Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Latresne PLU's et mieux " a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le maire de la commune de Latresne a accordé à la société Philo Invest un permis pour la construction, après démolition de trois constructions existantes, d'un bâtiment à usage d'activités d'une surface de 1 495 m² sur les parcelles cadastrées section AK n° 0300, 0302, 0304, 0305 et 0333 situées 9 rue de la Salargue, ensemble la décision du 26 avril 2023 par laquelle le maire de la commune de Latresne a rejeté son recours grâcieux formé contre ce permis de construire.
Par une ordonnance n° 2303327 du 18 juillet 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2023, et un mémoire enregistré le 22 mai 2024, l'association " Latresne PLU's et mieux ", représentée par Me Corbier-Labasse, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2303327 rendue le 18 juillet 2023 par le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le maire de Latresne a délivré à la société Philo Invest un permis de construire, ensemble la décision du 26 avril 2023 par laquelle il a rejeté son recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) de condamner la commune de Latresne à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande présentée par l'association requérante comme manifestement irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir sans l'avoir au préalable invitée à régulariser sa requête ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que l'association requérante justifie d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire en litige ;
- le dossier de demande de permis de construire en cause n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme dès lors qu'il est entaché d'inexactitude quant à la superficie totale du terrain d'assiette du projet ;
- le dossier de demande de permis de construire en cause n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne comporte pas de pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public alors que le bâtiment à usage d'activités projeté empiète sur un décroché de trottoir relevant du domaine public communal et que son avant-toit surplombe le domaine public communal ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construite attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA3 du PLU de Latresne et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que la voie publique desservant le projet en cause accuse, par endroits, une largeur inférieure à 3 mètres 50, et qu'elle ne respecte pas les obligations concernant l'accessibilité pour les personnes handicapées prévues par le décret du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA4 du règlement du plan local d'urbanisme de Latresne et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'accord du gestionnaire du réseau public d'assainissement n'a pas été recueilli et que rien ne garantit qu'en raison de l'imperméabilisation des sols générée par le projet en cause, le débit de fuite maximale à la parcelle sera effectivement de 3 litres par hectare et par seconde comme le prescrivent les dispositions de l'article UA4 du PLU précitées ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Latresne dès lors que le projet en cause prévoit une implantation en limite séparative avec la parcelle AK425 appartenant à la commune, et ce avec une hauteur à l'égout du toit de 9 mètres ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Latresne dès lors que les toitures du bâtiment projeté seront de couleur sombre ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué est illégal du fait du caractère erroné du plan de prévention du risque naturel d'inondation en ce qu'il classe les parcelles assiettes du projet en cause en zone rouge centre urbain ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le maire aurait dû refuser de délivrer le permis de construire litigieux en raison de l'existence d'un risque d'inondation ;
- l'arrêté portant délivrance de permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme dès lors qu'un sursis à statuer aurait dû être opposé à la demande de permis de construire présentée par la société pétitionnaire au motif que, suite au débat relatif aux orientations générales du PADD intervenu le 10 septembre 2020, le projet de révision du PLU de Latresne classerait les parcelles assiettes du projet en cause en zone UR dite " zone urbaine de projet ".
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2024 et le 23 mai 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Latresne, représentée par la SCP CGCB et Associés, prise en la personne de Me Gauci, conclut, à titre principal, au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire litigieux en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, à ce que l'association " Latresne PLU's et mieux " soit condamnée à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le président de l'association requérante était, à la date d'introduction de la demande de première instance, dépourvu de toute qualité pour agir en son nom à l'encontre de l'autorisation d'urbanisme litigieuse ;
- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er février, le 18 avril 2024 et le 28 mai 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Philo Invest, représentée par la SELARL Urbanblaw Avocats, puis par la SELARL Cabinet Coudray, conclut, à titre principal, au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire litigieux en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, à ce que l'association " Latresne PLU's et mieux " soit condamnée à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que l'association requérante n'a pas d'intérêt pour agir contre l'autorisation d'urbanisme en litige ;
- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de M. Michael Kauffmann, rapporteur public,
- les observations de Me Corbier-Labasse, représentant l'association Latresne PLU's et mieux,
- les observations de Me Triantafilidis, représentant la commune de Latresne,
- et les observations de Me Chatel, représentant la société Philo Invest.
Considérant ce qui suit :
1. La société Philo Invest a déposé, le 8 novembre 2022, une demande de permis de construire portant sur la création, après démolition de trois constructions préexistantes, d'un bâtiment à usage d'activités d'une surface de 1 495 m² sur les parcelles cadastrées section AK n°s 0300, 0302, 0304, 0305 et 0333 situées 9 rue de la Salargue à Latresne. Par arrêté du 3 mars 2023, le maire de Latresne a délivré à la société Philo Invest le permis de construire sollicité. L'association " Latresne PLU's et mieux " relève appel de l'ordonnance n° 2303327 du 18 juillet 2023 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2023 précité, ensemble la décision du 26 avril 2023 par laquelle le maire de Latresne a rejeté son recours gracieux formé contre cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à l'ordonnance attaquée : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ".
4. En l'espèce, et d'une part, il ressort des pièces du dossier que les statuts de l'association " Latresne PLU's et mieux ", déposés à la préfecture de la Gironde le 24 septembre 2012 et modifiés le 25 octobre de la même année, lui donnent pour objet " de conduire toutes réflexions, toutes études et actions permettant de favoriser un développement équilibré et qualitatif du cadre de vie Tresnais, au plan de l'urbanisme, de l'aménagement, de l'accès aux services et de la protection et de la mise en valeur de ses sites et de ses ressources naturelles ". Un tel objet social confère ainsi à l'association requérante une capacité et un intérêt à ester en justice contre les autorisations d'urbanisme de nature à porter atteinte au développement équilibré et qualitatif du cadre de vie des habitants de Latresne. D'autre part, il ressort du dossier de demande de permis de construire déposé par la société Philo Invest le 8 novembre 2022 que le projet litigieux, d'une surface totale de 1 495 m², consiste en la création, sur un terrain situé 9 rue de la Salargue à Latresne, soit en zone UA du plan local d'urbanisme de la commune, d'un bâtiment à usage d'activités en R+2 comprenant un parking en rez-de-chaussée de 25 places de stationnement, après démolition de trois constructions préexistantes d'une surface totale de 340 m². Or, un tel bâtiment à usage d'activités est, de par sa nature même, sa superficie, son implantation en zone urbaine mixte ainsi que de par la densification qu'il induit, susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants de Latresne, dont l'association requérante a pour objet de favoriser le développement équilibré et qualitatif, notamment sur le plan de l'urbanisme. Dans ces conditions, l'association requérante a donc bien intérêt pour agir contre l'autorisation d'urbanisme en litige. Par suite, l'association " Latresne PLU's et mieux " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2023 litigieux comme manifestement irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'association " Latresne PLU's et mieux " devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur sa demande de première instance.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Latresne la somme que l'association " Latresne PLU's et mieux " demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Latresne et la société Philo Invest soient mises à la charge de l'association " Latresne PLU's et mieux ", qui n'est pas la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2303327 rendue le 18 juillet 2023 par le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur la demande de l'association " Latresne PLU's et mieux ".
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association " Latresne PLU's et mieux ", la commune de Latresne et la société Philo Invest, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Latresne PLU's et mieux ", à la société Philo Invest ainsi qu'à la commune de Latresne.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La présidente-assesseure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02400 2