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27/06/2024 | FRANCE | N°23BX02996

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 27 juin 2024, 23BX02996


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 13 avril 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2301534, 2301535 du 19 septembre 2023, le tribunal administr

atif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 13 avril 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2301534, 2301535 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301534, 2301535 du tribunal administratif de Poitiers du 19 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2023 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il justifie d'une vie privée et familiale en France à laquelle la décision porte une atteinte excessive ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français qu'elle accompagne ;

- elle est insuffisamment motivée.

Par une ordonnance du 5 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2024.

Un mémoire en défense a été enregistré pour le préfet de la Vienne le 12 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, né le 16 janvier 1961, est entré régulièrement sur le territoire français le 20 décembre 2018 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 1er février 2018 au 31 janvier 2019. Il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien le 20 octobre 2021 sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, au titre de sa vie privée et familiale en France. Par arrêté du 13 avril 2023, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°)Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. M. A... soutient qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour sur le fondement des stipulations précitées et que le préfet de la Vienne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il se prévaut à cet effet de la présence régulière en France de ses trois enfants, de son frère et de sa sœur et de deux des sœurs de son épouse. Il établit, par les documents qu'il produit, la réalité de ces allégations et justifie du décès de ses parents et de deux de ses frères. Il se prévaut également de son intégration en France au travers notamment de sa parfaite maitrise de la langue française et de son engagement important dans de nombreuses associations caritatives. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré très récemment en France, après avoir passé la majeure partie de sa vie en Algérie. Il affirme être retraité de l'emploi qu'il a occupé en Algérie mais ne justifie d'aucunes ressources particulières sur le territoire national dès lors qu'il est hébergé par Emmaüs jusqu'à l'obtention d'un titre de séjour lui permettant de travailler et de subvenir à ses besoins. Il vit à Châtellerault alors que ses deux fils, nés en 1995 et 2001, vivent respectivement à Poitiers et Toulouse, et que sa fille née en 2005, qu'il héberge, bénéficie d'un titre de séjour en sa qualité d'étudiante qui ne lui donne aucune vocation à rester durablement sur le territoire français. S'il justifie de relations avec ses fils, notamment au travers de diverses attestations et photographies, il ne ressort toutefois d'aucun élément du dossier que ces relations soient particulièrement intenses et que le refus de séjour contesté leur porterait une atteinte disproportionnée alors qu'ils ne vivent pas à proximité et que rien n'empêche M. A... et son épouse de venir visiter régulièrement leurs enfants en France depuis leur pays d'origine, l'Algérie. Il en est de même de leur fratrie respective, alors que rien ne justifie une présence continue et régulière auprès d'eux, quand bien même Mme A... a été présente auprès d'une de ses sœurs lors d'une courte hospitalisation de cette dernière au cours de l'année 2022. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ou son épouse n'aient plus aucune attache dans leur pays d'origine, quand bien même une partie de leurs proches restés en Algérie sont décédés, qu'ils y sont retraités et qu'ils y ont résidé la majeure partie de leur vie, et que rien n'empêche qu'ils viennent régulièrement voir leurs enfants et leur famille établis en France, pour certains depuis déjà longtemps, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé et celles de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde doit être écarté.

5. En deuxième lieu, dans les circonstances détaillées au point 3, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Dans les circonstances détaillées au point 3, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la décision attaquée porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, d'ailleurs tous majeurs, ou des petits-enfants de M. et Mme A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant fixation du pays de retour :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde doit être écarté.

9. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02996
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23bx02996 ?
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