Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Pays basque a rejeté sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il classe la parcelle cadastrée section AO n° 61 en zone naturelle, et d'enjoindre à cette communauté d'agglomération de procéder à un nouveau classement de cette parcelle, au minimum sur son emprise artificialisée, en zone autre qu'agricole ou naturelle, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2101992 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau, d'une part, a annulé la décision du 8 juin 2021 du président de la communauté d'agglomération Pays basque portant rejet de la demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il classe la partie sud de la parcelle cadastrée section AO n° 61 en zone naturelle, d'autre part, a enjoint à cette autorité de convoquer le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque en vue de l'adoption d'une délibération engageant une procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il concerne ce classement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 février 2023, le 22 janvier 2024 et le 12 février 2024, la communauté d'agglomération Pays basque, représentée par Me Gauci, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101992 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la requête de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable faute de " liaison du contentieux " : M. B... a sollicité l'abrogation du plan local d'urbanisme d'Urt en tant qu'il classe en zone N la parcelle cadastrée section AM n° 61 et non la parcelle cadastrée section AO n° 61, de sorte qu'aucune décision de refus d'abrogation du classement en zone N de la parcelle AO n° 61 n'est intervenue ;
- le classement en zone N de la parcelle AO n° 61 est justifié par ses caractéristiques et sa situation :
* il s'agit d'une parcelle de 13 046 m2, représentant 5 971 m2 dans sa partie sud, supportant des constructions précaires et abandonnées au sud et s'ouvrant sur un vaste secteur naturel au nord, à l'ouest et à l'est ;
* cette parcelle ne prend pas place dans la zone de centralité du bourg dont elle est séparée par la route départementale dite route d'Urcuit ;
* elle se trouve en sortie de ville et non en sortie de bourg ;
* elle n'est pas ciblée comme potentiel de densification urbaine ;
* elle n'est pas desservie par le réseau d'assainissement collectif, ni par le réseau électrique, ainsi que cela ressort du refus de permis de construire du 3 août 2023 ;
- le classement en zone N de la parcelle AO n° 61 est justifié par la vocation de la zone telle que définie à l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme au regard des éléments figurant dans le rapport de présentation :
* la parcelle AO n° 61 a été identifiée comme une zone à enjeux écologiques ;
* elle est reliée au réseau hydrographique ;
* elle a été classée pour 5 971 m2 en zone N et pour 7 075 m2 en zone Nbd en raison de la présence d'habitats naturels et anthropiques ;
* elle est concernée par un jardin arboré et une chênaie ;
* sa soustraction de l'urbanisation permet d'assurer une continuité de la trame verte et bleue ;
* elle est identifiée comme un " ensemble paysager d'intérêt " ;
* l'emprise de 5 971 m², supportant des constructions précaires et abandonnées, jouxte 7 075 m2 de terrains classés en zone Nbd (biodiversité) en vue de garantir les conditions du maintien de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques ;
- le classement en zone N de la parcelle AO n° 61 est justifié par les orientations du plan d'aménagement et de développement durables (PADD) et le parti d'aménagement retenu :
* le classement est justifié par les orientations générales, notamment l'orientation 3, du PADD qui vise à garantir les conditions du maintien de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques ;
* le classement de la partie sud représentant 5 971 m2 vise à préserver et à renforcer le maillage entre les corridors écologiques ;
* les orientations 2, 3 et 4 du PADD ne peuvent être écartées au bénéfice de la seule orientation 1, d'autant moins que le classement en zone urbaine de 5 971 m² n'est pas cohérent avec cette dernière orientation ;
* l'objectif de renaturation des sols, couplé à la volonté des auteurs du PLU de préserver un réservoir de biodiversité et de restaurer une continuité écologique, justifie le classement en zone N ;
- le classement en zone N est justifié par le SCOT qui prône la préservation des réservoirs de biodiversité complémentaires ainsi que la préservation du réseau des continuités écologiques au titre de l'orientation B.2 ;
- les premiers juges ont fait une évaluation exagérée du montant des frais exposés en première instance, il doit lui être accordé 3 000 euros à ce titre en appel.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2023 et le 31 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Cambot, conclut au rejet de la requête, à la déclaration d'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il classe la parcelle section AO n° 61 en zone N, à l'annulation du refus d'abrogation du président de la communauté d'agglomération Pays basque, à ce qu'il soit enjoint à cette communauté d'agglomération de procéder à un nouveau classement de ladite parcelle, au minimum sur son emprise artificialisée, en zone autre qu'agricole ou naturelle, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de la communauté d'agglomération Pays basque d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux, opposée en première instance par la communauté d'agglomération Pays basque, a été écartée à bon droit par les premiers juges ; en effet, la mention de la parcelle AM n° 61 dans la demande préalable était une simple erreur de plume aisée à déceler par l'administration, compte tenu notamment des photographies fournies et du fait que cette parcelle n'est pas classée en zone N ;
- les autres moyens soulevés par la communauté d'agglomération Pays basque ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 février 2024, la clôture d'instruction a été en dernier lieu fixée au 15 mars 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- et les observations de Me Gauci, représentant la communauté d'agglomération Pays basque, de Me Corbier-Labasse, représentant M. B... et de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 février 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque a approuvé la révision générale du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune d'Urt. Par un courrier en date du 27 mai 2021, M. B..., propriétaire d'un ensemble immobilier dit " La laiterie " implanté sur un terrain comprenant plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune d'Urt, a saisi le président de la communauté d'agglomération Pays basque d'une demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il classe l'une de ses parcelles en zone naturelle. Par une décision du 8 juin 2021, cette demande a été rejetée. Par un jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau, d'une part, a annulé la décision du 8 juin 2021 du président de la communauté d'agglomération Pays basque portant rejet de la demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il classe la partie sud de la parcelle cadastrée section AO n° 61 en zone naturelle, et d'autre part, a enjoint à cette autorité de convoquer le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque en vue de l'adoption d'une délibération engageant une procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il concerne ce classement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La communauté d'agglomération Pays basque doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il fait droit à une partie des conclusions de M. B....
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, qui ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol, de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone N, pour les motifs énoncés par les dispositions citées au point précédent, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) et du rapport de présentation, que les auteurs du PLU d'Urt ont eu l'intention, traduite par l'objectif 4 de l'orientation 1 du PADD, de " privilégier la centralité pour optimiser le fonctionnement de son territoire " en limitant les possibilités de construire au plus près du bâti existant, tout en respectant les enjeux environnementaux. A travers l'orientation 3 du PADD, ils ont à ce dernier égard entendu affirmer leur volonté de " garantir les conditions de maintien de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques ". Cette orientation se décline en trois objectifs : l'objectif 1 visant à maintenir les fonctionnalités écologiques en respectant l'intégrité des grands ensembles naturels (réservoirs de biodiversité) tout en préservant les éléments de maillage entre eux que sont les corridors écologiques, l'objectif 2 s'attachant à écarter des zones de développement tout habitat naturel d'intérêt communautaire dont les enjeux de conservation sont significatifs et l'objectif 3 tendant à préserver les corridors écologiques.
5. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AO n° 61, d'une contenance totale de 13 046 m2, a été classée en zone N (naturelle) dans sa partie sud représentant 5 971 m2 et en zone Nbd (biodiversité) dans sa partie restante d'une superficie de 7 075 m2. La partie sud de cette parcelle, dont le classement est seul contesté, est située dans le périmètre du " bourg neuf " de développement récent, le long de la route départementale dite route d'Urcuit, à proximité, à l'ouest, de trois constructions classées en zone Ubd, et à l'est, de quelques constructions également classées en zone Ubd dont elle est cependant coupée par un vaste espace boisé. Si, dans sa partie sud, la parcelle dont le classement est en litige borde une zone urbanisée, elle s'en trouve séparée par la route départementale. Par ailleurs, la parcelle en cause s'ouvre sur un vaste secteur naturel et boisé au nord, à l'ouest et à l'est qui est compris dans le secteur Nbd identifié dans le rapport de présentation comme visant des espaces à enjeu majeur en termes de biodiversité en ce qu'il intègre les entités correspondant aux habitats naturels et habitats d'espèces d'intérêt recensés dans les documents d'objectifs des zones Natura 2000 ainsi que les réseaux fonctionnels constitués des réservoirs biologiques des trames verte et bleue, zones humides boisées, milieu d'intérêt écologique. Ainsi, alors même qu'elle est en grande partie artificialisée et supporte des constructions parmi lesquelles une maison à usage d'habitation desservie par les réseaux publics, les auteurs du plan local d'urbanisme ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de sa situation au cœur d'une zone identifiée comme à enjeux modérés liés aux habitats naturels et habitats d'espèce et des objectifs de l'orientation 3 du PADD rappelés au point 4, classer la partie sud de la parcelle cadastrée section AO n° 61 en zone N dont la vocation est, comme rappelé au point 2, notamment de protéger des secteurs en raison de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles. Les circonstances que cette parcelle était précédemment classée en zone 1 AU et que d'autres parcelles aux caractéristiques équivalentes auraient été classées en zone urbaine ne peuvent être utilement invoquées.
6. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Pays basque est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision du président de la communauté d'agglomération Pays basque du 8 juin 2021 portant refus d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt, en tant qu'il classe la partie sud de la parcelle cadastrée section AO n° 61 en zone naturelle.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Pau. En l'absence d'autres moyens, la communauté d'agglomération Pays basque est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé partiellement la décision de son président du 8 juin 2021, a enjoint au président de convoquer le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque en vue de l'adoption d'une délibération engageant une procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Urt en tant qu'il concerne le classement de la partie sud de la parcelle cadastrée section AO n° 61 et a mis en conséquence une somme à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Pays basque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Pays basque et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2101992 du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... auxquelles le tribunal administratif de Pau a fait droit sont rejetées, ainsi que ses conclusions d'appel.
Article 3 : M. B... versera à la communauté d'agglomération Pays basque une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Pays basque et à M. A... B....
Copie en sera adressée pour information à la commune d'Urt.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2024.
La rapporteure,
Karine Butéri
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX00529