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03/07/2024 | FRANCE | N°22BX01097

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX01097


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle.



Par un jugement n°s 2000093, 2001211 du 17 février 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enreg

istrée le 15 avril 2022 et un mémoire enregistré le 4 mars 2024, M. D..., représenté par Me Chalon, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n°s 2000093, 2001211 du 17 février 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2022 et un mémoire enregistré le 4 mars 2024, M. D..., représenté par Me Chalon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 17 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au ministre en charge de l'action et des comptes publics de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient qu'il a été victime de harcèlement moral.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal par l'appelant ne sont pas recevables.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent de constatation principal des douanes, a été affecté à compter du 16 août 2017 à la brigade de surveillance extérieure de l'aéroport de Cayenne. Le 12 septembre 2019, il a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'il estime avoir subi de la part de sa hiérarchie et de ses collègues. Au vu, notamment, du rapport de l'enquête administrative diligentée à la suite de cette demande, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a refusé, par une décision du 1er octobre 2020 d'accorder à M. D... le bénéfice de cette protection. Ce dernier relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté le recours qu'il a formé à l'encontre de cette décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " L'article 11 de cette loi prévoyait que : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. (...) ".

3. D'une part, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établit à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.

4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. M. D... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'il estime avoir subi de la part de ses supérieurs hiérarchiques, et notamment de Mme A..., M. B... et M. C.... Il soutient que ceux-ci l'auraient agressé verbalement de manière récurrente, tenant des propos injurieux et humiliants à son encontre, tant devant ses collègues que devant les usagers.

6. A l'appui de ces allégations, M. D..., qui fait état d'une souffrance au travail et a sollicité un changement de service dès le mois de février 2019, produit notamment deux fiches de signalement établies par lui-même et par l'un de ses collègues, les témoignages de cinq autres agents des douanes, dont il ressort qu'il ferait l'objet de harcèlement de la part de sa hiérarchie, ainsi qu'un courriel du 4 juin 2020 émanant du directeur régional des douanes. Il soutient que ces éléments sont de nature à faire présumer l'existence du harcèlement qu'il dénonce.

7. Toutefois, les fiches de signalement produites sont dépourvues de précisions utiles et le courriel du directeur général des douanes, si sa teneur est inappropriée, est postérieur à la période au titre de laquelle le requérant a demandé la protection fonctionnelle. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, en particulier des témoignages de nombreux autres agents de la brigade de surveillance extérieure de l'aéroport de Cayenne ainsi que de deux usagers, du compte-rendu d'entretien professionnel de M. D... au titre de l'année 2019, et du rapport de l'enquête administrative diligentée à la suite de sa demande de protection fonctionnelle, que l'intéressé entretenait des relations conflictuelles avec sa hiérarchie et avec de nombreux agents du service en raison de ses comportements inadaptés non seulement à l'égard de certains de ses collègues mais également à l'égard des usagers, à l'encontre desquels il a parfois usé de façon intempestive de l'autorité que lui conférait sa fonction. Il ressort également des pièces du dossier qu'il refusait de suivre certaines des instructions données par ses chefs d'équipe et qu'il faisait montre d'une attitude particulièrement désinvolte et défiante à l'égard de sa hiérarchie, dont il considérait comme humiliants et injurieux les rappels à l'ordre et les remarques justifiées par sa manière de servir, sans qu'il apparaisse qu'elles aient pour autant été formulées dans des conditions excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, les agissements que M. D... reproche à certains de ses collègues de travail et à sa hiérarchie ne sauraient caractériser des faits de harcèlement.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ses conclusions à fin d'injonction, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'économie,

des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Manuel E...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au ministre au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01097 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01097
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CHALON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx01097 ?
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