La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°22BX02128

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX02128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 octobre 2020 l'informant qu'il était redevable d'une somme de 5 877,57 euros au titre des majorations d'indemnité de fonction indûment perçues pour la période d'octobre 2016 à juillet 2020, le titre de recettes émis par la commune de Saint-Benoît le 27 avril 2021 en vue du paiement d'une somme 5 877,57 euros et la décision rejetant implicitement son recours gra

cieux.



Par un jugement n° 2100771 du 4 mai 2022, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 octobre 2020 l'informant qu'il était redevable d'une somme de 5 877,57 euros au titre des majorations d'indemnité de fonction indûment perçues pour la période d'octobre 2016 à juillet 2020, le titre de recettes émis par la commune de Saint-Benoît le 27 avril 2021 en vue du paiement d'une somme 5 877,57 euros et la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n° 2100771 du 4 mai 2022, le tribunal administratif de La Réunion a annulé le titre de recettes émis le 27 avril 2021 par la commune de Saint-Benoît ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A..., a mis à la charge de la commune de Saint-Benoît une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2022 et 23 février 2024, la commune de Saint-Benoît, représenté par Me Moutouallaguin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mai 2022 du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il a annulé le titre de recettes émis le 27 avril 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, est irrégulier ; le tribunal ayant retenu l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le courrier d'information du 16 octobre 2020, il aurait dû rejeter comme irrecevables celles dirigées contre le rejet implicite du recours gracieux formé, non pas à l'encontre du titre de recettes, mais à l'encontre du courrier du 16 octobre 2020 ;

- le tribunal ne pouvait considérer, à la fois, que la délibération du 24 octobre 2020 ne procédait pas au retrait des décisions de versement des indemnités doublement majorées, et que le titre de recettes pris en exécution de cette délibération procédait pour sa part à un tel retrait ; les premiers juges ont nié le lien existant entre la délibération du 24 octobre 2020 et le titre de recettes en litige, adoptés à la suite des préconisations de la chambre régionale des comptes ; la délibération du 24 octobre 2020, qui revêt un caractère décisoire en ce qu'elle acte le remboursement du trop-versé sur 4 ans, n'ayant pas été contestée, la demande d'annulation du titre de recettes, fondé sur cette délibération et qui constitue une simple mesure de liquidation, devait être rejetée ;

- le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du 24 octobre 2020, est irrecevable, faute de saisine de la juridiction financière dans les délais impartis ;

- la délibération du 24 octobre 2020 n'a pas instauré une recette irrégulière mais un produit exceptionnel résultant de la créance détenue par la commune sur les anciens élus.

Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Cafarelli, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Saint-Benoît d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la commune de Saint-Benoît ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris ;

- et les observations de Me Lafond substituant Me Lantero, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 3 novembre 2014 relative aux indemnités des élus du conseil municipal, la commune de Saint-Benoît a appliqué aux indemnités de fonctions du maire et des adjoints une majoration de 20% au titre de commune chef-lieu d'arrondissement et une majoration de 15% au titre de commune chef-lieu de canton. Par un avis du 17 septembre 2020, la chambre régionale des comptes de la Réunion, saisie par le préfet de la Réunion en application de l'article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales, a notamment proposé à la commune de Saint-Benoît de mettre un terme au dispositif de double majoration des indemnités de fonctions du maire et des adjoints, lequel méconnaissait les dispositions de l'article L. 2123-22 alinéa 1er dudit code, et de solliciter le remboursement des indemnités illégalement perçues par les élus jusqu'en juillet 2020. Par une délibération du 24 octobre 2020, la commune de Saint-Benoit a adopté son budget pour l'exercice budgétaire 2020 en tenant compte des préconisations de l'avis de la chambre régionale des comptes de la Réunion.

2. Par un courrier du 16 octobre 2020, le maire de Saint-Benoît a indiqué à M. A... que le dispositif de cumul des majorations d'indemnités de fonctions étant illégal, il l'invitait à procéder au remboursement d'une somme totale de 5 877,57 euros correspondant à la majoration de 15 % appliquée à ses indemnités mensuelles de fonctions d'octobre 2016 à juillet 2020, et l'a informé qu'un titre de recettes serait prochainement émis à son encontre en vue du paiement de cette somme. M. A... a formé le 26 octobre 2020 un recours gracieux, qui a été implicitement rejeté. Un premier titre de recettes a été émis le 17 novembre 2020 à l'encontre de M. A... en vue du paiement de ladite somme de 5 877,57euros. Ce titre a été annulé et remplacé par un nouveau titre de recettes du 27 avril 2021.

3. M. A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 octobre 2020, la décision rejetant implicitement son recours gracieux et le titre de recettes émis par la commune de Saint-Benoît le 27 avril 2021 en vue du paiement d'une somme 5 877,57euros. Par un jugement du 4 mai 2022, le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 avril 2020 au motif qu'il ne revêtait pas un caractère décisoire et a annulé le titre de recettes du 27 avril 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A.... La commune de Saint-Benoît relève appel de ce jugement en ce qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. A....

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a, dans les motifs du jugement, annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... par voie de conséquence de l'annulation du titre de recettes en litige, puis, dans le dispositif du jugement, prononcé cette annulation. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune appelante, le jugement n'est pas entaché d'une contrariété entre ses motifs et son dispositif.

5. En second lieu, la commune de Saint-Benoît fait valoir que le recours gracieux formé par M. A... le 26 octobre 2020 était dirigé contre le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 octobre 2020, de sorte que le tribunal aurait dû rejeter comme irrecevables les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du rejet implicite de ce recours gracieux. Toutefois, ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... :

6. Ainsi que le soutient la commune de Saint-Benoît, le recours gracieux formé par M. A... le 26 octobre 2020, soit avant l'émission d'un titre de recettes, était dirigé contre le courrier du maire de Saint-Benoît du 16 octobre 2020. Or, et ainsi que l'a relevé le tribunal, ce courrier ne revêtant pas un caractère décisoire, les conclusions de M. A... tendant à son annulation étaient irrecevables. Il s'ensuit que les conclusions de première instance de M. A... tendant à l'annulation du rejet de son recours gracieux étaient, elles aussi, irrecevables, et ne pouvaient ainsi qu'être rejetées.

En ce qui concerne le titre de recettes émis le 27 avril 2021 :

7. Aux termes de l'article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'adoption de la délibération de la commune de Saint-Benoît du 3 novembre 2014 : " Peuvent voter des majorations d'indemnités de fonction par rapport à celles votées par le conseil municipal dans les limites prévues par l'article L. 2123-, par le I de l'article L. 2123-24 et par le I de l'article L. 2123-24-1 les conseils municipaux : 1° Des communes chefs-lieux de département et d'arrondissement ainsi que des communes sièges du bureau centralisateur du canton ou qui avaient la qualité de chef-lieu de canton avant la modification des limites territoriales des cantons prévues en application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral ".

8. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage.

9. Ainsi qu'il a été dit, la délibération du 3 novembre 2014 de la commune de Saint-Benoît a institué un dispositif de double majoration de l'indemnité de fonctions au profit du maire et des adjoints. En application de cette délibération, M. A... a perçu, à raison de ses fonctions d'adjoint, une indemnité majorée entre 2016 et 2020. Dans ces circonstances, les versements de cette indemnité majorée à M. A..., qui ne sauraient résulter d'une simple erreur de liquidation ou de paiement de la part de l'administration, ont créé des droits à son profit. Contrairement à ce que soutient la commune appelante, sa délibération du 24 octobre 2020 relative à l'adoption du budget communal n'a eu, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de rapporter la délibération du 3 novembre 2014. En revanche, le titre de recettes émis le 27 avril 2021 à l'encontre de M. A..., qui porte sur le remboursement des sommes versées en application de la délibération du 3 novembre 2014, emporte implicitement mais nécessairement retrait des décisions, créatrices de droits, d'attribution de l'indemnité majorée à l'intéressé. En application des dispositions citées au point 8, l'intervention de ce retrait au-delà du délai de quatre mois rend illégal le titre de recettes en litige.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Benoît est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 26 octobre 2020 par M. A....

Sur les frais liés au litige :

11. La commune de Saint-Benoît ayant, pour l'essentiel, la qualité de partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint-Benoît une somme de 300 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100771 du 4 mai 2022 du tribunal administratif de La Réunion est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé le 26 octobre 2020 par M. A....

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif dirigées contre la décision implicite portant rejet de son recours gracieux du 26 octobre 2020 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint-Benoît est rejeté.

Article 4 : La commune de Saint-Benoît versera à M. A... une somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Benoît et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02128
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MOUTOUALLAGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx02128 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award