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04/07/2024 | FRANCE | N°23BX01457

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 23BX01457


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SA d'HLM Vilogia a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a refusé de lui accorder un permis pour la construction de huit bâtiments comprenant soixante-deux logements sur un terrain situé au 3 avenue Jean Moulin ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a formé le 23 septembre 2020 contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2100333 du

5 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions et enjoint à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA d'HLM Vilogia a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a refusé de lui accorder un permis pour la construction de huit bâtiments comprenant soixante-deux logements sur un terrain situé au 3 avenue Jean Moulin ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a formé le 23 septembre 2020 contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2100333 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions et enjoint à la commune de délivrer le permis de construire sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 mai 2023, le 5 mars 2024 et le 12 avril 2024, la commune de Martignas-sur-Jalles, représentée par Me Laveissière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 2023 ;

2°) rejeter la demande de la SA d'HLM Vilogia ;

3°) de mettre à la charge de la SA d'HLM Vilogia une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne conteste pas que le plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d'incendie de forêt (PPRIF) n'était pas applicable au projet en litige mais le motif de substitution tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est fondé dès lors que le projet s'implante dans une zone de bois et de friches en prolongement d'un vaste massif forestier, particulièrement exposé au risque incendie, et que le terrain d'assiette confronte sur deux côtés une zone rouge de ce plan ; les pièces produites confirment le caractère inflammable des parcelles limitrophes, et les méga-feux de l'été 2022 incitent à réévaluer le risque d'incendie et de propagation vers les zones construites ; il convient de prendre en compte l'importance du projet et le nombre de personnes potentiellement exposées ; l'article L. 131-2 du code forestier ne peut être utilement invoqué par le pétitionnaire et il n'était pas possible de prévoir des prescriptions adaptées ;

- le projet de construction ne respecte pas les obligations réglementaires prévues à l'article 3.2.2.1 du règlement de la zone UM27 du PLU3.1 s'agissant de l'évacuation des eaux pluviales, les plans VRD modifiés auraient dû être déposés auprès de la commune en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et de la convention la liant à Bordeaux Métropole ; cette situation constitue également un risque au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour lequel il n'était pas techniquement possible d'opposer des prescriptions ;

- ce refus est également justifié au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme par le risque d'inondation lié à la présence de la Jalle et à l'ouvrage de retenue de la Sablière en amont sur environ 50 mètres des rives ;

- ce projet méconnaît également les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et du PLU 3.1 en raison de la non prise en compte de la présence de l'ensemble bâti et paysager E2233 à proximité qui n'est pas même évoqué dans le dossier et de la prescription C2047 s'agissant des cours d'eau traversant le terrain ;

- le permis délivré en exécution du jugement attaqué a fait l'objet d'un déféré préfectoral au motif d'une méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant du risque d'incendie.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2024, et un mémoire non communiqué enregistré le 6 juin 2024, la SA d'HLM Vilogia, représentée par Me Clerc, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- les observations de Me Laveissière, représentant la commune de Martignas-sur-Jalle et de Me Clerc, représentant la société d'HLM Vilogia.

Une note en délibéré a été enregistrée pour la société d'HLM Vilogia le 13 juin 2024.

Une note en délibéré a été enregistrée pour la commune de Martignas-sur-Jalle le 13 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme d'habitations à loyer modéré Vilogia a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a refusé de lui délivrer un permis de construire portant sur l'édification de huit bâtiments abritant 62 logements sociaux sur les parcelles cadastrées section AK n°s 29, 179, 313, 314, 315, 317, 318 et 319, situées 3 avenue Jean Moulin, ainsi que la décision par laquelle il a implicitement rejeté le recours gracieux réceptionné le 23 septembre 2021. La commune de Martignas-sur-Jalle relève appel du jugement du 5 avril 2023 par lequel le tribunal administratif a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité.

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) ".

4. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.

5. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque d'incendie de forêt, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier ce risque en prenant en compte les caractéristiques de la zone du projet et de la construction projetée.

6. En l'espèce, la commune ne conteste pas en appel que les dispositions de l'article 2.3.1 du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt de la commune de Martignas-sur-Jalle, approuvé le 19 août 2010, qui prévoient l'obligation de conserver une bande inconstructible de 50 mètres en état débroussaillé sur la parcelle du projet ne sont pas applicables au projet en litige qui ne constitue pas une des opérations nouvelles d'aménagement visées au titre Ier du Livre III du code de l'urbanisme seules concernées par cette disposition. Elle fait cependant valoir en appel comme en première instance que son refus était justifié au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en l'absence d'une telle zone de protection sur le terrain d'assiette du projet, au motif que le projet est de nature à porter atteinte à la sécurité publique en raison des risques d'incendie liés à la proximité des espaces boisés.

7. Le projet en litige prévoit la construction de huit bâtiments abritant 62 logements sociaux en R+1 sur huit parcelles cadastrées en section AK, d'une surface de plancher totale d'un peu moins de 4 400 m². Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, ancienne parcelle agricole de pâtures, comporte un vieux hangar en bois et est constitué en son centre de prairies, au nord d'un cordon boisé, à l'ouest et au sud de haies en cours d'enfrichement ainsi que d'arbres et arbustes rivulaires le long de la Jalle qui le borde à l'est. Il est situé pour sa majeure partie en zone bleue du plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d'incendies de forêt, définie comme correspondant aux secteurs où les niveaux d'aléa sont acceptables parce que faibles, ou moyens avec une bonne défendabilité. Toutefois, la parcelle AK 179 au sud et la partie est du terrain d'assiette le long de la rivière Jalle sont classées en zone rouge inconstructible de danger d'aléa fort. Il ressort également des pièces du dossier qu'une partie des parcelles situées sur l'autre rive de la Jalle sont également classées en zone rouge, qui correspond à une zone boisée d'une largeur de 40 à 50 mètres à l'est du terrain, de même que les parcelles situées au sud qui s'élargissent pour constituer un massif forestier, composante du massif des Landes de Gascogne, particulièrement exposé au risque incendie, qui ne comporte que quelques constructions isolées le long de l'avenue Jean Moulin. La société pétitionnaire fait valoir que les terrains au sud sont à dominante de prairie et que la zone arborée à l'est est distante de plus de 30 mètres des bâtiments et correspond à la ripisylve de la Jalle qui constitue une zone humide protectrice, de même que les deux crastes qui traversent le terrain d'est en ouest. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si les parcelles au sud comportent effectivement des zones de prairie, elles sont au contact direct du massif boisé et il s'agit d'espaces naturels en friche herbeuse non entretenus qui comportent une végétation abondante et relativement dense d'arbres, de haies et de ronciers, ce qui ne leur permet pas de jouer de rôle de pare-feu ainsi qu'en atteste leur classement en zone rouge. De même, alors que l'étude écologique ne recense que deux petites zones humides au centre du terrain d'assiette, la rivière Jalle et sa ripisylve dense, au demeurant classées également en zone rouge ne peuvent être regardées comme de nature à constituer une zone tampon, de même que les crastes qui n'ont qu'un débit réduit et saisonnier. Ainsi, alors que les caractéristiques du projet s'agissant du nombre et de la densité des constructions ainsi que du public potentiellement exposé sont équivalentes à celles des lotissements ou divisions de propriété objets de l'article 2.3.1 du plan de prévention des risques, que les bâtiments G et H au sud sont implantés directement le long de la zone rouge du PPRI et que le bâtiment B au nord-est n'en est éloigné que d'une vingtaine de mètres au plus, les circonstances dont se prévaut la société d'HLM Vilogia ne sont pas suffisantes pour assurer la protection des personnes et des biens au regard du risque d'incendie existant dans cette zone. Dans ce contexte, au regard des caractéristiques du projet et du niveau de risque, ni la circonstance que la société pétitionnaire se serait engagée à débroussailler avant le début des travaux sur une zone de cinquante mètres autour des constructions neuves, y compris sur les fonds voisins, ni la prescription de l'article 2.1.1 de l'arrêté préfectoral du 11 juillet 2005 annexé au plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt de Martignas-sur-Jalle, imposant une obligation de débroussaillement dans un rayon de cinquante mètres autour des constructions, ne sont suffisantes pour permettre d'assurer avec efficacité la sécurité des personnes et des biens exposés au risque d'incendie. En outre, la société pétitionnaire ne saurait se prévaloir utilement que des zones sont d'ores et déjà construites le long de la zone rouge à l'ouest et à l'est du terrain d'assiette, ni de ce que le projet a été élaboré en concertation avec les services municipaux, ou que d'autres projets de logement collectifs auraient été autorisés en bordure de la zone boisée. Par suite, le projet présenté par la société d'HLM Vilogia doit être regardé comme étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique telle que protégée par les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Il résulte de l'instruction qu'au regard de l'implantation des bâtiments, il n'était pas possible de prévoir des prescriptions spéciales de nature à éviter ce risque. Dès lors, la substitution de motif demandée par la commune ne privant la société pétitionnaire d'aucune garantie procédurale, il y a lieu d'y procéder.

8. Il résulte de l'instruction que ce motif était à lui seul de nature à justifier le refus de permis de construire qui a été opposé à la société d'HLM Vilogia et que la commune aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce seul motif.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la commune de Martignas-sur-Jalle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a refusé de délivrer un permis de construire à la société d'HLM Vilogia, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux réceptionné le 23 septembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société d'HLM Vilogia au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société d'HLM Vilogia le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Martignas-sur-Jalle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100333 du 5 avril 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société d'HLM Vilogia devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : La société d'HLM Vilogia versera à la commune de Martignas-sur-Jalle une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Martignas-sur-Jalle et à la société d'HLM Vilogia

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01457 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01457
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23bx01457 ?
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