Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français
Par un jugement n° 2304837 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2024 et le 4 juin 2024, M. B..., représenté par Me Bâ, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du Préfet de la Gironde en date du 3 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer, dans les 15 jours suivant l'arrêt à intervenir, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer son dossier dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé portant autorisation de travail le temps du réexamen de la demande ;
4°) d'ordonner la suppression des informations dans le système de traitement informatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le jugement est entaché d'un défaut d'examen de sa requête et d'une erreur de fait en ce que les premiers juges ont considéré qu'il avait fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français et qu'il était dépourvu d'attaches familiales en France ;
- en considérant que le caractère discontinu de ses emplois ne lui permettait pas de justifier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les premiers juges ont procédé à une substitution de motif qui n'avait été ni demandée, ni évoquée par le préfet ;
- le jugement est entaché d'une contradiction entre les dispositions citées des article L. 612-8, L. 612-10 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les principes exposés au point 17 qui sont ceux de l'article L. 612-7 de ce code ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle est entachée d'erreur de droit en lui opposant l'absence d'autorisation de travail alors qu'elle n'est pas exigée en cas de demande d'admission exceptionnelle au titre du travail et dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé au regard de sa qualification, de son expérience et des caractéristiques de l'emploi qu'il occupe ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son expérience, de la signature d'un contrat à durée indéterminée et des difficultés de recrutement sans le secteur de la restauration et de la durée de son séjour ;
- pour les mêmes motifs, elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'erreur de droit en l'absence de prise en compte des critères prévus par les textes ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet ne saurait se fonder sur la notification tardive de l'obligation de quitter le territoire français à une adresse de domiciliation dont il ne bénéficiait plus en raison du rejet de sa demande d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les obligations de quitter le territoire français ne lui ont jamais été notifiées, qu'il réside en France depuis 5 ans et dispose de liens familiaux ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il se réfère aux termes de son mémoire en défense de première instance et soutient en outre que la mention de deux obligations de quitter le territoire français résulte d'une erreur de plume et que l'obligation de quitter le territoire français du 20 janvier 2021 a été notifiée à la seule adresse connue de M. B... ; en tout état de cause, il s'est maintenu durablement en situation irrégulière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- et les observations de Me Atger, substituant Me Bâ, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant mauritanien, est entré irrégulièrement en France le 7 août 2018. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2021. Il a présenté le 23 mai 2022 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du 29 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une erreur de fait ou d'un défaut d'examen en considérant qu'il avait fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français et qu'il était dépourvu d'attaches familiales en France a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Il en est de même du moyen tiré de ce que les points 16 et 17 du jugement seraient entachés d'une contradiction de motifs.
3. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué qu'en prenant notamment en compte au point 6 du jugement le caractère discontinu des emplois dont se prévalait le requérant pour estimer qu'il ne justifiait pas d'un motif d'admission exceptionnelle au séjour, les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de motifs mais se sont bornés à apprécier si les motifs invoqués par l'intéressé et sa situation lui permettaient de se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient procédé à une substitution de motifs en l'absence d'une demande du préfet et en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Bordeaux que M. B... a fait valoir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour, un moyen tiré de ce qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation en soutenant qu'elle était infondée ou à tout le moins disproportionnée. Le tribunal a rejeté la demande de M. B... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit donc être annulé, pour ce motif, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 août 2023 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions applicables, mentionne que la demande de M. B... a été présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et prend en compte pour refuser de faire droit à cette demande les circonstances que l'intéressé ne présente pas de moyens tenant à l'existence de motifs exceptionnels ou de circonstance humanitaires pour l'obtention de ce titre et qu'il ne justifie pas d'une ancienneté significative de présence sur le territoire national ni d'une ancienneté de travail exceptionnelle et d'éléments attestant de son intégration dans la société française. Elle comporte également les éléments propres à sa situation personnelle et familiale. Dans ces conditions, au regard des informations figurant dans la demande présentée, le préfet a suffisamment précisé les motifs de droit et de fait qui fondaient sa décision.
7. En deuxième lieu, les circonstances que cette décision mentionne par erreur une décision portant obligation de quitter le territoire français inexistante et que le préfet ait également examiné d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de plein droit en qualité de salarié ou d'un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire ne sont pas de nature à la faire regarder comme entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
9. Lorsqu'un étranger sollicite une admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour
10. D'une part, il ressort de la décision attaquée que le préfet après avoir constaté que M. B... ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité de salarié en l'absence de présentation d'une d'autorisation de travail, a ensuite examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans lui opposer l'absence de cette autorisation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en exigeant à tort une autorisation de travail doit être écarté.
11. D'autre part, il ressort du dossier de demande de titre de séjour que le requérant s'est borné à produire ses contrats de travail et ses bulletins de salaire, sans se prévaloir d'aucun diplôme ou qualification, ni apporter de précisions sur les caractéristiques de l'emploi occupé. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a travaillé en qualité de plongeur du 10 juin 2019 au 22 mars 2020 puis du 5 juin 2020 au 1er novembre 2020 et du 27 février 2021 au 31 mars 2021. Il produit également des bulletins de salaire en qualité de commis de cuisine du 28 mai 2021 au 30 septembre 2021 puis du 1er décembre 2021 au 30 avril 2024 et se prévalait dans sa demande de la signature d'un contrat à durée indéterminée à compter du 19 mai 2022 pour lequel il produit des bulletins de salaire jusqu'à la date de la décision attaquée. Toutefois, alors que son séjour en France était relativement récent et justifié jusqu'en 2021 par l'examen de sa demande d'asile, la durée de cette activité professionnelle n'est pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour en qualité de salarié. Dans ce contexte, le préfet, qui a pris en compte sa situation professionnelle, n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en lui refusant la délivrance du titre de séjour demandé sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quand bien même le secteur de la restauration rencontre des difficultés de recrutement.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et liberté d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
13. En l'espèce, si le requérant se prévaut de sa résidence en France depuis 2018, celle-ci était justifiée jusqu'en octobre 2021 par l'examen de sa demande d'asile. En outre, en l'absence de tout autre élément justifiant de son intégration dans la société française, la durée de cette présence et de son activité professionnelle n'est pas de nature à établir qu'il y aurait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux, quand bien même son frère et deux de ses cousins, avec qui les liens de parenté ne sont au demeurant pas justifiés, résideraient en France. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait isolé en Mauritanie, où vit sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans, le préfet n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision de refus de séjour litigieuse a été édictée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.
15. En deuxième lieu, dès lors que le refus de séjour n'est pas illégal, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
16. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle pour les motifs exposés aux points 11 et 13 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français./ Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
20. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
21. La décision attaquée vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. B... est entré en France selon ses déclarations le 7 août 2018, qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public, qu'il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement non exécutées et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Ainsi, il ressort de la lecture intégrale de l'arrêté attaqué que la situation de l'intéressé a fait l'objet d'un examen au regard des quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français et de l'erreur de droit au regard des critères fixés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
22. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 20 janvier 2021, qui a été envoyé à sa seule adresse connue et doit être ainsi regardé comme ayant été régulièrement notifié, quand bien même le pli est revenu avec la mention " destinataire inconnu à cette adresse ". Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, si le requérant se prévaut de son séjour en France depuis 2018, il ne justifie pas y avoir développé des attaches familiales ou personnelles particulières. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pris en compte que la seule obligation de quitter le territoire français du 20 janvier 2021, la décision interdisant à l'intéressé le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ni à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2304837 du 29 décembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 3 août 2023 portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 3 août 2023 portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX00262