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03/07/2024 | FRANCE | N°22BX02203

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX02203


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Sunzil Caraïbes à lui verser la somme de 90 560 euros en réparation du préjudice financier résultant des défaillances dans ses prestations d'entretien et de maintenance de la centrale photovoltaïque installée sur le bâtiment de l'unité de traitement et de valorisation des déchets (UTVD) qui lui ont été confiées par un marché p

ublic de prestation de services du 9 août 2013. Par des conclusions reconventionnelles, la CAC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Sunzil Caraïbes à lui verser la somme de 90 560 euros en réparation du préjudice financier résultant des défaillances dans ses prestations d'entretien et de maintenance de la centrale photovoltaïque installée sur le bâtiment de l'unité de traitement et de valorisation des déchets (UTVD) qui lui ont été confiées par un marché public de prestation de services du 9 août 2013. Par des conclusions reconventionnelles, la CACEM a demandé au tribunal de condamner la société Sunzil Caraïbes à lui verser la somme de 82 673 euros correspondant au paiement des factures de maintenance préventive.

Par un jugement n° 2100241 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la société Sunzil Caraïbes à verser à la CACEM la somme de 90 560 euros, et a condamné la CACEM à verser à la société Sunzil Caraïbes, d'une part la somme de 5 018,13 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 18 mai 2015, d'autre part la somme de 9 032,62 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 19 novembre 2018, ainsi qu'une somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement des deux factures litigieuses.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2022 et des mémoires enregistrés le 12 octobre 2022 et le 2 avril 2023, la société Sunzil Caraïbes, représentée par Me Cheval, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 9 juin 2022 ;

2°) de condamner la CACEM à lui verser la somme de 22 581,55 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 18 mai, la somme de 20 072,50 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 19 novembre 2018, la somme de 20 072,50 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 19 novembre 2018, ainsi que la somme de 120 euros au titre des frais de recouvrement des trois factures correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la CACEM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel comporte bien une critique du jugement ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- il est également irrégulier dans la mesure où il ne fait pas mention des notes en délibéré produites par les parties ;

- ses conclusions reconventionnelles sont recevables ;

- la prescription n'est acquise pour aucune des sommes qu'elle réclame ;

- elle a bien réalisé l'ensemble des prestations pour les trois années d'exécution du marché ; si elle n'a pu retrouver les justificatifs, la bonne exécution des prestations se déduit du comportement de la CACEM, qui ne lui pas adressé de réclamations ou de mises en demeure durant toute la durée d'exécution du marché ; les visites de contrôle ont bien été effectuées ; les comptes-rendus de maintenance curative n'ont été possibles que grâce à la maintenance préventive : sans la surveillance à distance par monitoring et sans réalisation effective des visites de contrôle sur site, il n'aurait pas été possible d'identifier les besoins de maintenance et d'organiser la main-d'œuvre de cette maintenance ; elle est donc fondée à demander le paiement des factures ;

- elle a droit aux intérêts moratoires et aux frais de recouvrement.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2023, la CACEM, représentée par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car elle ne comporte pas de critique du jugement ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique ;

- les observations de Me Lecourt, représentant la société Sunzil Caraïbes ;

- et les observations de Me Grail, représentant la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM).

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 9 août 2013, la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a confié à la société Sunzil Caraïbes l'entretien et la maintenance d'une centrale photovoltaïque de production d'électricité destinée à la vente, installée sur les toits de l'unité de traitement et de valorisation des déchets de Fort-de-France, pour la période du 30 septembre 2013 au 30 septembre 2016. En raison d'une disjonction de la centrale photovoltaïque survenue le 9 mai 2016, que la société Sunzil Caraïbes n'a pas détectée du fait d'une défaillance de ses équipements de télégestion, la production d'électricité a été interrompue jusqu'à la remise en service de la centrale, le 31 août 2016. La CACEM a demandé au tribunal administratif de la Martinique, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de condamner la société Sunzil Caraïbes à lui verser une indemnité de 90 560 euros en réparation du préjudice subi. Par des conclusions reconventionnelles, la société Sunzil Caraïbes a demandé au tribunal de condamner la CACEM à lui verser la somme de 82 673,18 euros en paiement de factures non réglées. Par un jugement n° 2100241 du 9 juin 2022, le tribunal a, d'une part, condamné la société Sunzil Caraïbes à verser à la CACEM la somme réclamée par celle-ci et a, d'autre part, condamné la CACEM à verser une somme totale de 14 050,75 euros en principal à la société Sunzil Caraïbes, laquelle relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses conclusions reconventionnelles.

Sur la régularité jugement attaqué :

2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance transmis à la cour par le tribunal administratif de la Martinique comporte les signatures du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur et du greffier d'audience, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que ces signatures ne figuraient pas sur l'ampliation adressée à la société requérante est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. En second lieu, la minute du jugement, dont les mentions font foi, comporte également le visa des notes en délibéré présentées par la CACEM le 2 juin 2022 et par la société Sunzil Caraïbes le 3 juin 2022. Ainsi, alors même que ces visas n'apparaissent pas sur la version du jugement adressée aux parties, il ne résulte pas de l'instruction qu'aient été méconnues en l'espèce les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en vertu desquelles la décision de justice doit porter mention de la production d'une note en délibéré. Le moyen soulevé en ce sens doit par suite être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. La société Sunzil Caraïbes, qui ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il la condamne à verser une somme de 90 560 euros à la CACEM en réparation du préjudice subi par cet établissement public à la suite de la disjonction de la centrale photovoltaïque survenue le 9 mai 2016, se plaint en revanche de ce que le tribunal a estimé que la CACEM ne lui était pour sa part redevable que d'une somme de 14 050,75 euros en principal au titre de factures impayées. La société appelante reproche en effet à la CACEM de ne pas avoir procédé au règlement des factures n° 79310 du 3 décembre 2014, d'un montant de 22 581,56 euros toutes taxes comprises (TTC), n° 81920 du 8 octobre 2018 d'un montant de 20 072,50 euros TTC, et n° 819921 du 8 octobre 2018, d'un même montant de 20 072,50 euros TTC.

5. Il résulte de l'acte d'engagement conclu entre les parties le 5 juillet 2013 qu'il incombait à la société Sunzil Caraïbes d'assurer la maintenance préventive du site pour un montant global et forfaitaire annuel de 20 072,50 euros TTC, se décomposant en une prestation de télésurveillance pour un montant de 6 021,75 euros TTC, deux visites de contrôle pour un montant de 5 018,13 euros TTC, et une campagne de nettoyage pour un montant de 9 032,62 euros TTC. Cet acte prévoyait en outre qu'en cas de visite de contrôle supplémentaire celle-ci serait facturée 2 509,06 euros TTC et que les interventions et réparations au titre de la maintenance curative feraient l'objet de devis séparés.

6. Aux termes de l'article 25 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG FCS) dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 19 janvier 2009, applicable au marché en litige : " [...] 25. 3. Réfaction : Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que des prestations, sans être entièrement conformes aux stipulations du marché, peuvent néanmoins être admises en l'état, il peut les admettre avec réfaction de prix proportionnelle à l'importance des imperfections constatées. Cette décision doit être motivée. Elle ne peut être notifiée au titulaire qu'après qu'il a été mis à même de présenter ses observations. [...] 25.4. Rejet : / 25.4.1. Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que les prestations ne peuvent être admises en l'état, il en prononce le rejet partiel ou total. La décision de rejet doit être motivée. Elle ne peut être prise qu'après que le titulaire a été mis à même de présenter ses observations. / 25.4.2. En cas de rejet, le titulaire est tenu d'exécuter à nouveau la prestation prévue par le marché. / [...] " .

7. Ainsi que le fait valoir la société Sunzil sans être contredite, alors que le marché était conclu pour un prix global et forfaitaire annuel pour des prestations de maintenance préventive incluant la télésurveillance, deux visites de contrôle et une campagne de nettoyage, la CACEM n'a jamais, durant les trois années d'exécution du marché, appelé l'attention du titulaire sur le non-respect de ses obligations contractuelles, ni ne l'a mis en demeure de réaliser les prestations prévues au contrat au constat du défaut de mise en œuvre de celles-ci. Elle ne l'a pas davantage mise en garde sur une éventuelle application de réfactions ou d'un rejet des prestations en application des dispositions précitées du CCAG FCS, ou sur l'infliction des pénalités prévues par l'article 7 du CCAP du marché en cas de non-respect du calendrier des visites de contrôles. Par ailleurs, alors que l'article 4 de ce même CCAP relatif à la prestation de maintenance préventive ne prévoyait pas la remise au pouvoir adjudicateur de comptes-rendus de télésurveillance, la société requérante, qui produit en revanche des fiches d'intervention de prestations de dépannage et réparation, relève à juste titre que celles-ci n'ont pu avoir lieu qu'en conséquence d'une télésurveillance effective. En outre, si la société Sunzil Caraïbes n'a pas détecté la disjonction de la centrale photovoltaïque entre les mois de mai et août 2016, ce qui a conduit le tribunal à la condamner au titre de sa responsabilité contractuelle à payer une indemnité de 90 560 euros à la CACEM, cette dernière ne conteste pas l'affirmation du titulaire du marché selon laquelle ce défaut de détection était dû à un dysfonctionnement du système de monitoring qu'elle n'était pas en mesure de déceler, et il ne peut donc s'en déduire pour autant une absence de réalisation de la prestation de télésurveillance durant la période considérée. Dans ces conditions, rien ne permet de présumer d'une absence de service fait, quand bien même la société Sunzil Caraïbes n'a été en mesure de produire que deux comptes-rendus de visites de contrôle des 10 et 18 février 2014 au titre de la période du 30 septembre 2013 au 30 septembre 2014, ainsi que des photographies attestant de l'accomplissement de la campagne de nettoyage annuelle au titre de la période du 30 septembre 2015 au 30 septembre 2016.

8. Il suit de ce qui précède que la société prestataire est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à ses demandes à hauteur de 22 581,56 euros TTC au titre de la facture n° 79310 du 3 décembre 2015, et de 20 072,50 euros TTC au titre de chacune des factures n° 81920 et n° 81921 du 8 octobre 2018.

9. Il résulte de l'instruction que la CACEM a réceptionné le 17 avril 2015 la facture n° 79310 du 3 décembre 2015, et a réceptionné le 18 octobre 2018 les factures n° 81920 et n° 81921 du 8 octobre 2018. Compte tenu du délai de trente jours imparti à la CACEM pour procéder au paiement des sommes facturées en application des dispositions des articles 1er et 2 du décret susvisé du 29 mars 2013, la société Sunzil Caraïbes a droit aux intérêts moratoires à compter du 18 mai 2015 s'agissant de la somme de 22 581,56 euros, et à compter du 19 novembre 2018 s'agissant de la somme de 40 145 euros.

10. La société Sunzil Caraïbes a droit en outre, pour chacune des trois factures concernées, au versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros prévue par les dispositions de l'article 40 de la loi du 28 janvier 2013 et du décret du 29 mars 2013, soit un total de 120 euros.

Sur les frais de l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CACEM une somme de 1 500 euros à verser à la société Sunzil Caraïbes au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La CACEM est condamnée à verser à la société Sunzil Caraïbes une somme de 22 581,56 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 mai 2015, une somme de 40 145 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 19 novembre 2018, ainsi qu'une somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement des trois factures litigieuses.

Article 2 : Le jugement n° 2100241 du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La CACEM versera à la société Sunzil Caraïbes une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sunzil Caraïbes et à la communauté d'agglomération du centre de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02203
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CHEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx02203 ?
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