alors que M. C... tentait de doubler M. A... ; le défaut de la voirie, dangereux pour les deux-roues, n'était pas signalé au moment de l'accident ; contrairement à ce qu'indique le jugement, le bosselage n'avait pas augmenté par " progression du système racinaire " lors du constat d'huissier du 15 février 2019 ; ce défaut n'étant visible qu'à proximité immédiate, la circonstance que l'accident est survenu en plein jour et sur une portion de route en ligne droite est sans incidence sur l'existence d'un défaut d'entretien normal, dès lors que la communauté de communes du Pays Tarusate aurait dû mettre en place une signalisation ou remédier à ce défaut ;
- la manœuvre consistant à attraper sa gourde d'une main en tenant le guidon de l'autre est un geste banal qui ne constitue en rien une imprudence, et la chute n'est pas en lien avec cette manœuvre, mais avec la bosse qui a fait " guidonner le vélo " ;
- dès lors que la responsabilité de la commune de communes est établie, il appartient à son assureur, la société Groupama d'Oc, de réparer l'entier préjudice ;
- il y a lieu d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices de M. C..., et dans l'attente de cette évaluation, de condamner la société Groupama d'Oc au versement d'une provision de 40 000 euros, dont le montant est justifié par les deux expertises médicales réalisées le 22 octobre 2018 et le 25 novembre 2019 à la demande de l'assureur de M. C....
Par un mémoire enregistré le 10 mars 2022, la CPAM Pau-Pyrénées, agissant pour le compte de la CPAM des Landes, demande à la cour de condamner la société Groupama d'Oc à lui verser une somme de 173 598,28 euros en remboursement de ses débours provisoires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, la société Groupama
d'Oc, représentée par la SELARLU Karine Lhomy, conclut au rejet de la requête et demande
à la cour de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dès lors que M. C... suivait M. A..., ce dernier n'a pas pu assister à la chute, dont les circonstances exactes restent indéterminées ; si la seconde attestation de M. C... produite en appel précise que M. C... a chuté alors qu'il était déjà entré dans le champ de vision
de M. A... qu'il était en train de doubler, ce dernier n'a pas été gêné par l'obstacle ;
- la commune de communes n'est pas à l'origine de la présence d'une racine sur la voie publique ;
- M. C... connaissait les lieux, l'accident est survenu de jour, sur une ligne droite, la bosse était au milieu de la voie alors que le cycliste aurait dû rester près de l'accotement, et l'obstacle était visible dès lors que M. A... qui roulait devant n'a pas chuté ; selon le premier témoignage de M. A..., M. C... a chuté parce qu'il était en train de ramasser sa gourde, ce qui démontre qu'il ne regardait pas la route ; ainsi, l'inattention de M. C... est à l'origine de sa chute ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la légère déformation de la route ne constituait pas un risque excessif pour les usagers.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 mars 2018 vers 15 heures 30, alors qu'il circulait à vélo avec un autre cycliste sur la route de Bégaar relevant de la compétence de la communauté de communes du Pays Tarusate, M. C... a fait une chute et a présenté un traumatisme du rachis cervical à l'origine d'une tétraplégie. Il a été pris en charge au centre hospitalier de Dax jusqu'au 14 mai 2018, puis dans un établissement de rééducation et réadaptation fonctionnelle jusqu'au 7 janvier 2019, et a conservé une tétraparésie sévère. La procédure amiable engagée avec la société Groupama d'Oc, assureur de la communauté de communes, n'ayant pas abouti, M. et Mme C... ont d'abord saisi le tribunal de grande instance de Dax, lequel s'est déclaré incompétent par une ordonnance du 8 novembre 2019, puis ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Groupama d'Oc à indemniser leurs préjudices, d'ordonner une expertise médicale, et dans l'attente, d'allouer à M. C... une indemnité provisionnelle de 40 000 euros. Ils relèvent appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande au motif que la preuve de l'entretien normal de la voie publique était apportée.
2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré
de l'obligation d'indemniser la victime qu'en apportant la preuve, soit de l'absence de défaut d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas
de force majeure.
3. Le témoignage du cycliste qui accompagnait M. C..., selon lequel ce dernier " a chuté à cause d'une racine recouverte de goudron en travers de la chaussée ", suffit à établir le lien de causalité entre la chute et la présence d'un renflement de l'enrobé de la chaussée causé par une racine d'un pin de la plantation riveraine de la voie. Il résulte de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 15 février 2019 produit par les requérants, que la route de Bégaar, une voie rurale étroite longeant une pinède, présentait un renflement légèrement oblique, barrant la chaussée sur une longueur d'environ 2,70 m, d'une largeur de 0,50 m et d'une hauteur de 3 à 5 cm. Cette déformation n'excède pas, par sa nature et son importance, les défectuosités que les usagers de la voie en cause, en particulier les cyclistes, doivent normalement s'attendre à rencontrer, et ne représente pas un danger nécessitant la mise en place d'une signalisation. Par suite, et alors que le témoin, qui avait franchi l'obstacle sans difficulté, a précisé que M. C... " prenait son bidon " d'une main et tenait le guidon de l'autre lorsqu'il est passé sur la racine qu'il n'a pas vue, l'accident n'est pas imputable à un défaut d'entretien normal de la voie publique, mais à l'imprudence de la victime, un cycliste même chevronné devant tenir son guidon des deux mains et être attentif à l'état de la voie sur laquelle il circule.
4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
5. M. et Mme C..., qui sont la partie perdante, ne sont pas fondés à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à leur charge au titre des frais exposés par la société Groupama d'Oc à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Groupama d'Oc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et Mme D... E... épouse C..., à la société Groupama d'Oc, à la communauté de communes du pays Tarusate et à la caisse primaire d'assurance maladie Pau-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX00304