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03/07/2024 | FRANCE | N°22BX01783

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX01783


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et neuf autres personnes ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler le courrier du 4 novembre 2020 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a sollicité auprès du préfet de la Martinique l'établissement, sur la parcelle cadastrée section D n° 1379 sise au Lorrain, d'une servitude de passage au profit de la collectivité territoriale de Martinique afin d'implanter une canalisation d'eau potab

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et neuf autres personnes ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler le courrier du 4 novembre 2020 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a sollicité auprès du préfet de la Martinique l'établissement, sur la parcelle cadastrée section D n° 1379 sise au Lorrain, d'une servitude de passage au profit de la collectivité territoriale de Martinique afin d'implanter une canalisation d'eau potable et de réaliser des travaux de rétablissement du réseau, d'autre part, d'annuler la décision, révélée par ce courrier du 4 novembre 2020, par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a décidé de ne pas exécuter la délibération n° 20-121-1 du 11 juin 2020 par laquelle de l'assemblée de Martinique a approuvé la conclusion et la signature d'un protocole transactionnel prévoyant l'acquisition par la collectivité territoriale de Martinique de la parcelle concernée.

Par un jugement n° 2000695 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Martinique a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique portant refus d'exécuter la délibération de l'assemblée de Martinique du 11 juin 2020 ainsi qu'au prononcé d'une d'injonction et a rejeté le surplus de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 12 janvier et 10 mars 2023, M. C..., représenté par Mes de Thore et Especel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil exécutif l'assemblée de Martinique du 4 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- la qualité pour agir en appel s'apprécie à la date d'introduction de la requête de première instance ;

- la décision du 4 novembre 2020 a été, au moins partiellement, exécutée et cette décision n'a pas été retirée ni entièrement abrogée ; en outre, la compétence du président du conseil exécutif pour prendre cette décision devait être examinée ;

- en tant qu'elle demande la mise en œuvre d'une procédure d'institution d'une servitude, cette décision n'est pas un acte préparatoire insusceptible de recours ;

- cette décision méconnait le caractère définitif et exécutoire des délibérations de l'assemblée de la Martinique et l'obligation qui incombe au président du conseil exécutif de les exécuter ;

- la demande d'instauration d'une servitude de passage a été initiée par une autorité incompétente et en méconnaissance des dispositions de l'article R. 152-1 du code rural et de la pêche ;

Par des mémoires enregistrés les 28 septembre 2022 et 2 février 2023, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par Me Matutano, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est irrecevable dès lors que l'appelant n'a pas qualité pour faire appel et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu :

- le code rural et de la pêche ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Especel, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Un glissement de terrain survenu lors d'un épisode de pluies abondantes en 2012 a provoqué, sur la parcelle cadastrée section D n° 1379 de la commune du Lorrain (Martinique), la rupture d'une canalisation d'eau potable reliant l'unité de production de la rivière Capot au lieu-dit Séguineau. Par deux délibérations n°s 20-118-1 et 20-121-1 des 6 mai 2020 et 11 juin 2020, l'assemblée de Martinique a approuvé la conclusion et la signature avec le propriétaire de la parcelle concernée d'un protocole transactionnel prévoyant l'acquisition de cette parcelle par la collectivité territoriale de Martinique, moyennant le versement d'une indemnité de 225 000 euros. Par une lettre du 4 novembre 2020, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a sollicité auprès du préfet de la Martinique l'édiction d'un arrêté instituant une servitude pour l'implantation d'une canalisation d'eau potable sur la parcelle afin de pouvoir réaliser les travaux de réparation du réseau. M. C... et neuf autres personnes ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la servitude considérée, d'autre part, d'annuler la décision du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique, révélée par cette lettre, de ne pas exécuter la délibération n° 20-121-1 de l'assemblée de Martinique du 11 juin 2020. M. C... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses demandes tendant à l'annulation de cette décision et au prononcé d'une d'injonction, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. " Il résulte de ces dispositions que le droit de former appel des décisions de justice est ouvert aux personnes qui ont été parties à l'instance sur laquelle la décision qu'elles attaquent a statué. En l'espèce, M. C... est l'un des auteurs de la demande sur laquelle le tribunal administratif de la Martinique s'est prononcé par le jugement attaqué du 7 avril 2022 et il n'est pas contesté qu'il disposait, en sa qualité de premier vice-président de l'assemblée de Martinique, d'un intérêt pour agir à la date d'enregistrement de cette demande. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce qu'il avait perdu cette qualité à la date d'enregistrement de sa requête d'appel, et n'était dès lors pas recevable à relever appel de ce jugement, doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des articles 1er et de 2 de la délibération de l'assemblée de Martinique n° 20-121-1 du 11 juin 2020, un protocole transactionnel a été signé le 17 septembre 2021, soit postérieurement à l'introduction de la requête de première instance, entre le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique et le propriétaire de la parcelle cadastrée section D n° 1379. Ce protocole d'accord prévoit notamment le transfert de la parcelle en pleine propriété à la collectivité territoriale de Martinique moyennant le versement d'une indemnité totale de 225 000 euros. La signature de ce protocole valant ainsi exécution des articles 1er et 2 de la délibération du 11 juin 2020, le président de la collectivité territoriale de la Martinique doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement non pas abrogé mais retiré la décision implicite de ne pas exécuter cette même délibération qu'il avait précédemment prise et qui a été révélée par sa lettre du 4 novembre 2020, quand bien même cette décision aurait reçu un commencement d'exécution. Cette décision de retrait était devenue définitive à la date du jugement attaqué, faute d'avoir été contestée dans un délai raisonnable. Par suite, à cette date, les demandes de M. C... tendant à l'annulation de la décision initiale portant refus d'exécuter la délibération du 11 juin 2020 et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique d'exécuter sans délai cette délibération, étaient devenues sans objet.

5. En second lieu, en tant qu'elle sollicite auprès du préfet de la Martinique l'institution d'une servitude pour l'établissement d'une canalisation d'eau potable sur la parcelle D 1379 sur le fondement des dispositions de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche, la lettre du 4 novembre 2020 du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique constitue une simple mesure préparatoire d'un éventuel arrêté préfectoral instituant une telle servitude, lequel ne pourrait d'ailleurs intervenir qu'au vu du rapport établi par un commissaire enquêteur après enquête préalable, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R.152-5 du même code. Par suite, ce courrier n'est pas constitutif d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions afférentes à la décision évoquée au point 4 du présent arrêt et ont rejeté comme irrecevables le surplus de ses demandes présentées devant eux. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M A... C... et à la collectivité territoriale de Martinique.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Manuel B...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01783 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01783
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ESPECEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx01783 ?
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