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02/07/2024 | FRANCE | N°22BX01222

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 02 juillet 2024, 22BX01222


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'une part l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 du maire de Saintes valant non-opposition à déclaration préalable en tant qu'il comporte une prescription selon laquelle les menuiseries devront être remplacées à l'identique de l'existant (avec " petit bois ") et d'autre part que sa demande soit réexaminée.

Par un jugement n° 2001829 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rej

eté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, des pièces et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'une part l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 du maire de Saintes valant non-opposition à déclaration préalable en tant qu'il comporte une prescription selon laquelle les menuiseries devront être remplacées à l'identique de l'existant (avec " petit bois ") et d'autre part que sa demande soit réexaminée.

Par un jugement n° 2001829 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril, 17 mai et 22 septembre 2022 et le 5 septembre 2023, Mmes B... et C... A..., représentées par Me Duclos, demandent à la cour :

1°) d'annuler ou de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable du 3 juin 2020 du maire de Saintes en tant qu'il comporte une prescription selon laquelle les menuiseries devront être remplacées à l'identique de l'existant avec apposition de petits bois à l'extérieur du vitrage ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saintes de leur délivrer un nouvel arrêté de non-opposition à déclaration préalable prescrivant le remplacement d'ouvertures avec une harmonisation par des vitres claires sans petits bois, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saintes le versement d'une somme de 2 000 euros à leur conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat en ce qui concerne Mme C... A... ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saintes le versement à Mme B... A... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas le premier mémoire déposé par leur avocat alors que l'instruction n'était pas close et en ne leur communiquant pas l'intégralité des pièces déposées par la commune de Saintes le 26 avril 2021 ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen qu'il n'a d'ailleurs pas visé dans son jugement, tiré de l'absence de motivation de l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) et de l'arrêté du 3 juin 2020 ;

S'agissant de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable :

- la requête devant le tribunal est recevable ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France est insuffisamment motivé en ce qui concerne la prescription ;

- l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable est insuffisamment motivé en ce qui concerne la prescription ;

- leur immeuble ne fait l'objet d'aucune protection particulière par le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur et il n'est pas démontré que les menuiseries doivent être qualifiées d'anciennes et l'article 11.12.22.1 ne lui est pas applicable ;

- la prescription ainsi que l'avis de l'architecte des bâtiments de France sont entachés d'une erreur d'appréciation puisque les ouvertures de l'immeuble en cause ne constituent pas " des menuiseries anciennes " au sens de l'article 11.12.22.1. du PSMV ; la notion de menuiseries anciennes n'est d'ailleurs nullement définie ;

- cette prescription ne tend pas à l'harmonisation de l'ensemble des façades sur cour puisque les ouvertures existantes y sont disparates et est donc contraire à l'article 11.12.22.1 du règlement du PSMV contrairement à leur projet ;

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, la commune de Saintes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel et la demande devant le tribunal administratif sont irrecevables ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu la décision du 3 mars 2022 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme C... A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo ;

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Lelong, représentant Mmes A..., et de Me Lopes, représentant la commune de Saintes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a déposé une déclaration préalable auprès de la commune de Saintes en vue du remplacement de trois fenêtres et une porte-fenêtre de son habitation située 86 rue de l'arc de triomphe, au sein du secteur sauvegardé. Par un arrêté du 3 juin 2020, le maire de Saintes n'a pas fait opposition à cette déclaration préalable mais a toutefois assorti son arrêté d'une prescription, conformément à l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France, selon laquelle les menuiseries devront être remplacées à l'identique de l'existant avec " petits bois ". Mmes A... relèvent appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 en tant qu'il comporte cette prescription.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En application de l'article L. 9 du code de justice administrative, le juge administratif doit motiver ses jugements et doit, par ailleurs, répondre à l'ensemble des moyens soulevés devant lui.

3. En l'espèce, il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du maire de Saintes du 3 juin 2020, invoqué dans le mémoire de Mme A... du 9 décembre 2020, qui ne figure d'ailleurs pas dans les visas du jugement et qui n'était pas inopérant. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement qui est entaché d'irrégularité et de statuer par la voie de l'évocation sur l'ensemble des conclusions et moyens de Mmes A... présentées en première instance et en appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 632-2 du code du patrimoine : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. (...) / Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. / En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. (...) ", et aux termes de l'article L. 632-1 du code du patrimoine : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. / (...) / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable ". D'autre part, aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine " et aux termes de l'article L. 424-3 du même code : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". Enfin, aux termes de l'article R. 424-5 du même code: " (...) Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée. (...) ".

5. Il résulte des termes de l'arrêté du 3 juin 2020 de non opposition à déclaration préalable d'une part, qu'il se fonde sur les dispositions applicables du code de l'urbanisme et du code du patrimoine relatives aux secteurs sauvegardés, d'autre part, qu'il reprend les prescriptions détaillées, préconisées par l'ABF dans son avis dont il s'approprie la teneur, en ce qui concerne le remplacement des menuiseries. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aucune disposition n'impose à l'architecte des bâtiments de France d'indiquer au titre de quelle législation il donne son accord à un projet de construction. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis favorable assorti de prescriptions motivées émis le 11 mars 2020 par l'architecte des bâtiments de France doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du règlement du PSMV de la ville de Saintes relatif à la division du secteur sauvegardé et la classification des immeubles : " (...) 01.2 2. Les immeubles sont répartis en plusieurs catégories. (....) 01.2.2.4 Immeuble non protégé, pouvant être conservé, amélioré ou remplacé. Ces immeubles sont repérés par la légende n°6. Ils peuvent être soit conservés, soit démolis, soit améliorés ou remplacés en tout ou partie dans les conditions prescrites ci-après dans le présent règlement. (...) ". L'article 11.12.22.1. du règlement du même plan énonce que : " Les menuiseries anciennes remplissent des ouvertures maçonnées dont les proportions sont plus hautes que larges selon un rapport variant de 1/1,5 à 1/3, 1/1 dans le cas d'un attique. Ces menuiseries s'ouvrent à la française et sont peintes (...). Leur réparation ou leur remplacement doivent se faire en respectant le modèle existant dont les caractéristiques varient selon l'époque et le style, et en traitant l'ensemble de la façade (et non les étages indépendamment les uns des autres). Dans le cas de vitrage isolant, les petits bois clipsés sont interdits pour les immeubles de qualité architecturale à conserver (légende 5-5b) ".

8. Il est constant que l'immeuble appartenant à Mmes A... est situé dans le secteur sauvegardé de Saintes et appartient à la catégorie n° 6 correspondant aux immeubles non protégés, pouvant être conservés, améliorés ou remplacés, qui peuvent être améliorés dans les conditions prescrites par le règlement du PSMV. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier notamment des propres déclarations des requérantes et des photographies qu'elles produisent que certaines des fenêtres existant à l'origine sur les façades de leur immeuble, ont été modifiées au cours de l'entre-deux-guerres et pour certaines d'entre elles élargies. Il résulte de ces éléments, d'une part, que la circonstance qu'aucune fiche de cet immeuble n'aurait été retrouvée ni communiquée par la commune de Saintes ne fait pas obstacle à l'application du règlement du PSMV, notamment son article 11.12.22.1, à des travaux d'amélioration de l'immeuble qui relève de la catégorie 6 définie par ce règlement. D'autre part, la circonstance que certaines des fenêtres de l'habitation ne présenteraient plus des proportions plus hautes que larges, du fait des modifications qu'elles ont subies, ne fait pas obstacle à ce que s'applique l'article 11.12.22.1 relative aux menuiseries anciennes. En effet, il ressort des photographies produites que d'autres fenêtres des façades concernées de l'immeuble ont conservé les proportions des menuiseries anciennes, que pour la plupart, les ouvertures sont constituées de fenêtres à petits bois et que le règlement dispose que le remplacement doit se faire en traitant l'ensemble des façades. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir qu'en assortissant l'arrêté de non-opposition de cette prescription, le maire de Saintes a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 11.12.22.1 et méconnu les dispositions de cet article, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, une telle prescription n'est pas de nature à porter atteinte à l'harmonie des façades de l'immeuble.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, Mmes A... ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Saintes du 3 juin 2020 en tant qu'il fixe une prescription dans son article 2.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saintes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mmes A... ou à leur conseil des sommes qu'elles demandent au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saintes sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande de Mmes A... devant le tribunal et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : les conclusions de la commune de Saintes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes B... et C... A... et à la commune de Saintes.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01222 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01222
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : DUCLOS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22bx01222 ?
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