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03/07/2024 | FRANCE | N°22BX01310

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX01310


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société SE d'Electricité et de Chauffage (SEEC) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les titres exécutoires n°s 000593, 000542, 000543 et 000544 émis à son encontre par l'office public de l'habitat de l'Indre (OPAC 36) et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes.



Par un jugement n° 1901124 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé le titre exécutoire n° 000593 émis le 25 juillet 2018 en vue

du recouvrement d'une somme de 42 534,58 euros, a déchargé la société SEEC de l'obligation de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SE d'Electricité et de Chauffage (SEEC) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les titres exécutoires n°s 000593, 000542, 000543 et 000544 émis à son encontre par l'office public de l'habitat de l'Indre (OPAC 36) et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1901124 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé le titre exécutoire n° 000593 émis le 25 juillet 2018 en vue du recouvrement d'une somme de 42 534,58 euros, a déchargé la société SEEC de l'obligation de payer cette somme et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2022 et un mémoire enregistré le 17 juin 2024, l'OPAC 36, représenté par la société d'avocat FIDAL, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 mars 2022, subsidiairement de le réformer en tant qu'il n'a pas entièrement rejeté les demandes de la société SEEC ;

2°) de mettre à la charge de la société SEEC une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le recours contentieux formé par la société SEEC devant le tribunal était tardif dès lors que cette société n'a pas saisi le tribunal d'instance ainsi qu'indiqué par erreur sur les titres exécutoires concernés ;

- la créance correspondant au titre exécutoire annulé était certaine et exigible dès lors qu'un décompte de liquidation provisoire avait été établi.

Par un mémoire enregistré le 16 juin 2023, la société P.B. Participations, venant aux droit et obligations de la société SEEC, représentée par Me Woloch conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'OPAC 36 au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que sa requête de première instance n'est pas tardive dès lors que les titres exécutoires ne lui ont pas été notifiés à une date certaine et que le montant de la créance n'était pas certain dès lors que le décompte de liquidation n'était pas définitif.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n°87-1099 du 30 décembre 1987

- le décret n°87-1100 du 30 décembre 1987 ;

- le décret n° 2008-836 du 22 août 2008 ;

- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;

- la circulaire du 19 novembre 2009 relative aux modalités d'application de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Jambu-Merlin, représentant l'office public de l'habitat de l'Indre (OPAC 36).

Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat de l'Indre (OPAC 36) a confié à la société SE d'Electricité et de Chauffage (SEEC) le lot n° 13 " électricité " d'un marché relatif à la construction de trente-cinq logements à Issoudun (Indre). Par une décision du 20 mars 2018, l'OPAC 36 a procédé à la résiliation de ce marché aux frais et risques de la société SEEC. Un marché de substitution a été conclu le 26 mars suivant avec la société EMB Mitterand. L'OPAC 36 a adressé un décompte de liquidation à la société SEEC dès le 30 avril 2018 pour un montant total de 52 176,92 euros hors taxe. Les 4 et 25 juillet 2018, l'OPAC 36 a émis quatre titres exécutoires correspondant aux différentes sommes figurant au débit de la société SEEC dans ce décompte. L'OPAC 36 relève appel du jugement du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé le titre exécutoire n° 000593 émis le 25 juillet 2018 en vue du recouvrement d'une somme de 42 534,58 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été

fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. En l'occurrence, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'OPAC 36 n'est pas en mesure d'établir la date à laquelle elle a notifié à la société SEEC le titre exécutoire en litige émis le 25 juillet 2018. Par suite, l'OPAC 36 n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance enregistrée le 24 juin 2019 par le greffe du tribunal administratif de Limoges n'aurait pas été exercée dans le délai de recours contentieux ni, a fortiori, dans un délai raisonnable, et qu'elle serait dès lors irrecevable.

5. En second lieu, aux termes de l'article 47.2.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché conclu entre la société SEEC et l'OPAC 36 : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. ". L'article 47.2.3. du même cahier prévoit que : " Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur. ".

6. Le titre exécutoire du 25 juillet 2018 a été émis en vue du recouvrement de la somme correspondant au supplément des dépenses résultant pour l'OPAC 36 de la passation d'un marché de substitution aux frais et risques de la société SEEC, telles qu'elles figurent sur le document intitulé " point financier " en date du 30 avril 2018. Toutefois, à cette dernière date, l'exécution du marché de substitution, d'un montant supérieur au marché initial et d'une durée contractuelle de seize mois concernant sa tranche ferme, n'avait pas encore débuté. En application des dispositions précitées de l'article 47.2.3 du cahier des clauses administratives générales, ce document, intervenu avant le règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux, ne pouvait tenir lieu de décompte de liquidation établi à titre définitif, ainsi qu'en convient au demeurant l'OPAC 36 dans ses écritures.

7. Cet office soutient néanmoins qu'en dépit de son intitulé, ce document présentait le caractère d'un décompte de liquidation provisoire au sens des mêmes dispositions de l'article 47.2.3. Toutefois, les dispositions de cet article permettent seulement au maitre de l'ouvrage d'établir un décompte de liquidation provisoire du marché partiellement exécuté et résilié, et non du marché de substitution. Au surplus, l'OPAC 36 n'établit ni même ne soutient qu'à la date à laquelle ce document a été établi elle s'était acquittée de la somme y figurant auprès de la société EMB Mitterrand, attributaire du marché de substitution, et que la société SEEC avait reconnu lui en être redevable à raison de son incapacité à réaliser les travaux contractuellement à sa charge. Dans ces conditions, l'OPAC 36 n'est pas fondé à soutenir qu'elle disposait à l'égard de la société SEEC, en vertu de ce décompte provisoire, d'une créance certaine et exigible correspondant au montant du titre exécutoire en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que l'OPAC 36 n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le titre exécutoire n° 000593 émis le 25 juillet 2018. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

9. En application des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPAC 36 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'OPAC 36 est rejetée.

Article 2 : L'OPAC 36 versera à la société P.B. Participations une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat de l'Indre et à la société P.B. Participations.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Manuel A...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de l'Indre en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01310 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01310
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : WOLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx01310 ?
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