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25/06/2024 | FRANCE | N°22BX02641

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 25 juin 2024, 22BX02641


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société BH Concept, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et de la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont réclamés au titre des cessions de terrains bâtis intervenues sur la période du 1er janvier au 31

décembre 2012.



Par un jugement n° 1705179 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BH Concept, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et de la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont réclamés au titre des cessions de terrains bâtis intervenues sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1705179 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société BH Concept, en droits et majorations, du complément de taxe sur la valeur ajoutée contesté et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 3 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2019 ;

2°) de rétablir la société BH Concept au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour un montant de 264 949 euros.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts est subordonné à l'existence d'une identité juridique entre l'immeuble acquis et celui revendu ; en l'espèce, le terrain à bâtir revendu a été acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti, de sorte que l'identité entre bien acquis et bien revendu n'est pas vérifiée ;

- par ailleurs, les déclarations préalables antérieures à la cession ne décrivent pas précisément les parcelles qui seront créées et les actes postérieurs ont été établis pour les besoins

de la cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, la société BH Concept, représentée par Me Fraignieau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que ;

- les terrains en cause constituaient des terrains à bâtir dès leur acquisition par elle ; en effet, tous ces terrains se trouvaient en zone constructible, préalablement à la signature des actes authentiques d'acquisition et avaient fait l'objet de déclarations préalables de division ainsi que de certificats d'urbanisme et de déclarations préalables ; en conséquence, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge trouvait à s'appliquer ;

- le service a taxé deux fois la même matière imposable en remettant en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge tout en imposant les opérations aux droits de mutation à titre onéreux.

Par un arrêt n° 20BX00181 du 7 avril 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête du ministre.

Par une décision n° 464561 du 11 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par des mémoires enregistrés les 8 décembre 2022 et 21 avril 2023, la société BH Concept, représentée par Me Fraignieau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les terrains en cause constituaient des terrains à bâtir dès leur acquisition par elle ; en effet, tous ces terrains se trouvaient en zone constructible, préalablement à la signature des actes authentiques d'acquisition et avaient fait l'objet de déclarations préalables de division ainsi que de certificats d'urbanisme et de déclarations préalables ; les divisions parcellaires sont également intervenues avant l'acquisition ; en conséquence, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge trouvait à s'appliquer ;

- la doctrine administrative BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 n° 10 et 20 confirme la définition du terrain à bâtir dont elle entend se prévaloir ; la réponse ministérielle, en date du 30/08/2016, à la question écrite de M. B... A... n° 99143 confirme également sa position ;

- toute approche subjective par référence à l'intention des parties serait erronée ;

- en tout état de cause, dès la signature des compromis d'acquisition sous conditions suspensives, la société, comme les cédants, s'étaient entendus sur l'objet des acquisitions, à savoir des terrains à bâtir ;

- est sans influence la qualification retenue dans les actes authentiques d'acquisition, et il convient de redonner aux actes leur véritable qualification juridique d'actes portant sur l'acquisition d'un immeuble bâti, d'une part, et de terrains à bâtir, d'autre part, compte tenu de l'accord de volonté des parties, de la réalisation préalable des démarches d'urbanisme, du renvoi du droit fiscal au droit de l'urbanisme, de l'objectivation de la notion de terrain à bâtir en vue d'assurer la conformité du régime de TVA avec le droit de l'Union européenne et notamment avec la directive 2006/112/CE du 28/11/2006, de la cristallisation des règles d'urbanisme, liée au certificat d'urbanisme et du caractère de prestation unique entre les opérations de livraisons de biens immobiliers et les prestations de divisions cadastrales ;

- le service a taxé deux fois la même matière imposable en remettant en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge tout en imposant les opérations aux droits de mutation à titre onéreux.

Par des mémoires enregistrés les 17 mars 2023 et 4 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que dans sa requête.

Il soutient que :

- les terrains revendus par la société comportaient une construction lorsqu'elle les a acquis ; les constructions n'étant pas impropres à un usage notamment d'habitation et aucune démolition par le cédant n'étant en cours, les acquisitions portaient sur des terrains bâtis ; la circonstance qu'avant l'acquisition, les terrains étaient déjà constructibles et que la société BH Concept avait l'intention de les lotir, n'autorise pas à conclure qu'au moment de leur acquisition, les terrains ne constituaient pas des terrains bâtis, au sens et pour l'application du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts ;

- l'identification des parcelles bâties et non bâties ne résultait pas des mentions de l'acte et les divisions cadastrales ont été constatées par des documents d'arpentage établis après l'acquisition ; la parcellisation des terrains à bâtir est donc intervenue entre l'acquisition et la revente et non avant l'acquisition ;

- la doctrine dont se prévaut la société confirme la position de l'administration ; la réponse ministérielle invoquée a été publiée postérieurement aux opérations en cause ; de plus, la situation de la société n'entre pas dans les prévisions de la réponse ministérielle qu'elle invoque dès lors qu'aucune des mentions des actes d'acquisition ne permettait d'identifier les différentes parcelles.

Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Fraignieau, représentant la société BH Concept.

Considérant ce qui suit :

1. La société BH Concept, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé au cours des années 2012, 2013 et 2014 à des cessions de terrains à bâtir issus de la division parcellaire de terrains comportant des constructions qu'elle a placées, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que ces terrains n'avaient pas été acquis par l'intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l'application de ce régime et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

3. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. Le juge de l'impôt ne peut, pour juger si des terrains à bâtir ont été acquis en cette même qualité par leur cessionnaire auprès de leurs anciens propriétaires, se fonder sur la seule circonstance que la division parcellaire dont ces terrains procèdent avait été autorisée de façon suffisamment précise et détaillée préalablement à cette acquisition, sans rechercher s'il ressort des actes de vente que ces terrains avaient été acquis par la société cédante comme terrains à bâtir, distinctement des terrains supportant des constructions.

4. Il résulte de l'instruction que les actes par lesquels la société BH Concept a acquis les biens dont sont issus les lots revendus mentionnent exclusivement les références cadastrales du terrain initial, y compris s'agissant des biens pour lesquels les modifications du parcellaire cadastral avaient été demandées voire même obtenues avant la signature de l'acte authentique. Il résulte également de ces actes que le bien vendu est désigné globalement, avec l'indication de sa contenance totale et la description des immeubles bâtis qu'ils comportent, et que le prix stipulé est un prix global, sans aucune indication de ventilation entre la partie bâtie et la partie non bâtie. Il ne ressort donc pas des actes de vente que ces terrains ont été acquis par la société BH Concept comme terrains à bâtir, distinctement des terrains supportant des constructions, et ce alors même que les terrains dont il s'agit étaient situés dans des zones constructibles au regard des règles d'urbanisme, que certains des compromis de vente stipulaient une clause suspensive tenant à l'obtention des autorisations d'urbanisme ou de permis de démolir par l'acquéreur et qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents produits par la société intimée qu'elle avait obtenu, avant même l'acquisition, des autorisations de division et des certificats d'urbanisme opérationnels concernant des constructions sur les lots qu'elle envisageait de vendre et qu'elle avait fait procéder, avant ces acquisitions et avec l'accord des propriétaires, à des bornages et à des demandes de modification du parcellaire cadastral, lesquelles, pour certaines, ont donné lieu à des modifications dès avant l'achat des biens par elle. Par suite, la société BH Concept n'est pas fondée à revendiquer l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, prévu par les dispositions précitées, lequel n'est pas applicable à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, comme c'est le cas en l'espèce.

5. Ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour prononcer la décharge des rappels de taxe en litige, sur la nature de terrains à bâtir des biens acquis par la société BH Concept en vue de la revente de tout ou partie des lots issus de leur division. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués tant en appel qu'en première instance par la société BH Concept à l'appui de ses conclusions en décharge de ces rappels de taxe.

Sur les autres moyens invoqués par la société BH Concept :

6. En application de l'article 1594 F quinquies du code général des impôts, les mutations à titre onéreux de terrains à bâtir sont soumises à la taxe de publicité foncière, sauf application des modalités prévues à l'article 268. Si la société BH Concept soutient que les rappels en litige conduisent à une double imposition dès lors que les droits de mutation afférents aux opérations concernées ont été liquidés au taux maximum, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration en ait demandé le paiement ni que ces droits aient été acquittés ni, dans le cas où ils auraient été acquittés, que l'administration en ait refusé le remboursement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1594 F quinquies du code général des impôts doit être écarté.

7. Les rappels de taxe litigieux sont fondés sur l'application de la loi fiscale. Si la société BH Concept a invoqué en première instance un moyen tiré de l'illégalité de la doctrine de l'administration que celle-ci lui aurait opposée, ce moyen est inopérant dès lors que la doctrine n'est pas la base légale de l'imposition.

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

9. Aux termes de la doctrine de l'administration référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 n° 10 et 20 publiée le 29 septembre 2014 invoquée par la société : " 10. Le 1° du 2 du I de l'article 257 du CGI retient une définition objective du terrain à bâtir (TAB) qui prescrit de considérer comme tels tous les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application des documents qui caractérisent leur situation au regard des règles d'urbanisme. Sont donc sans incidence sur cette qualification tant les intentions de l'acquéreur du terrain que l'emploi qui en est effectivement fait, quand bien même ils déterminent le régime des droits de mutation quand l'acquéreur est un assujetti à la TVA (CGI, art. 1594-0 G). 20. Ce faisant, le législateur a retenu une définition de nature administrative, autonome des définitions fiscales connues par ailleurs qui reposent sur un critère de constructibilité effective. En l'espèce, aux termes mêmes du texte, la qualification de terrain à bâtir sera acquise dès lors que " des constructions peuvent être autorisées en application des documents (d'urbanisme) ", indépendamment de la question de savoir si la réalisation concrète d'une construction se trouve en outre subordonnée à la réalisation d'autres conditions tenant, par exemple, à des exigences de surface, de densité ou de consistance, ou encore au respect de servitudes du fait de tiers. / Il s'agit donc des terrains pour lesquels, au moment de leur livraison, la documentation publique opposable ne fait pas obstacle à construire, quelle que soit la densité de construction autorisée et sans qu'il soit nécessaire d'apporter préalablement une modification aux documents en cause ".

10. Dès lors que le paragraphe 110 de cette doctrine indique que " Il ressort tant de l'articulation de la directive que du texte législatif national que les notions de terrain à bâtir et d'immeuble bâti sont exclusives l'une de l'autre. Ainsi peut seul constituer un terrain à bâtir un terrain qui ne comporte pas d'ores et déjà des " bâtiments ", au sens de " construction incorporée au sol " (cf. I-A § 10), qu'il s'agisse d'immeubles neufs ou d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans ", la doctrine invoquée ne peut être regardée comme donnant des dispositions légales applicables une interprétation différente de celle qui en est faite dans le présent arrêt.

11. La réponse ministérielle, en date du 30/08/2016, à la question écrite de M. B... A... n° 91143 indique : " S'agissant des dispositions applicables en matière de TVA, l'article 268 du CGI prévoit que la cession d'un terrain à bâtir est soumise à la TVA sur la marge lorsqu'il n'a pas ouvert droit à déduction lors de son acquisition initiale. La mise en œuvre de ce régime dérogatoire au principe selon lequel la TVA est calculée sur le prix total, suppose ainsi nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique. Ainsi, en cas de division parcellaire intervenue entre l'acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique telle une modification des superficies vendues par rapport à l'acte d'acquisition, la taxation doit se faire sur le prix de vente total en application des articles 266 et 267 du CGI. En revanche, lorsque la division parcellaire est antérieure à l'acte d'acquisition initial ou qu'un document d'arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d'identifier les différentes parcelles dans l'acte, la taxation sur la marge s'applique dès lors qu'aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n'est intervenu avant la revente ".

12. La société BH Concept ne peut utilement se prévaloir de cette réponse dès lors qu'elle est postérieure à la mise en recouvrement des droits initiaux. Au surplus, si elle indique que le régime de la taxe sur la marge s'applique si la division parcellaire est antérieure à l'acte d'acquisition initial ou qu'un document d'arpentage a été établi pour les besoins de la cession, c'est à la condition que ces opérations permettent d'identifier les différentes parcelles dans l'acte, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les actes ne comportant, comme il a été dit, aucune différentiation entre les parcelles issues de la division.

13. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, a déchargé la société BH Concept des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour un montant de 264 949 euros et à demander que ces droits soient remis à la charge de la société.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la société BH Concept au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société BH Concept au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour un montant de 264 949 euros sont remis, en droits et majorations, à la charge de la société BH Concept.

Article 3 : Les conclusions de la société BH Concept tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société BH Concept.

Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

La présidente assesseure,

Karine ButériLa présidente-rapporteure

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02641
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : DELCADE SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22bx02641 ?
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