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25/06/2024 | FRANCE | N°22BX01224

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 25 juin 2024, 22BX01224


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2017.



Par un jugement n° 2100085 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour administrative d'appel :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2022 et le 23 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Tournoud, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2017.

Par un jugement n° 2100085 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2022 et le 23 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- le tribunal a jugé sans considération des faits et des pièces du dossier, et en se contredisant au point 9 du jugement attaqué, que l'imposition reposerait sur ses propres déclarations consignées dans un procès-verbal du 21 septembre 2016 alors qu'il lui a été demandé de contribuer à sa propre incrimination en se désignant bénéficiaire des revenus distribués ;

- en lui demandant de se désigner comme bénéficiaire des revenus distribués, le service a méconnu l'article 14.3.g du pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen applicable en cas de contestation des pénalités fiscales ;

- la décision de réintégrer les revenus distribués dans la base taxable repose sur ses déclarations orales obtenues dans le cadre de la procédure de contrôle sans qu'il ait été informé de la possibilité de recourir à un conseil ni bénéficié du délai de 30 jours prévu par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ;

- elle méconnaît également l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, l'article L. 122-1 du code de justice administrative et l'article 6 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- il a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP) sans bénéficier des garanties attachées à ce contrôle ;

- les propositions de rectification des 21 novembre 2016 et 25 juillet 2017 ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elles ne permettent pas de déterminer si le service se fonde sur les dispositions de l'article 109, sur celles de l'article 111 a) ou sur celles de l'article 111 c) du code général des impôts ;

- les propositions de rectification ne font référence à aucun document, et notamment pas à la proposition de rectification adressée à la société MICS ;

- l'administration doit apporter la preuve, ce qu'elle ne fait pas, de ce que la proposition de rectification adressée à la société MICS a été jointe à l'envoi de la première proposition de rectification qui lui a été adressée ;

- la proposition de rectification adressée à la société MICS n'a pas été jointe à l'envoi de la seconde proposition de rectification qui lui a été adressée ;

- la référence aux motifs de la première proposition de rectification ne figure pas sur la seconde proposition de rectification ;

- la seconde proposition de rectification ne comportait pas une motivation suffisamment explicite pour lui permettre de présenter ses observations.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- s'agissant des redressements fondés sur le c) de l'article 111 du code général des impôts, l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il est maître de l'affaire alors que son fils, associé majoritaire et gérant de droit, a été en mesure d'appréhender les revenus distribués ;

- l'administration ne démontre pas que les sommes imposées sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts correspondent à une ou plusieurs opérations individualisées et identifiées ;

- la substitution de base légale visant à ce que le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts soit substitué à l'article 111 du même code modifierait les règles de la charge de la preuve et le priverait d'une garantie substantielle.

En ce qui concerne les pénalités :

- les pénalités ne sont pas suffisamment motivées ;

- elles ne sont pas fondées dans leur principe dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a eu la volonté d'éluder l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 octobre 2022 et le 6 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B... n'ayant pas contesté l'impôt sur le revenu 2017, qui s'élève à 6 014 euros en droits et 2 586 euros en pénalités pour 22 275 euros de salaires non déclarés, la requête est irrecevable dans cette mesure ;

- les moyens soulevés par M. B... sont infondés ;

- à titre subsidiaire, les rehaussements sont justifiés au regard de l'article 109-1-1° du code général des impôts qu'il y a lieu de substituer à l'article 111 c) du même code.

Par une ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2023.

Par un courrier du 29 avril 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin de décharge des pénalités en ce qu'ils reposent sur une cause juridique nouvelle en appel.

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2024, M. B... a présenté ses observations sur ce courrier.

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté ses observations sur ce courrier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Butéri,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) MICS exerce une activité de commerce de détail d'habillement sous l'enseigne " Dune ". Cette société, dont M. A... B... est le gérant de fait, a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2012 au 30 octobre 2015, étendue au 30 avril 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2012 à 2015 pour un montant total, en droits et pénalités, de 385 635 euros. Tirant les conséquences de cette vérification de comptabilité, l'administration a informé M. B..., par deux propositions de rectification du 21 novembre 2016 et du 25 juillet 2017, de son intention de l'imposer à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison des revenus regardés comme distribués par la société. Les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2018 pour un montant total, en droits et majorations, de 291 641 euros. Par ailleurs, à l'issue d'une seconde vérification de comptabilité de la société MICS, qui a porté sur les exercices clos de 2016 à 2018, le service a informé M. B..., par une proposition de rectification du 13 septembre 2019, de son intention de l'assujettir, à raison des revenus regardés comme distribués par la société MICS, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour un montant total, en droits et majorations, de 107 647 euros au titre des années 2016 à 2018. Après le rejet, le 20 novembre 2020, de sa réclamation contentieuse, M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2013 à 2017. Il relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la procédure de désignation des bénéficiaires des revenus distribués :

2. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. "

3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la première vérification de comptabilité de la société MICS, l'administration a, par application de l'article 117 du code général des impôts, demandé à cette personne morale de désigner les bénéficiaires des revenus distribués. Le conseil de la société MICS a indiqué au service, par un courrier du 23 décembre 2016, que M. B... était le bénéficiaire de ces distributions à hauteur de 15 805 euros pour 2014 et de 5 536 euros pour 2015. Par un courrier du 10 juillet 2017 qu'il a signé, M. A... B... s'est lui-même désigné, en sa qualité de gérant de fait, comme bénéficiaire de ces revenus distribués.

4. Premièrement, M. B... soutient qu'en ayant été sollicité par l'administration pour se désigner comme bénéficiaire des distributions, il aurait été contraint de procéder à sa propre incrimination en méconnaissance du paragraphe 3 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule que " Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit en pleine égalité au moins aux garanties suivantes : (...) g) à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable " et des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant que ces stipulations sont regardées comme garantissant le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

5. Toutefois, d'une part, les stipulations du paragraphe 3 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ont pour objet de protéger les droits des personnes accusées d'une infraction pénale. Par suite, M. B... ne peut utilement s'en prévaloir à l'appui de sa contestation des impositions en litige qui ne sanctionnent pas une infraction pénale.

6. D'autre part, en faisant application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration fiscale n'a fait que mettre en œuvre une procédure qui n'oblige pas la personne morale sollicitée à s'incriminer elle-même. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ".

8. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pas bénéficié du délai de trente jours pour répondre à la demande de désignation de l'administration fiscale, il ne peut utilement invoquer l'article L. 11 du livre des procédures fiscales dès lors qu'en s'étant désigné comme bénéficiaire des revenus distribués, il ne peut être regardé comme ayant répondu à une demande de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements ni même à une notification émanant de l'administration qui a seulement interrogé la société MICS sur l'identité des bénéficiaires des distributions.

9. Troisièmement, M. B... n'ayant pas fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle, il ne peut utilement soutenir qu'il n'a pas bénéficié des garanties attachées à ce contrôle et notamment de la possibilité de recourir à l'assistance d'un conseil prévue par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

S'agissant de la motivation des propositions de rectification :

10. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

11. En premier lieu, la proposition de rectification du 21 novembre 2016 notifiée à M. B... indique qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société MICS, l'administration a considéré que diverses dépenses n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et a estimé qu'elles constituaient des avantages occultes au profit de M. B..., gérant de fait, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c) de l'article 111 du code général des impôts dont les termes sont cités. Le courrier de notification de la proposition de rectification adressée à M. B... et la proposition de rectification elle-même indiquent qu'est jointe en annexe à cette proposition de rectification celle adressée à la société MICS, concernant le rehaussement des résultats de la société et comportant 74 pages. En l'absence de toute démarche de la part de M. B... auprès de l'administration pour signaler une absence de cette annexe ainsi annoncée, cette proposition de rectification doit être regardée comme ayant été jointe à la proposition de rectification qui lui a été envoyée. Cette motivation, qui permettait au contribuable de contester utilement les rectifications envisagées, est suffisante.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société MICS, des rappels d'impôts ont été notifiés à M. B... par le biais d'une première proposition de rectification n° 2120 du 21 novembre 2016 au terme de laquelle les revenus de capitaux mobiliers ont été fixés à 157 474 euros au titre de 2013, 141 609 euros au titre de 2014 et 120 230 euros au titre de 2015. M. B... s'étant désigné, par un courrier du 10 juillet 2017, comme bénéficiaire des distributions, en sa qualité de gérant de fait, à hauteur de 15 805 euros en 2014 et de 5 536 euros en 2015, ces montants ont été ajoutés à ceux initialement taxés dans le cadre de la première proposition de rectification du 21 novembre 2016 par la seconde proposition de rectification du 25 juillet 2017 qui l'indique expressément en faisant référence à la première proposition de rectification adressée à l'intéressé.

13. En troisième lieu, la proposition de rectification du 25 juillet 2017 cite l'article 111 du code général des impôts et rappelle la règle selon laquelle le montant des revenus distribués en application du c) de cet article est multiplié par 1,25. Elle précise, en outre, que les sommes qu'elle détaille constituent des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2014 et 2015. La circonstance que M. B... s'est abstenu de répondre à la proposition de rectification du 25 juillet 2017 ne saurait traduire par elle-même une motivation insuffisante de cette proposition.

14. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification n° 2120 du 21 novembre 2016 notifiée à M. B... fait expressément référence à la proposition de rectification n° 3924 par ailleurs envoyée à la société MICS et mentionne que l'intéressé a été rendu destinataire de cette dernière proposition en sa qualité de gérant de fait de ladite société. Cette mention est corroborée par M. B... lui-même qui, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal, indique que la proposition de rectification n° 3924 adressée à la société le 21 novembre 2016, dont il cite d'ailleurs des extraits, était annexée à la proposition de rectification qui lui a été adressée le même jour. Dans ces conditions, et alors même que la proposition de rectification n° 3924 n'a pas été jointe à la seconde proposition rectification du 25 juillet 2017 envoyée à M. B..., ce contribuable a disposé de l'ensemble des informations auxquelles il avait droit en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour lui permettre d'être éclairé et de répondre utilement aux propositions de rectification qui lui ont été adressées à titre personnel.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

15. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes de l'article 117 de ce code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. ".

16. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 21 novembre 2016, qu'au cours de la vérification de comptabilité de la société MICS, l'administration a constaté qu'au titre des années 2013, 2014 et 2015, cette société avait pris en charge diverses dépenses exposées dans l'intérêt de M. B... lequel, lors du débat oral et contradictoire, a reconnu avoir utilisé la carte bancaire de la société à des fins personnelles, avoir procédé à des virements du compte bancaire de la société vers son compte bancaire personnel et avoir appréhendé toutes les recettes en espèce. Par la première proposition de rectification du 21 novembre 2016, l'administration a, sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts, imposé entre les mains de M. B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les sommes de 157 474 euros au titre de 2013, 141 609 euros au titre de 2014 et 120 230 euros au titre de 2015 en tant que rémunérations et avantages occultes. M. B... s'étant désigné, par un courrier du 10 juillet 2017, comme bénéficiaire des distributions, en sa qualité de gérant de fait, à hauteur de 15 805 euros en 2014 et de 5 536 euros en 2015, ces derniers montants ont été ajoutés, par la seconde proposition de rectification du 25 juillet 2017, à ceux initialement taxés dans le cadre de la première proposition de rectification du 21 novembre 2016.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 21 novembre 2016, que l'administration n'a pas appliqué aux sommes visées au c) de l'article 111 du code général des impôts la présomption d'appréhension par le maître de l'affaire dégagée pour les revenus réputés distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du même code. Dès lors, le moyen tiré de ce que, faute de démontrer la qualité de maître de l'affaire de M. B... et d'être en présence de sommes et d'opérations individualisées, le service ne pouvait mobiliser la présomption d'appréhension par le maître de l'affaire, est inopérant.

18. En deuxième lieu, lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt. Il appartient, en revanche, à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution dès lors que le bénéficiaire désigné a refusé les redressements qui lui ont été notifiés.

19. En réponse à la proposition de rectification du 21 novembre 2016 invitant la société MICS à faire connaître, en application des dispositions citées au point 7 de l'article 117 du code général des impôts, toutes indications complémentaires sur l'identité des bénéficiaires réels des sommes distribuées, le conseil de cette société a indiqué au service, par un courrier du 23 décembre 2016, que M. B... était le bénéficiaire de ces distributions à hauteur de 15 805 euros pour 2014 et de 5 536 euros pour 2015, ce que M. B..., qui ne conteste pas être le gérant de fait de la société, a confirmé par un courrier du 10 juillet 2017. En l'absence de preuve contraire qui lui incombe, il doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus distribués en cause.

20. En troisième lieu, ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal administratif, pour établir l'appréhension des distributions pour lesquelles M. B... ne s'est pas reconnu bénéficiaire, l'administration s'est fondée sur les propres déclarations de l'intéressé, consignées dans un procès-verbal du 21 septembre 2016, où il a reconnu payer différentes charges personnelles telles que le loyer de son appartement et ses factures de gaz, d'électricité et de téléphone avec la carte bancaire de la société MICS et avoir acheté par le biais de cette société une voiture utilisée à des fins personnelles. M. B... a également déclaré bénéficier de virements réguliers du compte bancaire de la société MICS sur son compte bancaire personnel, et avoir appréhendé personnellement les recettes espèces qui ne sont pas remises en banque. La liste des frais personnels engagés par M. B... est également annexée à la proposition de rectification du 21 novembre 2016. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'administration, qui indique avoir imputé à M. B... et à son fils les dépenses payées, respectivement, par chacun d'eux avec la carte bancaire dont il disposait, aurait imputé à M. B... des dépenses ayant en réalité bénéficié à son fils, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension des sommes en litige par M. B....

Sur les conclusions à fin de décharge des pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". La pénalité pour mauvaise foi prévue par ces dispositions a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

22. D'une part, il résulte de l'instruction que les propositions de rectification qui ont été notifiées à M. B... sont suffisamment motivées dès lors qu'elles comportent le montant détaillé des pénalités appliquées, la base légale de l'article 1729 du code général des impôts et les motifs de la pénalité de 40% appliquée en raison du montant significatif des recettes appréhendées, du caractère répété du comportement de ce contribuable et de l'accomplissement conscient des manquements commis.

23. D'autre part, en relevant la qualité de gérant de fait de M. B..., la circonstance qu'il a reconnu que des frais d'un montant significatif n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise et le caractère répété de son comportement, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de ce contribuable d'éluder l'impôt, et en conséquence comme justifiant de la pénalité de 40 % qui lui a été infligée.

24. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles tendant au paiement des entiers dépens de l'instance, laquelle n'en comporte au demeurant aucun, doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction régionale de contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2024.

La rapporteure,

Karine Butéri

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01224
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : SCP ARBOR - TOURNOUD & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22bx01224 ?
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