Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400013 du 9 janvier 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier, 1er mars, 25 avril et 23 mai 2024, M. B..., représenté par Me Seguin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400013 du tribunal administratif de Poitiers du 9 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision d'éloignement contestée avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de l'arrêté du 24 décembre 2023 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne représente pas une menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par une ordonnance du 10 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2024 à 12h00.
Un mémoire en défense a été enregistré pour le préfet de la Vienne le 12 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant gabonais né le 8 mai 1996, est entré en France le 29 mars 2013 avec un visa court séjour valable du 26 mars 2013 au 18 avril 2013. Il a fait l'objet de deux arrêtés préfectoraux des 27 mai 2014 et 2 décembre 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécutés. Il a obtenu par la suite une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, valable du 12 avril 2016 au 11 avril 2017, régulièrement renouvelée jusqu'au 4 mars 2018, puis des titres de séjour en qualité de parent d'enfant français valables du 6 avril 2018 au 10 juin 2021. Par un arrêté du 23 août 2021, le préfet de la Vendée a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, décision qu'il n'a pas exécutée. Il a fait l'objet d'un nouvel arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour du préfet de la Mayenne le 24 décembre 2023. Interpellé le même jour à Loudun pour s'être maintenu en situation irrégulière sur le territoire français, le préfet de la Vienne l'a, par arrêté du même jour, obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période d'un an. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2023 du préfet de la Vienne.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du dossier de première instance que M. B... avait soulevé le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée avait été prise en méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était parent d'un enfant de nationalité française et qu'il contribuait effectivement à son entretien et à son éducation. Il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête sans répondre à ce moyen qu'il n'a d'ailleurs pas visé. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation présentées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, divisibles des conclusions d'annulation visant les décisions distinctes fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions d'annulation présentées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions d'annulation présentées à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi et interdisant M. B... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-SG-DCPPAT-023 du 4 septembre 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne, le préfet de la Vienne a donné délégation à Mme D... E..., sous-préfète de Montmorillon, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer, durant les périodes de permanence, tous les actes relevant des attributions de l'Etat, et notamment ceux relatifs à la police des étrangers. Dès lors qu'il n'est pas allégué que Mme E... n'aurait pas été en charge d'une permanence le dimanche 24 décembre 2023, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41, paragraphe 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ". Aux termes de l'article 51, paragraphe 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union ".
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu, le 24 décembre 2023, par les services départementaux de la gendarmerie de Châtellerault et qu'au cours de cet entretien, il a pu faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle, et faire notamment valoir ses observations relatives à la mesure d'éloignement envisagée. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
8. L'arrêté en cause vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation personnelle et familiale de M. B..., mais en mentionne les éléments pertinents. La décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée au regard de l'ensemble des éléments figurant dans l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande de titre de séjour auprès de la préfecture de la Mayenne. Par arrêté du 24 décembre 2023, notifié concomitamment à celui du préfet de la Vienne en litige, la préfète de la Mayenne a refusé le titre de séjour sollicité. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vienne, qui s'est fondé sur les dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obliger à quitter le territoire français, a entaché sa décision d'une erreur de fait, qui constituerait en réalité une erreur de droit, s'agissant de son droit au séjour sur le territoire français.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
12. M. B... soutient qu'il est le père d'une enfant française née le 29 octobre 2017 et âgée de 6 ans à la date de la décision contestée, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il contribuerait depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans et qu'il est, en outre, en couple avec une ressortissante française enceinte de plusieurs semaines. Il ajoute avoir déjà obtenu la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de M. B... lors de son audition du 24 décembre 2023, que ce dernier réside " chez un ami ", à Laval (53), et parfois chez sa concubine " Maëllisse " dont il n'a pu, lors de cette audition, donner ni le nom de famille ni l'adresse exacte, qui habiterait en Charente-Maritime et qui serait enceinte de quelques semaines. Contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans, cette dernière résidant à Loudun (86) avec sa mère. Il ne produit ainsi, en dehors de trois photos non datées, aucun élément relatif aux relations, à distance ou pas, qu'il entretiendrait avec sa fille, tandis que le versement d'une pension alimentaire à la mère de l'enfant n'est établi que sur un seul mois. S'il produit des tickets de caisse émis lors d'achats divers, certains sont postérieurs à la décision contestée et il ne ressort des pièces du dossier ni qu'ils concernaient des achats effectués par l'intéressé, ni que ces achats étaient destinés à sa fille. S'il produit également des attestations établies les 30 septembre 2023, 27 décembre 2023 et 21 mai 2024 par la mère de l'enfant, ces dernières sont peu circonstanciées et peu probantes. S'il se prévaut en outre d'une attestation de dépôt de requête devant le juge aux affaires familiales en date du 15 avril 2024 portant notamment demande relative à l'exercice de l'autorité parentale, cette demande est postérieure à la décision en litige. Ainsi et quand bien même il se serait trouvé, lors de son interpellation le 24 décembre 2023, à Loudun pour rendre visite à sa fille, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'appréciation la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
14. M. B... soutient que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et se prévaut de la grossesse de sa compagne Mme C... F... et de la présence en France de sa fille. Il fait également valoir que sa présence sur le territoire français depuis onze ans lui a permis notamment de s'intégrer professionnellement en France dès lors qu'il occupait un emploi en qualité d'agent de production intérimaire, et d'y développer et d'y mener une vie personnelle. Il se prévaut ainsi des titres de séjour qui lui ont été délivrés pendant cette période en raison de son état de santé entre le 12 avril 2016 et le 4 mars 2018 puis en sa qualité de parent d'enfant français entre le 6 avril 2018 et le 10 juin 2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu à plusieurs reprises en situation irrégulière sur le territoire français dès lors qu'il a fait l'objet de plusieurs décisions de refus de titre de séjour assorties de décisions d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été condamné le 9 janvier 2020 à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin, ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et le 25 août 2020 à neuf mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de violence sans incapacité sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime en état de récidive ainsi que pour des faits de violence suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte de solidarité en état de récidive et qu'il a, enfin, été interpellé dans le cadre d'un contrôle, le 24 décembre 2023, pour des faits d'ivresse publique. Ainsi, dans ces conditions, auxquelles s'ajoutent les circonstances détaillées au point 12, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur d'appréciation du risque d'atteinte à l'ordre public qu'il représenterait doivent être écartés.
15. En septième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
16. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 12, et dès lors qu'aucune des pièces du dossier et notamment pas les quelques photographies qu'il produit et les attestations de la mère de l'enfant, rédigées en termes généraux, ne permet de corroborer la réalité de liens affectifs entre M. B... et sa fille, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
17. En huitième lieu, M. B... se prévaut de son état de santé au soutien du moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle. Toutefois, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Ainsi, dans ces conditions, auxquelles s'ajoutent les circonstances détaillées aux points précédents, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter sur le territoire français sur laquelle elle se fonde doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise pour une durée d'un an :
19. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
20. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
21. En l'espèce, M. B... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire qui ferait obstacle à l'interdiction de retour prononcée par le préfet de la Vienne. En outre, il s'est soustrait à plusieurs reprises à une mesure d'éloignement et il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné et de leur réitération, le comportement de M. B... constitue, contrairement à ce qu'il soutient, une menace à l'ordre public. De plus, dans les circonstances détaillées aux points 12 et 14, il ne ressort pas des pièces du dossier que malgré la durée importante de sa présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France fasse obstacle à ce qu'il soit interdit de retour en France pour une durée d'un an. Par suite, la décision du préfet fixant à une année l'interdiction qui lui est faite de retourner sur le sol français n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 24 décembre 2023. Il n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et l'interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2400013 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français du 24 décembre 2023.
Article 2 : La demande d'annulation présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français du 24 décembre 2023 et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX00214 2