Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A..., Mme E... A..., M. C... A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à leur verser la somme de 734 077 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de la destruction par un incendie de leur maison implantée sur la parcelle cadastrée section DE n°16 située 136 avenue de Candau, de leur préjudice moral et du préjudice tiré de la perte de valeur vénale de leur parcelle ainsi que d'enjoindre à cette commune, d'une part, de procéder aux travaux de réparation nécessaires pour faire cesser le risque d'inondation créé sur leur propriété et, d'autre part, de délivrer le permis de construire sollicité par la société Vinci Immobilier Promotion, bénéficiaire d'une promesse de vente de leur propriété.
Par un jugement n°2000897 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, les consorts A..., représentés par Me Cornille, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner la commune de Pessac à verser à l'indivision A... la somme de 734 077 euros en réparation des préjudices subis, sauf à parfaire ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pessac de cesser le blocage de la vente de leur propriété en délivrant le permis de construire sollicité par le bénéficiaire de la promesse de vente ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pessac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que leur demande était irrecevable concernant les refus de permis de construire opposés à la société Vinci Immobilier les 1er mars et 26 octobre 2021 faute d'avoir été mentionnés dans la réclamation préalable dès lors que le fait générateur est la succession de refus systématiques et injustifiés de permis de construire ;
- la responsabilité pour faute de la commune est engagée en raison de la négligence permanente des services communaux dans la sécurité publique aux abords de leur propriété en méconnaissance des articles L. 2122-24, L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités publiques, ce qui a conduit à un incendie en 2018 causé par des squatteurs malgré les précautions prises et les multiples signalements auprès de la mairie ;
- sa responsabilité est également engagée en raison de la succession de refus systématiques et injustifiés opposés aux demandes de permis de construire déposées par le bénéficiaire de la promesse de vente signée en 2014 ; l'arrêté de retrait de permis de construire en date du 26 novembre 2019 est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que le courrier d'information ne mentionnait que 7 motifs d'illégalité et que la décision en comportait 8, que les services ont évoqués de nouveaux motifs de retrait lors de la réunion du 25 novembre 2019 et que le délai imparti n'a pas permis à la pétitionnaire de faire valoir utilement ses arguments ; le seul motif du refus de permis de construire du 1er mars 2021 validé par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n°2101869 aurait pu faire l'objet d'une prescription ; les motifs du refus de permis de construire du 26 octobre 2021 sont infondés et ce permis a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 ;
- cet acharnement de la mairie constitue un détournement de pouvoir dès lors que l'objectif de la mairie était d'acquérir ce terrain à un bas prix sans passer par une procédure d'enquête publique ;
- ces fautes sont à l'origine directe du préjudice de destruction de la maison, qui doit être évalué après reconstruction à l'identique en tenant compte de la vétusté à la somme de 684 077 euros ; le rapport d'expertise produit peut être pris en compte dès lors que la commune a pu le discuter durant l'audience ; la commune ne peut lui opposer la circonstance que la maison sera détruite dans le cadre de la vente de la parcelle dès lors que l'évaluation du préjudice doit être faite en fonction de l'état du terrain à la date de la vente ;
- la commune de Pessac a commis une faute en faisant peser un risque d'inondation sur leur terrain en prétendant le rendre ainsi inconstructible, diminuant ainsi sa valeur ;
- ils ont également subi un préjudice moral du fait de cette situation d'entrave systématique ;
- leur demande d'injonction tendant à ce que la commune de Pessac cesse le blocage de la vente en délivrant une autorisation d'urbanisme doit être accueillie dès lors qu'en cas de recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et lorsque ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, le juge peu en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2022, la commune de Pessac, représentée par Me Ruffié, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'indivision A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande fondée sur les arrêtés de refus de permis de construire des 1er mars et 26 octobre 2021 est irrecevable en l'absence de liaison préalable du contentieux sur ces faits générateurs ;
- la demande indemnitaire, au demeurant non chiffrée, tirée du caractère inondable du terrain est irrecevable en l'absence de demande préalable ;
- la demande d'injonction présentée à titre principal est irrecevable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 30 septembre 2011 portant organisation des circonscriptions de sécurité publique dans le département de la Gironde ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- les observations de Me Baudorre, représentant les consorts A... et de Me Marque, représentant la commune de Pessac.
Considérant ce qui suit :
1. Mmes B... et E... A... et MM. D... et C... A... sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section DE n° 16, située 136 avenue de Candau à Pessac, comportant une maison d'habitation. Le 23 octobre 2019, ils ont adressé une demande préalable à la commune de Pessac tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subi en raison des refus de permis de construire déposés sur cette parcelle par la société Vinci Immobilier et de la carence de la commune dans ses pouvoirs de police pour la sécurisation de leur bien. Cette demande a été rejetée par le maire de Pessac par une décision du 20 décembre 2023. Les consorts A... ont alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Pessac à leur verser la somme de 734 077 euros et à ce qu'il soit enjoint à cette commune de délivrer à la société Vinci Immobilier un permis de construire et de procéder à des travaux de réparation destinés à mettre fin au risque d'inondation. Ils relèvent appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.
Sur les fautes invoquées de la commune :
En ce qui concerne les carences dans l'exercice du pouvoir de police générale du maire :
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage. / Dans ces mêmes communes, l'Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes. / Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ".
3. Il résulte de l'arrêté du 30 septembre 2011 portant organisation des circonscriptions de sécurité publique dans le département de la Gironde publié au Journal officiel de la République du 2 octobre 2011 que la police est étatisée sur le territoire de la commune de Pessac, et que dès lors, le préfet de la Gironde exerce le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage.
4. D'une part, les troubles invoqués par les requérants tirés du cambriolage de leur bien, de sa vandalisation, de son occupation irrégulière et de son incendie le 18 mai 2018, du fait selon eux de squatteurs, ne relèvent pas des pouvoirs de police du maire mentionnés au 1° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales qui ne concernent que les troubles sur la voie publique. Ils ne constituent pas davantage des troubles de voisinage qui seuls relèvent de la compétence du maire de Pessac ainsi qu'il a été dit au point 3.
5. D'autre part, les dispositions du 5° de cet article n'ont pas pour objet de prévenir les incendies à l'intérieur d'une propriété privée dans l'hypothèse où, comme le font valoir en l'espèce les requérants, ils sont d'origine délictuelle. A cet égard, et quand bien même les requérants ont informé les services municipaux des difficultés qu'ils rencontraient et notamment de la présence de squatteurs sur leur propriété, les pouvoirs de police du maire n'incluent pas la possibilité de faire cesser de tels agissement, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que les requérants n'ont présenté aucune demande spécifique d'assistance auprès des services de la commune et que la sécurité d'un bien inoccupé relève de la responsabilité de son propriétaire. En outre, il résulte également de l'instruction que la commune a assuré le suivi qui lui incombait dans le cadre de la distribution des secours et des mesures d'assistance lors de la survenance de cet incendie.
6. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Pessac en s'abstenant de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux de police administrative doit être écarté.
En ce qui concerne les refus de permis de construire :
7. En premier lieu, une éventuelle illégalité de l'arrêté de retrait du permis de construire du 26 novembre 2019 et des arrêtés de refus de permis de construire des 1er mars 2021 et 26 octobre 2021 ne présenterait en tout état de cause aucun lien de causalité direct et certain avec le préjudice invoqué tiré de la destruction de la maison située sur la parcelle dont les requérants sont propriétaires qui est intervenu le 18 mai 2018, très antérieurement à ces décisions.
8. En deuxième lieu, en admettant que cet incendie, dont l'origine est inconnue mais qui selon les requérants est le fait de squatteurs, serait en lien avec l'allongement du délai de vente du fait des refus de permis de construire antérieurs, les consorts A... n'articulent aucun grief à l'encontre du refus de de permis de construire du 18 mai 2015, ni à l'encontre du sursis opposé à la demande de déclaration préalable valant demande de division du terrain le 5 septembre 2016. Enfin, le fait que la décision de sursis opposée le 2 février 2017 ait été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 9 juillet 2020 à la suite d'une substitution de motifs demandée par la commune en cours d'instance n'est pas de nature à établir son illégalité. Par ailleurs, le détournement de pouvoir qui résulterait d'une volonté de la commune d'acquérir tout ou partie de ce terrain à bas prix n'est pas établi par la seule évocation d'un projet d'achat dans un compte-rendu de l'assemblée générale de l'association de quartier de février 2020, alors en outre qu'il résulte de l'instruction que c'était auparavant Bordeaux Métropole qui avait envisagé d'acheter ce terrain pour réaliser un bassin d'étalement, ni par le fait qu'il aurait été envisagé d'instaurer une protection contre le risque inondation sur une partie de la parcelle au vu d'une étude hydraulique réalisé en avril 2019.
9. En troisième lieu, la faute tirée de ce que la commune de Pessac aurait à tort fait peser un risque d'inondation sur le terrain, fait générateur qui n'est au demeurant pas invoqué dans la demande préalable, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. En quatrième lieu, si les requérants se prévalent d'un préjudice moral du fait du délai de près de sept ans durant lequel ils n'ont pas pu vendre leur propriété en raison selon eux de l'illégalité des refus qui ont été opposés aux demandes de la société Vinci Immobilier, ainsi qu'il a été dit, aucun élément n'est de nature à établir que les refus et sursis à statuer opposés par la commune de Pessac les 18 mai 2015, 5 septembre 2016 et 2 février 2017 auraient été illégaux. En l'absence de production de la promesse de vente conclue avec la société Vinci Immobilier, les requérants n'établissent pas qu'ils étaient dans l'obligation de la proroger après ces premiers refus et que le retard dans la réalisation de cette vente serait ainsi imputable aux refus de permis de construire postérieurs et non à leur choix de poursuivre les négociations avec la société Vinci. En outre, les allégations des requérants selon lesquelles l'arrêté du 26 novembre 2019 de retrait du permis de construire tacite obtenu par la société Vinci Immobilier le 27 août 2019 serait intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il en est de même du moyen tiré de ce que, s'agissant de l'arrêté de refus du 1er mars 2021, le seul motif de refus validé par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mars 2022, tiré du défaut de sécurité sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de la longueur du couloir en R+ 2 aurait pu faire l'objet d'une prescription. Par ailleurs, la circonstance que le refus de permis de construire du 26 octobre 2021 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 n'est pas de nature à faire regarder les refus antérieurs comme fautifs dès lors que le pétitionnaire a fait évoluer son projet. Enfin, le délai très court de sept mois qui s'est écoulé entre ce refus et son annulation avec injonction de délivrance d'un permis de construire par le tribunal ne saurait être regardé comme un retard indemnisable au titre du préjudice moral. Par suite, les demandes des requérants tendant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice moral ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.
12. Il résulte de ce qui précède, et en tout état de cause, qu'en l'absence de comportement fautif imputable à la commune de Pessac, il n'y a pas lieu de prononcer à son encontre une injonction de délivrer un permis de construire à la société Vinci Immobilier, qui au demeurant est titulaire d'un permis à la suite de l'annulation par le jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux du refus qui lui a été opposé le 26 octobre 2021, qui enjoint à la commune de Pessac de délivrer le permis demandé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pessac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les consorts A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des consorts A... versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Pessac.
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.
Article 2 : Les consorts A... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Pessac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., Mme E... A..., M. D... A..., M. C... A... et à la commune de Pessac.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22BX01382