Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision implicite née du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour, et d'autre part, l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2203427, 2302630 du 27 septembre 2023, procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la préfète de la Gironde sur la demande de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus de la demande de M. C....
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il rejette le surplus de sa demande d'annulation ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de faire procéder sans délai à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi que le paiement des entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a écarté sans explication un moyen tiré du vice de procédure comme étant inopérant ;
- il est irrégulier dès lors qu'il a examiné le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu à l'encontre de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français alors qu'il était soulevé à l'encontre des autres décisions contenues dans l'arrêté en litige " (refus de séjour et interdiction de retour) " ;
S'agissant de l'arrêté pris dans son ensemble :
- il a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il ne lui a été accordé qu'un délai de quinze jours pour le contester au lieu du délai de trente jours ;
- il méconnaît le droit d'être entendu garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il n'a pas été invité à présenter ses observations, ce qui l'a privé d'une garantie et a exercé une influence sur la décision prise dès lors qu'il aurait été en mesure de faire valoir le manque de main d'œuvre dans son domaine d'activité ;
- il n'a pas été procédé à un examen sérieux de sa situation en ce que le préfet n'a pas tenu compte de son profil professionnel particulier ni des éléments démontrant son intégration et son insertion ;
- il est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il indique qu'il ne " produit aucun document établissant son insertion durable dans la société française " alors qu'il est constant qu'il a été titulaire d'une autorisation de travail démontrant une telle insertion ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation quant à son intégration en France ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet ne pouvait examiner sa demande en écartant l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle le prive d'opportunités professionnelles ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est disproportionnée dans son principe et dans sa durée dès lors que le non-respect d'une précédente mesure d'éloignement est " bien relatif ", qu'il réside depuis trois ans en France où il est intégré, qu'il ne porte pas atteinte à l'ordre public et qu'il est porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en confirmant les termes de son mémoire de première instance.
Par une ordonnance du 9 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mars 2024.
M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/009737 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- et les observations de Me Chamberland-Poulin, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant algérien né le 6 mars 1996, déclare être entré en France le 4 décembre 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 février 2021 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 juin 2021. Par un arrêté du 4 novembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. S'étant maintenu sur le territoire français, il a sollicité, le 9 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un arrêté du 28 avril 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de rejet de la préfète de la Gironde et a rejeté le surplus de la demande de M. C... qui tendait également à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2023. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En premier lieu, en énonçant, au point 7 du jugement attaqué, que " le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'aurait été accordé au requérant qu'un délai de quinze jours pour en demander l'annulation devant le tribunal de céans est inopérant ", le tribunal administratif de Bordeaux a suffisamment motivé sa réponse au moyen inopérant, auquel il n'était au demeurant pas tenu de répondre, devant être regardé comme tiré de ce que la mention des voies et délais de recours portée sur l'arrêté du 28 avril 2023 était erronée.
4. En second lieu, si le requérant soutient que le tribunal administratif de Bordeaux a examiné le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu à l'encontre de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français alors qu'il était soulevé à l'encontre des autres décisions contenues dans l'arrêté en litige " (refus de séjour, interdiction de retour) ", il ressort de ce jugement qu'il a été répondu à ce moyen dans le cadre de l'examen non seulement de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, au point 18, mais également de celle du refus de titre de séjour, au point 10, et de celle l'interdiction de retour sur le territoire français, au point 24.
5. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions :
6. En premier lieu, M. C... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif de Bordeaux sur ce point, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
7. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également la durée et les conditions de séjour de M. C... sur le territoire français, où il a déclaré être entré en décembre 2020 et s'est maintenu en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 4 novembre 2021, ainsi que la promesse d'embauche en qualité de mécanicien poids lourds établie par la société Atlas Démolition 33 et la demande d'autorisation de travail qu'il a présentée à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Cet arrêté précise enfin, pour justifier la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, que M. C... a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et qu'il ne justifie pas de liens anciens en France. Dans ces conditions, alors même qu'il n'a pas mentionné l'ensemble des démarches professionnelles entreprises par M. C... qui se plaint en particulier de l'absence de mention d'une autre promesse d'embauche de la société Mécanique Bordeaux Motors, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé l'arrêté attaqué. Par ailleurs, cette motivation ne révèle pas un défaut d'examen sérieux de la situation, notamment professionnelle, de l'intéressé qui ne saurait reprocher au préfet d'avoir commis une erreur de fait en estimant, après avoir tenu compte des pièces fournies, qu'il ne produisait " aucun document établissant son insertion durable dans la société française ". Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 28 avril 2023, de l'erreur de fait et du défaut d'examen sérieux de la situation de M. C... doivent être écartés.
8. En troisième lieu, si les conditions de notification des décisions peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans influence sur leur légalité. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté attaqué en ce qu'il comporterait une erreur dans la mention des voies et délais de recours est inopérant.
9. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de ladite charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".
10. Premièrement, d'une part, la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union européenne. D'autre part, les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent exclusivement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Dans ces conditions, le requérant ne saurait utilement soutenir que son droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aurait été méconnu.
11. Deuxièmement, les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Elles ne prévoient pas de droit pour un étranger à être entendu dans le cadre de la procédure de prise d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
12. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
13. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
14. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 14, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
15. Si M. C... n'a pas été invité à présenter, préalablement à la décision attaquée, ses observations écrites ou orales, sur la mesure d'éloignement envisagée, il ne pouvait cependant ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une telle mesure et n'établit, ni même n'allègue, avoir sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou avoir été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise l'obligation de quitter le territoire français contestée. Il ne fait pas état, dans le cadre de la présente instance, d'éléments qui, s'ils avaient été connus de l'autorité préfectorale, auraient pu la conduire à prendre une décision différente, sa situation professionnelle ayant notamment été prise en compte par le préfet de la Gironde dans la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté.
16. Troisièmement, M. C... ne justifie d'aucun élément propre à sa situation qu'il aurait été privé de faire valoir et qui, s'il avait été en mesure de l'invoquer préalablement, aurait été de nature à influer sur le sens des décisions d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et de fixation du pays de renvoi prises par le préfet de la Gironde.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant refus de titre de séjour :
17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
18. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
19. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
20. Il ressort des mentions de la décision attaquée qu'après avoir rappelé que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissait de manière complète le droit au séjour et au travail en France des ressortissants algériens et de leurs familles, le préfet de la Gironde a indiqué qu'il avait décidé, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, d'examiner la situation de M. C... dans le cadre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
21. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'entré en France en décembre 2020, selon ses déclarations, et s'y étant maintenu en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 4 novembre 2021, M. C..., célibataire et sans enfant, ne dispose pas d'un domicile stable et pérenne sur le territoire national où il est hébergé à titre gracieux, et a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans en Algérie où réside l'ensemble des membres de sa famille. Par ailleurs, M. C... se prévaut d'une promesse d'embauche en qualité de mécanicien poids lourds établie par la société Atlas Démolition 33, d'une précédente volonté d'embauche par la société Mécanique Bordeaux Motors, garage automobile confronté à une pénurie de main d'œuvre, de son diplôme algérien reconnaissant son aptitude à l'exercice de la mécanique automobile et de sa volonté d'intégration dans la société française, en produisant une attestation du président de l'Association de solidarité avec tous les immigrés indiquant qu'il suit des cours de français depuis le mois de novembre 2022 ainsi que des attestations de proches faisant état de ses qualités humaines et professionnelles. Ces circonstances ne sauraient toutefois être regardées, eu égard notamment aux conditions de son séjour, comme constitutives d'un motif exceptionnel ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1, alors en particulier que l'existence de difficultés de recrutement pour le métier concerné ne ressort pas des pièces du dossier et que M. C... ne justifie pas non plus qu'il disposerait d'un niveau de qualification et d'une expérience professionnelle particuliers dans son domaine d'activité. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
22. Compte tenu des circonstances exposées au point précédent, la décision en litige ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé à l'encontre de la décision en litige, doit être écarté.
24. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
25. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... ne constitue pas une menace à l'ordre public, l'intéressé n'a toutefois pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, et, ainsi qu'il a été dit au point 21, ne justifie pas d'attache familiale en France. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant à l'encontre de l'intéressé une décision d'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision fixant le pays de renvoi :
26. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision en litige, doit être écarté.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
28. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
29. L'Etat n'étant pas partie perdante dans le cadre de cette instance, les conclusions présentées par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent
qu'être rejetées. Ses conclusions tendant à ce que l'Etat supporte les dépens de l'instance doivent également être rejetées dès lors que l'instance n'a donné lieu à aucun dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2024.
La rapporteure,
Karine Butéri
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX03082