Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2022, et des mémoires enregistrés les 25 mars 2022 et 27 juin 2023 l'association Mauprévoir Environnement et la SNC Abbaye royale de la Réau, représentées par Me Forgar, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2021 par lequel le préfet de la Vienne a autorisé la société Enertrag Poitou-Charentes III à installer et exploiter un parc éolien sur les communes de Payroux et de La Chapelle-Bâton dit parc éolien de " La Plaine de Beauvais " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent qu'elles justifient d'un intérêt à agir ;
S'agissant de l'étude d'impact :
- l'étude acoustique est insuffisante ;
- l'étude paysagère est insuffisante ;
- les effets du projet, cumulés avec ceux d'autres parcs éoliens ont été insuffisamment décrits ;
- le montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site est insuffisamment précisé ;
- l'étude d'impact n'indique pas les modalités de raccordement envisagées ;
- l'étude d'impact ne mentionne pas l'identification des propriétaires des terres sur lesquelles devront être implantées des haies prévues à titre de mesures compensatoires et le titre l'habilitant à réaliser des travaux sur les terrains concernés ;
- les mesures compensatoires décrites dans l'étude d'impact sont insuffisantes ;
- l'analyse des impacts du projet sur la biodiversité est insuffisante ;
S'agissant de l'enquête publique et des conclusions du commissaire enquêteur :
- en ne procédant pas à un inventaire détaillé des observations émises au cours de l'enquête publique et en s'abstenant d'en faire la synthèse, le commissaire enquêteur a méconnu les obligations qui découlent de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ; il n'a pas analysé les réponses de la pétitionnaire et n'a pas pris position ;
- son rapport est insuffisamment motivé ;
S'agissant du dossier de demande :
- l'exposé des capacités techniques et financières est insuffisant ;
S'agissant des atteintes aux intérêts mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
- le projet en litige méconnait les intérêts protégés aux articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement dès lors qu'il modifierait de manière substantielle un paysage non dépourvu d'intérêt et qu'il porterait ainsi atteinte à la commodité du voisinage ;
- les éoliennes, qui dominent un paysage sans relief particulier, seront visibles depuis la commune de Charroux et son abbaye, depuis le château de Mauprévoir et son châtelet classé monument historique, depuis le chemin d'entrée de l'abbaye de la Réau ainsi que d'innombrables hameaux voisins où se situent de nombreuses églises classées et de nombreux bâtiments remarquables ;
- le projet viendra créer un effet de saturation visuelle sur les communes de Charroux, Mauprévoir, Payroux, Joussé, Saint-Martin l'Ars, compte tenu du contexte éolien déjà fortement développé dans le secteur ; la commune de La Chapelle-Bâton est totalement encerclée de même que les hameaux de " La Motte ", " Fontmorant " et " La Chapelière " ; les indices de densité sont dans un grand nombre de situation largement dépassés ;
S'agissant des chiroptères :
- la noctule de Leisler, la noctule commune, la pipistrelle de Nathusius présentent une sensibilité au risque de collision et barotraumatisme qualifiée de moyenne à forte ; le projet devait être soumis au régime de dérogation prévue par le 4° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 juillet 2023, qui n'a pas fait l'objet d'une communication, la société Enertrag Poitou-Charentes III, représentée par Me Guiheux, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'illégalité constatée et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2023, le préfet de la Vienne conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de l'arrêté du 22 octobre 2021 en supprimant les éoliennes E2 et E6.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 juillet 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boénec représentant la société Enertrag Poitou-Charentes III.
Considérant ce qui suit :
1. La société Enertrag Poitou-Charentes III a déposé, le 4 décembre 2018, une demande d'autorisation environnementale, complétée le 31 octobre 2019, en vue de la création et de l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur maximale en bout de pales de 200 mètres et de deux postes de livraison sur les territoires des communes de la Chapelle-Bâton et de Payroux. Par un arrêté du 22 octobre 2021, la préfète de la Vienne a délivré l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, l'association Mauprévoir Environnement et la SNC Abbaye royale de la Réau demandent à la cour l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le dossier de demande :
2. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées.
3. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code, le dossier de demande est complété notamment de la description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, des modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation.
S'agissant des capacités financières :
4. Il résulte de la description de la demande d'autorisation que la société de projet Enertrag Poitou-Charentes III, société en commandite simple, fait partie du groupe Enertrag AG Etablissement France créé, au début des années 2000, et antenne française du groupe allemand Enertrag AG, qui comprend en Europe 460 collaborateurs et des filiales dans trois pays et est à l'origine de plus de 667 éoliennes pour une puissance totale de 1 250 MW. Enertrag AG Etablissement France exploite 29 parcs éoliens comprenant 171 aérogénérateurs pour une puissance de 353, 95 MW. Le dossier présente les bilans et comptes de résultat de la société française aux 31 mars 2017 et 2018, mentionnant outre les capitaux propres, un chiffre d'affaires de 190 515 000 euros et un résultat d'exploitation de 270 673 euros. Selon le dossier de demande, le coût de l'investissement nécessaire, évalué à 27 millions d'euros doit être financé par des apports en capitaux propres à hauteur de 20 % et la phase de construction par un recours à l'emprunt bancaire à court terme, relayé par un crédit bancaire à long terme dès le début de la phase d'exploitation. Le dossier de demande comportait un plan de financement prévisionnel de 2022 à 2042, avec des indications sur les chiffres d'affaires, les estimations du tarif éolien, les charges courantes d'exploitation, l'échéancier de la dette bancaire, le calcul des provisions pour démantèlement, ainsi que les dotations aux amortissements. Par lettre du 6 février 2018, la société mère allemande s'engage à soutenir financièrement sa filiale et à veiller à ce que " la gestion et la situation financière (...) lui permettent de faire face à ses obligations financières ". Il ressort de ces éléments que le dossier de demande comportait des indications précises et étayées sur les capacités financières du pétitionnaire pour la conduite de son projet.
S'agissant des capacités techniques :
5. Enertrag AG Etablissement France mentionne, dans le dossier de demande, son expérience dans le secteur éolien datant de la mise en service de son premier parc éolien en 2002 correspondant à plus de 353 MW en France. La société de projet Enertrag Poitou-Charentes III sera maitre d'ouvrage du projet. Le porteur de projet Enertrag AG, maitre d'œuvre, aura pour mission de coordonner et de superviser toute la phase de construction jusqu'à la livraison du parc éolien à la société de projet. A compter de la mise en service des installations, la phase d'exploitation sera suivie et administrée par des entités du groupe Enertrag par l'intermédiaire d'un contrat de maintenance étendue, d'une durée de 20 ans. Enertrag Windstrom, sous-traitant exclusif d'Enertrag Energiedienst en charge de l'exploitation technique des éoliennes, contrôlera à distance l'ensemble des éoliennes et assurera une disponibilité technique accrue, par un logiciel de surveillance, développé par le groupe et son centre de contrôle actif 24h/24 et 7j/7. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, le dossier de demande a suffisamment précisé les capacités techniques de la société Enertrag Poitou-Charentes III.
S'agissant du montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site :
6. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. (...) ". L'article D. 181-15-2 8° du même code dispose que pour les installations mentionnées à l'article R. 516-1 ou à l'article R. 515-101, les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution sont indiquées dans le dossier de demande.
7. Eu égard à l'objet et à l'étendue de l'obligation prescrite par l'article R. 515-101 du code de l'environnement, compte tenu du stade de la procédure auquel elle s'applique, et alors que la mise en service du parc éolien ne peut intervenir avant la constitution des garanties financières, la demande d'autorisation présentée par la société exploitante comportait des éléments précis sur le plan de financement ainsi que l'engagement de se conformer aux dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent et la mention à titre indicatif à la date du 17 juillet 2018 d'un montant de 318 440 euros. Cet engagement fera l'objet d'une actualisation tous les cinq ans. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de précision, dans le dossier de demande, sur la nature de ces garanties aurait été, en l'espèce, susceptible de nuire à l'information complète du public ou d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante précision des garanties financières dans le dossier de demande d'autorisation doit être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
8. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au projet : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / 1° Un résumé non technique des informations prévues ci-dessous. Ce résumé peut faire l'objet d'un document indépendant ;/2° Une description du projet, y compris en particulier : / - une description de la localisation du projet ; / - une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition nécessaires, et des exigences en matière d'utilisation des terres lors des phases de construction et de fonctionnement ; / - une description des principales caractéristiques de la phase opérationnelle du projet, relatives au procédé de fabrication, à la demande et l'utilisation d'énergie, la nature et les quantités des matériaux et des ressources naturelles utilisés ; / - une estimation des types et des quantités de résidus et d'émissions attendus, tels que la pollution de l'eau, de l'air, du sol et du sous-sol, le bruit, la vibration, la lumière, la chaleur, la radiation, et des types et des quantités de déchets produits durant les phases de construction et de fonctionnement. (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", (...) ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ;/ 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres :/a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ;/c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / - ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ;/- ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le maître d'ouvrage ; / f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ; / g) Des technologies et des substances utilisées. (...) / 6° Une description des incidences négatives notables attendues du projet sur l'environnement qui résultent de la vulnérabilité du projet à des risques d'accidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné. (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité./La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; / 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement ; (...) ".
9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'étude acoustique :
10. L'étude d'impact comprend une étude acoustique réalisée à partir de cinq points de mesure, situés au sein de lieux de vie, du 19 septembre au 9 octobre 2018, soit 19 jours. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de la durée et de la période choisies, que les résultats obtenus seraient erronés ou auraient pu nuire à l'information de la population ou exercer une influence sur l'appréciation de l'administration. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les effets cumulés avec les projets éoliens voisins ont été examinés, en prenant en compte les projets de parcs et les parcs existants à proximité du projet en litige, notamment celui de la Chapelle Bâton développé par la société Volkswind. L'étude conclut, en période diurne, à un faible risque de non-respect des limites règlementaires et à un risque probable, en période nocturne. A cette fin, un plan de bridage, mis en place la nuit sur certaines machines, permettra de respecter les exigences règlementaires. Enfin, les niveaux de bruit calculés sur le périmètre de mesure ne révèlent aucun dépassement des seuils règlementaires ni aucune tonalité marquée.
S'agissant de l'étude paysagère :
11. Le volet paysager de l'étude d'impact comporte 57 photomontages permettant d'apprécier l'insertion des éoliennes dans leur environnement immédiat, rapproché, intermédiaire et éloigné, composé des paysages, du patrimoine culturel, des hameaux et agglomérations et des voies de circulation existants. Les photomontages ont été réalisés sur la base d'un champ de vision proche du champ visuel de l'être humain, soit environ 60° à partir de photographies de points de vue prises par un paysagiste, choisies de façon à relier un élément à enjeu avec le projet ou à montrer le point de vue le plus ouvert en direction du projet correspondant à l'impact le plus fort. Les éoliennes sont intégrées numériquement sur les panoramas en tenant compte de plusieurs éléments, parmi lesquels leurs caractéristiques, leur type, leur dimension et leur position géographique, que ce soit pour le parc en projet ou pour les éoliennes construites, accordées ou en instruction. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, deux photomontages concernent la commune de Mauprévoir et font mention de son château, dont seul le châtelet est l'objet d'une protection depuis le 7 juin 2018. Deux prises de vue concernent l'abbaye royale de la Réau, classée monument historique, pour laquelle l'impact du projet, situé à plus de 6 kilomètres, est qualifié de nul. 32 photomontages ont été présentés pour évaluer les impacts sur les hameaux environnants, dont 16 se trouvant à moins d'un kilomètre du lieu d'implantation. Si les requérantes critiquent les choix de prises de vue et les conditions d'insertion des éoliennes dont la hauteur aurait été minorée, il ne résulte pas de l'instruction que les choix effectués auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
S'agissant des effets cumulés avec les autres parcs éoliens :
12. Conformément aux dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact produite par la société à l'appui de sa demande d'autorisation ne devait porter sur le cumul des incidences qu'avec d'autres projets connus, et notamment ceux ayant fait l'objet d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat, compétente en matière d'environnement, a été rendu public. D'une part, la société Enertrag Poitou-Charentes III a déposé sa demande comportant l'étude d'impact auprès des services instructeurs le 4 décembre 2018, laquelle a été complétée le 31 octobre 2019. Les projets des parcs de Mauprévoir et de la Chapelle-Bâton disposaient d'un avis de l'autorité environnementale rendu public à la date du dépôt de dossier de demande. Le parc de Cerisou, autorisé mais pas encore construit est également mentionné et considéré, par conséquent, comme existant. L'étude d'impact recense aussi dans l'ensemble des aires d'étude, six parcs éoliens en exploitation et sept parcs autorisés. Sept photomontages analysent les effets cumulés et conduisent à la conclusion que l'ajout du projet dans un tel paysage composé de plusieurs parcs éoliens de plus grande taille n'emporte aucun effet cumulé.
S'agissant des modalités de raccordement :
13. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact a mentionné le raccordement du poste de livraison au poste source le plus proche du projet au point 5.2.7 " travaux de génie électrique " et précisé le tracé envisagé " à titre indicatif ", sous réserve de l'avis du gestionnaire de réseau SRD lorsque la demande d'autorisation sera obtenue. Le tracé projeté pour le raccordement électrique externe a été représenté sur un plan joint.
S'agissant de l'identification des propriétaires :
14. Si en vertu des dispositions du 8° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, citées au point 8, l'étude d'impact doit présenter les mesures envisagées pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation, ces dispositions n'imposent pas au pétitionnaire de démontrer qu'il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels ces mesures doivent être mises en œuvre. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que le pétitionnaire n'aurait produit aucun titre de nature à justifier sa maîtrise foncière sur les terrains concernés, n'entache pas d'insuffisance l'étude d'impact.
S'agissant des mesures compensatoires :
15. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, des mesures de compensation, lors des phases de construction et d'exploitation sont proposées et détaillées par le pétitionnaire en partie 9 de l'étude d'impact en plus des mesures de réduction et d'évitement. Les requérantes ne produisent aucun élément de nature à démontrer que les mesures présentées ne seraient pas utiles et n'auraient aucun effet.
S'agissant de l'analyse des impacts du projet sur la biodiversité :
16. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'étude d'impact analyse les impacts de la construction, de l'exploitation et du démantèlement de l'installation projetée sur le milieu naturel : flore, habitats naturels, avifaune, chiroptères, amphibiens, reptiles et insectes et renvoie à une étude complète jointe à l'étude d'impact.
17. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de ce que l'étude d'impact serait entachée d'insuffisances, pris en toutes ses branches, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'enquête publique :
18. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies./ Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations formulées durant l'enquête publique, ces dispositions lui imposent d'indiquer, au moins sommairement, en tenant compte des principales observations et en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de ses conclusions.
19. Le rapport du commissaire enquêteur du 26 novembre 2020 rappelle l'objet du projet, la procédure suivie, et examine, en les synthétisant, les observations formulées par le public, en en restituant la teneur et en présentant la réponse détaillée apportée par le porteur de projet. Le commissaire enquêteur estime les développements de ce dernier pertinents et présente ses conclusions dans un document séparé, comme l'exige l'article R. 123-19 du code de l'environnement. Ces conclusions développent de manière circonstanciée les éléments l'ayant conduit à émettre un avis favorable sur le projet, sous réserve de la prise en compte de ses remarques relatives aux arguments permettant de favoriser une meilleure acceptabilité de l'éolien dans les territoires. Enfin, ces conclusions sont synthétiques, personnelles et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, sont suffisamment motivées.
S'agissant des atteintes aux intérêts protégés aux articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement :
20. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages naturels avoisinants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
21. Il résulte de l'instruction que l'implantation du parc éolien litigieux, composé de six aérogénérateurs d'une hauteur maximale en bout de pales de 200 mètres, réparties en deux groupes de trois, de part et d'autre de la route départementale RD 108, et de deux postes de livraison, se situe sur le territoire des communes de Payroux et La Chapelle-Bâton, principalement dans l'unité paysagère des terres de Brandes, composée de plaines vallonnées et boisées. Le site envisagé est constitué d'un plateau à caractère agricole au bocage lâche, bordé à l'est par la vallée du Clain et ses affluents. Excepté le nord-ouest du site qui jouxte le bois de Chevréaux, les parcelles comportent des boisements clairsemés, composés de feuillus. Le réseau de circulation est dense et relie les hameaux au bâti dispersé et isolé, excepté les villages de Payroux et Joussé. Le site est ponctué de mares, le plus souvent aménagées pour les besoins en eau des cultures et du bétail et est dépourvu de rivières et ruisseaux. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le site d'implantation projeté par la société Enertrag Poitou-Charentes III doit être regardé bien que non dénué d'intérêt, comme ne présentant pas de caractère remarquable.
Quant à l'atteinte au patrimoine et aux monuments :
22. Il résulte de l'instruction qu'un faible nombre de monuments historiques ou d'éléments de patrimoine remarquable seront susceptibles d'être en situation de covisibilité avec le parc éolien. Il ressort notamment de l'étude paysagère que l'aire de mise en valeur du patrimoine de la commune de Charroux, située à 4, 5 kilomètres de l'aire d'étude intermédiaire, et comprenant notamment, dans son périmètre, l'abbaye Saint-Sauveur et une halle ancienne, classées monuments historiques, présentera une covisibilité partielle et ponctuelle, localisée en marge du bourg, en raison des masques constitués par les bâtis et le relief. La sensibilité est qualifiée de modérée, à cause principalement d'une covisibilité avec la tour octogonale de l'abbaye, depuis le parking du belvédère et une rue au sud-ouest de la commune et l'enjeu présenté comme négligeable. L'abbaye royale Notre-Dame de la Réau, classée monument historique, distante de l'aire d'étude intermédiaire de plus de 6 kilomètres, entourée d'une végétation assez dense et du fait de sa situation encaissée, ne présente aucune covisibilité. Quant au château de Mauprévoir, dont seul le châtelet est inscrit à l'inventaire des monuments historiques, distant de plus de 5 kilomètres, l'impact est présenté comme négligeable compte tenu de l'occultation du projet par les arbres et alors que seules les pales des éoliennes 2 et 6 seront perceptibles au-dessus de la végétation du parc. L'aire d'étude rapprochée comprend deux monuments historiques, le château de Joussé et l'église Notre-Dame de Payroux, tous deux inscrits à l'inventaire des monuments historiques et distants de 2, 5 km du projet, pour lesquels les impacts sont négligeables, compte tenu pour l'un de la faible prégnance des éoliennes en raison du relief et de la végétation, pour l'autre de l'absence de perception en raison du tissu urbain dense du bourg. Dans ces conditions, alors même que les hameaux et villages avoisinants comporteraient d'autres bâtiments remarquables mais ne faisant l'objet d'aucune protection, le moyen tiré de l'atteinte à la conservation de ces monuments au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.
Quant à la saturation visuelle et l'effet d'encerclement :
23. Le phénomène de saturation visuelle qu'est susceptible de générer un projet peut être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.
24. Il résulte de l'instruction que la société Enertrag Poitou-Charentes III a examiné les effets cumulés du projet et présenté la carte faisant figurer dans les quatre aires d'études, éloignée, intermédiaire, rapprochée et immédiate les six parcs éoliens en exploitation, les sept parcs autorisés, les six projets éoliens en cours d'instruction pour lesquels l'autorité environnementale a rendu un avis soit express, soit réputé tacite ainsi qu'un projet développé par elle en cours d'instruction. Cinq projets, qui n'ont pas reçu d'avis de l'autorité environnementale à la date de l'étude, pouvaient pour ce motif être écartés. Les 20 parcs pris en compte représentent 126 aérogénérateurs, situés dans un rayon de 1,6 km à 17 km du projet. Le projet s'insère au sein d'une zone identifiée au sud du département de la Vienne comme étant favorable à l'éolien. Il résulte de l'instruction qu'une analyse approfondie des éventuelles saturations visuelles causées par la présence de ces différents parcs éoliens proches du site du projet a été effectuée à partir de huit points de vue sélectionnés par un paysagiste au regard de leur positionnement et de leurs enjeux de perception et pour lesquels ont été évalués l'indice de densité sur les horizons occupés dont le seuil d'alerte est évalué à 0,1, l'espace de respiration pour lequel il est admis qu'il doit être compris entre 160° et 180° pour écarter une atteinte excessive à la commodité des riverains et l'indice d'occupation des horizons dont le seuil d'alerte est fixé à plus de 120°. Pour les huit points d'analyse, l'indice d'occupation des horizons prenant en compte le projet ne dépasse pas le seuil d'alerte de 120°. 4 points de mesure révèlent des espaces de respiration compris entre 99° et 152° et 7 points d'analyse ont un indice de densité sur les horizons occupés supérieur à 0,1, les plus élevés, soit 0,32 et 0,28 étant respectivement constatés sur le sentier des Gentilhommières et au bourg de Payroux. Toutefois, il résulte de l'instruction d'une part que ces indices, pour élevés qu'ils soient, étaient préexistants au projet dont la prise en compte contribue d'ailleurs très ponctuellement à la réduction de certains indices de densité. D'autre part, alors que les requérantes ne produisent aucun cliché, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages 51 à 57 illustrant les effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens que l'impact est qualifié de faible ou modéré, en raison des effets de superposition, des distances réduisant l'effet de prégnance dans le paysage et des masques créés par la végétation arborée. Dans ces conditions, l'adjonction des six éoliennes projetées n'engendrera pas un phénomène de saturation visuelle pour le grand paysage ou le cadre de vie des habitants. Enfin, 32 hameaux ont été recensés dans l'aire d'étude rapprochée dont 10 sont distants de 500 m du projet et 6 comportent plus de 5 habitations. Les impacts sont modérés pour les lieux de vie La Chapelière, Les Chevréaux, Les Combes et forts Chez Roucher et La Fa, Beauvais et La Vinardière, Janille et Le Cerisier, Rouyère, Monique et La Motte. Pour réduire ces impacts sur certains de ces lieux de vie et pour les bourgs de Payroux et de Joussé, la société porteuse du projet a procédé au recul des éoliennes à la limite initiale de l'aire d'étude intermédiaire en sa partie est portant les distances des hameaux les plus proches à 700 m, ramenant ainsi l'impact résiduel de globalement faible à modéré. Enfin, certains de ces hameaux sont entourés de jardins arborés ou de haies bocagères contribuant à filtrer les visibilités. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'implantation du parc éolien en litige, cumulée avec les autres parcs existants, autorisés ou projetés, présenterait des inconvénients excessifs pour la protection de la commodité du voisinage et la protection des paysages, visées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de l'atteinte aux chiroptères :
25. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : /1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, (...) ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, (...) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / 4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : /1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que des sites d'intérêt géologique, y compris des types de cavités souterraines, ainsi protégés ; / 2° La durée et les modalités de mise en œuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; / 3° La partie du territoire sur laquelle elles s'appliquent, (...) ; / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; (...) / II. Un décret en Conseil d'Etat détermine également les conditions dans lesquelles, lorsque l'évolution des habitats d'une espèce protégée au titre de l'article L. 411-1 est de nature à compromettre le maintien dans un état de conservation favorable d'une population de cette espèce, l'autorité administrative peut :/1° Délimiter des zones où il est nécessaire de maintenir ou de restaurer ces habitats ; / 2° Etablir, (...) un programme d'actions visant à restaurer, à préserver, à gérer et à mettre en valeur de façon durable les zones définies au 1° du présent II ; (...) ".
26. Il résulte de l'instruction que 13 espèces de chiroptères ont été contactées sur le site, dont trois, la barbastelle d'Europe, le grand rhinolophe et le petit rhinolophe sont référencées à l'annexe 2 de la directive habitats. La grande noctule, la pipistrelle de Nathusius et la pipistrelle pygmée sont des espèces rares dans la région. Même si l'activité de la noctule de Leisler et de la noctule commune est qualifiée de très faible au niveau de l'aire d'étude, leur sensibilité et leur statut de conservation engendrent un risque de mortalité " modéré ". L'activité de la pipistrelle de Nathusius est très faible sur le site mais les risques de mortalité seront plus importants durant les périodes migratoires. Le projet éolien " La plaine de Beauvais " se situe en milieu ouvert, à plus de 75 m d'une haie, et n'entraine aucun survol de zones de lisières. Les zones humides présentes dans l'aire d'étude immédiate ont une faible amplitude et sont peu favorables aux chiroptères. Le projet valorisera les chemins existants. 47 mètres linéaires de haies devront toutefois être défrichés et 100 mètres linéaires élagués principalement entre les éoliennes E5 et E6, à l'origine de destruction potentielle de gîtes de chiroptères. Ces travaux seront conduits après un inventaire préalable, en présence d'un écologue. La société prévoit également de limiter l'éclairage, hors balisage et éclairage manuel de sécurité, ainsi que l'attractivité des bâtiments. L'article 8 de l'arrêté préfectoral encadre la phase de travaux afin d'éviter tout impact sur la mortalité de ces espèces. La société pétitionnaire propose un plan de bridage et ses conditions de mise en œuvre. L'activité chiroptérologique devra faire l'objet d'un suivi pendant les trois premières années d'exploitation à hauteur des nacelles E1 et E6, d'une heure avant le coucher du soleil à une heure après son lever et du 1er avril au 31 octobre. Le 23 septembre 2021, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a émis d'ailleurs un avis favorable au projet en retenant que " les mesures de suivi écologique imposées à l'exploitant permettront de vérifier que les impacts sur les comportements des chiroptères et des oiseaux susceptibles d'être générés par les installations ne sont pas significatifs ". Par suite, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le projet porterait atteinte à la conservation de ces espèces et que la préfète aurait dû assortir l'autorisation délivrée de prescriptions complémentaires.
27. Eu égard à ce qui précède, compte tenu de l'enjeu identifié et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire, il ne résulte pas de l'instruction que le projet présente un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles s'agissant des chiroptères. Les requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue par les dispositions précitées du code de l'environnement.
28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Mauprévoir Environnement et la SNC Abbaye Royale de la Réau ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 22 octobre 2021.
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par les requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Mauprévoir Environnement et de la SNC Abbaye Royale de la Réau une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Enertrag Poitou-Charentes III et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Mauprévoir Environnement et de la SNC Abbaye Royale de la Réau est rejetée.
Article 2 : L'association Mauprévoir Environnement et la SNC Abbaye Royale de la Réau verseront une somme globale de 1 500 euros à la société Enertrag Poitou-Charentes III.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mauprévoir Environnement, à la SNC Abbaye Royale de la Réau, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Enertrag Poitou-Charentes III.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00570