Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 8 août 2021 par laquelle le maire d'Arès a implicitement rejeté sa demande du 7 juin 2021 tendant à l'abrogation de la délibération du 27 avril 2017 approuvant la révision du plan local d'urbanisme d'Arès en tant qu'il classe sa parcelle cadastrée section AT n°5 en zone N et en " espace à planter ".
Par un jugement n° 2104650 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite du 8 août 2021 du maire d'Arès en tant qu'elle identifie la parcelle cadastrée section AT n°5 en " espace à planter " et a enjoint au maire d'Arès de convoquer le conseil municipal, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, en inscrivant à l'ordre du jour la modification du plan local d'urbanisme en tant qu'il identifie la parcelle cadastrée section AT n°5 comme un " espace à planter ".
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2023 et le 7 mars 2024, M. A... B..., représenté par Me Achou-Lepage, demande à la cour :
1°) de réformer partiellement ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2023 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande de 1ère instance ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le maire d'Arès a implicitement rejeté sa demande du 7 juin 2021 tendant à l'abrogation de la délibération du 27 avril 2017 approuvant la révision du plan local d'urbanisme d'Arès en tant qu'il classe sa parcelle cadastrée section AT n°5 en zone N et en " espace à planter " ;
3°) d'enjoindre au maire d'Arès de réunir le conseil municipal afin de modifier le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe sa parcelle en zone N, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Arès la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de sa parcelle en zone naturelle ;
- le classement de sa parcelle cadastrée section AT n°5 en zone naturelle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme ;
- la délibération du 27 avril 2017 a été prise en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales dès lors que le maire d'Arès, qui a été rapporteur du projet de cette délibération, était intéressé à l'affaire puisqu'il est propriétaire de deux parcelles dans le lotissement du " Hameau de Paco ", à savoir la parcelle située 10 allée de la Pinède au nord du hameau de Paco et la parcelle bâtie située 7 impasse du ruisseau, contiguë à sa propre parcelle cadastrée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2023 et le 14 mars 2024, la commune d'Arès, représentée par Me Krebs, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales est irrecevable dès lors qu'il relève d'une cause juridique distincte de l'argumentation soulevée avant l'expiration du délai de recours, tenant à l'illégalité interne de la décision contestée, et constituait ainsi une demande nouvelle présentée tardivement ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Edwige Michaud,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- les observations de Me Achou-Lepage, représentant M. B..., et de Me Krebs, représentant la commune d'Arès.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire du lot n° 1030 du lotissement " Le Hameau de Paco " situé sur la parcelle cadastrée section AT n°5 à Arès. M. B... a demandé le 9 mai 2015 auprès du maire d'Arès l'obtention d'un certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la construction d'une maison d'habitation et d'un garage sur cette parcelle. Le maire d'Arès a délivré à M. B... un certificat d'urbanisme le 3 novembre 2015 lui indiquant que le terrain est actuellement classé en zone UC, et donc constructible, mais que du fait de la mise en révision du plan local d'urbanisme de la commune par une délibération du 5 février 2009, sa demande était susceptible de se voir opposer un sursis à statuer. Par une délibération du 27 avril 2017, le conseil municipal d'Arès a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune et a classé la parcelle cadastrée section AT n°5 en zone naturelle et en " espace à planter ". M. B... a demandé au maire d'Arès par courrier du 7 juin 2021 d'abroger cette délibération du 27 avril 2017 en tant que le plan local d'urbanisme révisé classe sa parcelle cadastrée section AT n°5 en zone N et en " espace à planter ". Une décision implicite est née du silence gardé par le maire d'Arès sur cette demande. Par un jugement du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite attaquée du maire d'Arès en tant qu'elle identifie la parcelle cadastrée section AT n° 5 en " espace à planter ". M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de première instance.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. À cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation.
4. Le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune d'Arès révisé a pour premier thème la protection et la valorisation du territoire communal qui inclut une orientation de protection durable et rigoureuse des espaces sensibles. Cette orientation fixe comme objectif de classer en zone naturelle protégée les territoires constituant la trame verte et bleue, à savoir l'ensemble des espaces définissant un réseau écologique cohérent d'intérêt majeur, et notamment les milieux humides majeurs comme le ruisseau du Cirès et sa forêt galerie ainsi que les secteurs naturels en cours de reconstitution aux abords du Cirès qui en renforcent la protection. Un autre objectif de cette orientation est de conforter le rôle des coupures d'urbanisation de la pinède s'étendant de part et d'autre du Cirès par le renforcement d'un front boisé. Il ressort en outre des extraits du rapport de présentation produits par M. B... que l'une des deux coupures d'urbanisation de la commune d'Arès passe par le Cirès et ses boisements alluviaux et le tissu de pinède situé de part et d'autre de ce ruisseau.
5. La parcelle de M. B..., bordée au Sud par la route départementale D3, se situe à l'extrémité est d'un lotissement dénommé le " Hameau de Paco ", situé à deux kilomètres du bourg et qui comprend environ 80 constructions. Ce terrain, précédemment classé en zone UC est raccordé aux différents réseaux publics d'électricité, d'eau potable et d'assainissement collectif. Il est entouré au nord, à l'ouest et à l'est par des constructions appartenant au lotissement. Il est vierge de construction et abrite quelques rares arbres sur sa partie est. Au sud, le terrain longe la route départementale qui constitue la limite nord d'une vaste zone urbanisée de la commune classée UKa. Si la parcelle de M. B... est bordée au sud-est par les boisements limitrophes au ruisseau du Cirès, elle ne constitue pas un élément de la trame verte et bleue formée par le ruisseau du Cirès dont elle est séparée par une vaste zone boisée qui a fait l'objet d'une double protection par un classement Nli " zone naturelle protégée " et une servitude d'espace boisé protégé au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, l'examen des cartes produites au dossier révèle que l'ensemble des constructions qui bordent la zone Nli, selon une configuration identique à la parcelle du requérant, est classé dans des zones urbanisées, UC ou Uka. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain en lui-même constituerait un espace naturel à part entière ou serait pourvu d'un quelconque intérêt écologique ou paysager, qui nécessiterait une protection particulière. Par suite, le classement du lot n°1030 de la parcelle cadastrée section AT n° 5 en zone N est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision implicite attaquée. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite attaquée sans faire intégralement droit à sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au maire d'Arès de convoquer le conseil municipal, dans un délai de deux mois, en inscrivant à l'ordre du jour la modification du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe le lot n°1030 appartenant à M. B... de la parcelle cadastrée section AT n°5 en zone N.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Arès demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Arès une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2023 est annulé.
Article 2 : La décision implicite de rejet du 8 août 2021 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au maire d'Arès de convoquer le conseil municipal, dans un délai de deux mois, en inscrivant à l'ordre du jour la modification du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe le lot n°1030 appartenant à M. B... de la parcelle cadastrée section AT n°5 en zone N.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Arès.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024
La rapporteure,
Edwige MichaudLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01239