Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 1er décembre 2022 en tant que la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident.
Par un jugement n°2300981 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2023 et des pièces enregistrées les 8 février 2024 et 12 avril 2024, Mme C... B... épouse A..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2022 en tant qu'elle refuse de lui délivrer une carte de résident ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident, et à titre subsidiaire, de se prononcer à nouveau sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, Me Cesso, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle doit être considérée comme ayant été autorisée à résider en France au titre du regroupement familial de sorte qu'aucune condition de ressources ne lui était opposable en application de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'autorité préfectorale ne pouvait lui opposer l'absence de ressources propres sans prendre en compte celles de son mari ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée est entachée d'une discrimination indirecte par rapport au handicap de son fils qui s'est vu reconnaître, par la maison départementale des personnes handicapées, un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, à l'origine d'une allocation d'éducation de l'enfant handicapé versée à sa famille et de l'assistance qu'elle porte à ses beaux-parents âgés et handicapés ;
- la décision attaquée porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale et ne prend pas en considération l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire transmis en première instance et n'a pas d'observations nouvelles à ajouter.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Edwige Michaud.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 19 février 1989, de nationalité turque, est entrée irrégulièrement en France au mois de septembre 2008 selon ses déclarations. Un premier titre de séjour mention " vie privée et familiale " lui a été délivré le 21 avril 2011 en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n°10BX02775 du 31 mars 2011. Son titre a ensuite été régulièrement renouvelé. Le 7 juin 2022, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident longue durée-UE sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 1er décembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à cette demande et l'a toutefois informée qu'elle mettait en fabrication une nouvelle carte de séjour pluriannuelle mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité de deux ans conformément au 10° de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er décembre 2022 en tant que la préfète de la Gironde n'a pas fait droit à sa demande de carte de résident.
2. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le conjoint d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III et qui justifie d'une résidence régulière non interrompue d'au moins trois années en France, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. / La délivrance de cette carte de résident est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7 (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 10BX02775 du 31 mars 2011, une carte de séjour mention " vie privée et familiale " a été délivrée à Mme A... en application des articles L. 313-11 à L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, régulièrement renouvelée jusqu'au 11 août 2022. L'appelante ne peut se prévaloir de la circonstance que le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé un non-lieu à statuer par ordonnance n° 1100453 du 23 janvier 2013 sur les conclusions de la requête dirigées contre une décision de refus de regroupement familial opposée par le préfet de la Gironde le 13 octobre 2010 pour soutenir qu'elle aurait été autorisée à séjourner en France au titre du regroupement familial. Par suite, et alors que Mme A... avait uniquement sollicité la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue-durée UE " sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. Les années de résidence sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " retirée par l'autorité administrative sur le fondement d'un mariage ayant eu pour seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française ne peuvent être prises en compte pour obtenir la carte de résident prévue au premier alinéa.
Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
6. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 3 octobre 2019 dans l'affaire C-302/18, la notion de " ressources ", visée à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109, ne concerne pas uniquement les " ressources propres " du demandeur du statut de résident de longue durée, mais peut également couvrir les ressources mises à la disposition de ce demandeur par un tiers pour autant que, compte tenu de la situation individuelle du demandeur concerné, elles sont considérées comme étant stables, régulières et suffisantes. Dès lors, la provenance des ressources visées à cette disposition n'est pas un critère déterminant pour les autorités compétentes aux fins de vérifier si celles-ci sont stables, régulières et suffisantes. Par suite, il appartient au préfet d'analyser concrètement la situation individuelle du demandeur du statut de résident de longue durée dans son ensemble et de tenir compte, notamment, du lien familial entre ce demandeur et le membre ou les membres de la famille disposés à le prendre en charge, puis d'examiner si ses ressources sont suffisantes ou non et présentent ou non une certaine permanence ainsi qu'une certaine continuité, afin que ce demandeur ne devienne pas une charge pour l'Etat membre d'accueil.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt, que les ressources de l'époux de Mme A..., nécessairement mises à la disposition de cette dernière, peuvent être ainsi intégrées dans les ressources visées par l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que la préfète de la Gironde n'aurait pas tenu compte des ressources perçues par le mari de l'appelante pour apprécier le caractère suffisant de ses ressources au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les justificatifs de ressources à fournir par un étranger qui sollicite un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont les justificatifs de ses ressources ou s'il est marié, les justificatifs des ressources de son couple sur les 5 dernières années et dans l'hypothèse où l'intéressé est titulaire de l'allocation adultes handicapés (AAH) ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), les justificatifs attestant de sa qualité d'allocataire.
9. Il ressort des avis d'imposition sur les revenus de l'époux de M. A... que les revenus perçus par ce dernier, qui doivent être regardés comme mis à la disposition de son épouse, étaient sur les cinq dernières années de 6 934 euros en 2017, de 12 585 euros en 2018, de 15 210 euros en 2019, de 15 913 euros en 2020, et de 15 284 euros en 2021. Les montants perçus en 2017 et 2018 étaient donc inférieurs au SMIC annuel net de 13 818 euros en 2017 et de 14 125 euros en 2018, alors que les montants perçus en 2019, 2020 et 2021 étaient supérieurs au SMIC annuel net de 14 450 euros en 2019, de 14 623 euros en 2020 et de 14 850 euros en 2021. Dans ces conditions, et dès lors que Mme A... ne justifie pas de ressources suffisantes sur deux années, ni au demeurant de ressources suffisantes en moyenne sur les cinq dernières années, la préfète de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de carte de résident de Mme A... au motif qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes équivalentes au SMIC sur les cinq dernières années.
10. En cinquième lieu, et d'une part, la décision attaquée s'est prononcée sur la demande de carte de résident de Mme A... en prenant en compte les revenus de son époux. D'autre part, le refus de délivrance de la carte de séjour de résident de longue durée ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressée. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait discriminatoire, compte tenu de ses difficultés pour occuper un emploi à temps complet en raison du handicap de son fils et de l'assistance qu'elle porte à ses beaux-parents.
11. En dernier lieu, et dès lors que la décision attaquée n'a pas pour objet d'éloigner Mme A... du territoire français et qu'en tout état de cause, cette dernière s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité de deux ans, les moyens tirés de ce que la décision attaquée porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale et ne prend pas en considération l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Edwige MichaudLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02538