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20/06/2024 | FRANCE | N°23BX01140

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 20 juin 2024, 23BX01140


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... F... et Mme A... E..., en leur qualité de représentants légaux de leur enfant B..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer, respectivement, 80% et 20% de leur dommage.



Par un jugement n° 1800279 du 19 février 2019, le tribu

nal administratif a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à M. F... et Mme E... la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... et Mme A... E..., en leur qualité de représentants légaux de leur enfant B..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer, respectivement, 80% et 20% de leur dommage.

Par un jugement n° 1800279 du 19 février 2019, le tribunal administratif a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à M. F... et Mme E... la somme de 2 500 euros et rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 19BX01621 du 4 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. F... et Mme E... contre ce jugement.

Par une décision n° 460136 du 27 avril 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 19BX01621 du 4 novembre 2021 et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 23BX01140.

Procédure devant la cour administrative d'appel après renvoi du Conseil d'Etat :

Par un mémoire en reprise d'instance et des mémoires, enregistrés le 9 juin 2023, le 19 septembre 2023 et le 23 octobre 2023, M. F... et Mme E..., représentés par Me Azincourt, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de porter le montant de leur indemnisation à la somme globale de 10 058 434,71 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2013 et de mettre cette réparation à hauteur de 80 % à la charge du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre et de 20 % à la charge de l'ONIAM ;

3°) à titre subsidiaire, de mettre cette réparation à la charge exclusive de l'ONIAM ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre et de son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre est engagée sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique en raison des fautes commises dans la prise en charge de leur fille B... :

- du fait d'un diagnostic tardif de l'entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN) alors que l'équipe médicale aurait dû être alertée de l'intolérance gastrique par l'importance des résidus gastriques, leur permanence et leur aspect ainsi que de l'absence de selles ;

- du fait du non recours à l'alimentation par lait maternel et de la tardiveté de la demande d'analyse du lait maternel 10 jours après la naissance ce qui constitue une perte de chance et a conduit à aggraver la vulnérabilité de leur enfant ; le CHU, qui aurait pu avoir recours à un laboratoire privé, ne peut utilement se prévaloir de l'absence de lactarium ; en outre la pasteurisation n'est indispensable qu'en cas de présence du cytomégalovirus, virus dont Mme E... n'était pas porteuse ainsi que l'ont révélé les tests réalisés trop tardivement ;

- du fait de la prescription fautive de Raniplex à partir du 18 mai 2009 en l'absence d'indication et de diagnostic, faute d'analyse de l'origine du sang présent dans l'estomac et dans les selles et d'évaluation de l'efficacité de ce traitement, arrêté sans justificatif au 10ème jour, et ce quand bien même les risques liés à la prescription de ce médicament n'étaient pas connus à l'époque ; cette prescription non indiquée est la cause directe de l'ECUN et a retardé son diagnostic faisant perdre une chance à l'enfant ;

- du fait d'un dysfonctionnement dans l'organisation du service en l'absence de transfert de leur enfant vers un autre établissement de santé pour permettre un rétablissement plus rapide de la continuité intestinale ce qui a favorisé les infections nosocomiales, l'a exposée à des maltraitances du fait des brûlures causées par les fuites des poches de stomies inadaptées à sa taille ;

- les erreurs de l'équipe médicale du CHU ont contribué à aggraver le risque existant pour un enfant prématuré ce qui a fait perdre à leur fille une chance d'éviter la survenance d'une ECUN ce qui justifie que la responsabilité du CHU soit engagée à hauteur de 80% ;

- en raison d'infections nosocomiales directement imputables aux actes de soins, la réparation des préjudices pourra être mise à hauteur de 20% à la charge de l'ONIAM conformément au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- à titre subsidiaire la réparation pourra être accordée au titre de la solidarité nationale prévue par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique en raison de la présence d'un aléa thérapeutique s'agissant de la mauvaise évaluation des résidus gastriques, qui résultent des choix thérapeutiques en matière d'alimentation, et de la prescription de Ranitidine ; la référence à l'état antérieur ne permet pas d'écarter le caractère anormal du risque s'agissant en l'espèce d'un risque dont la fréquence de réalisation n'est pas élevée et au regard des conséquences très graves sur leur fille handicapée à plus de 80% ;

- ils peuvent se prévaloir des préjudices réparables suivants du fait du handicap sévère de leur fille, qui a été considéré comme consolidé au 18 septembre 2013 et pour lequel ils perçoivent une allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AAEH) de catégorie 6 :

- s'agissant des préjudices patrimoniaux avant consolidation :

- frais divers : 63 545,30 euros ;

- tierce personne pour la période du 12 août 2009 au 18 septembre 2013 391 686,67 euros ;

- s'agissant des préjudices patrimoniaux après consolidation :

- dépenses de santé futures : 579 601,07 euros ;

- frais de logement adapté : 9 100 euros ;

- frais de véhicule adapté : 403 750, 90 euros ;

- assistance par une tierce personne : 7 019 021,52 euros correspondant à une rentre mensuelle de 12 978 euros ;

- perte de gains professionnels futurs : 801 828 euros ;

- s'agissant des préjudices extra patrimoniaux temporaires :

- déficit fonctionnel temporaire : 26 443,75 euros ;

- souffrances endurées fixées à 5/7 : 45 000 euros ;

- s'agissant des préjudices extra patrimoniaux permanents :

- déficit fonctionnel permanent : 613 600 euros ;

- préjudice esthétique permanent : 15 000 euros ;

- s'agissant des préjudices indirects sur les parents et la fratrie :

- 30 000 euros pour chacun des parents au titre du préjudice moral et d'affection ;

- 457,50 euros au titre des frais de copie de dossier médical ;

- 14 400 au titre des pertes de revenus de Mme E... ;

- 15 000 euros au titre du préjudice d'affection de la sœur aînée B....

Par un mémoire enregistré le 26 juin 2023 la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane a indiqué ne pas intervenir à l'instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2023, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que ;

- il s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur les manquements éventuels du CHU de Pointe-à-Pitre notamment au regard de la perte de chance ;

- les conditions de sa mise en cause ne sont pas remplies dès lors que les préjudices consécutifs à la survenue d'une ECUN sont en lien avec la prématurité de l'enfant et non avec un acte de prévention de diagnostic ou de soins ; si un lien éventuel avec la prescription de Ranitidine a été évoqué par le second collège d'experts, cette majoration potentielle sur la base d'une étude isolée ne peut être regardée comme un lien direct et certain ; enfin la condition d'anormalité du dommage n'est pas remplie dès lors que ce risque est évalué à 9,8%.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 août et le 5 octobre 2023, le centre hospitalier universitaire de Pointe à Pitre et la société Reylens Mutual Insurance, anciennement Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- aucune faute ne peut lui être imputée s'agissant du diagnostic tardif de l'ECUN qui n'a pas été retenu par les experts, en l'absence de définition des résidus alimentaires pathologiques, alors qu'une surveillance étroite et adaptée et a été mise en place et que la réaction a été rapide et adéquate lors de la dégradation fulgurante de l'état de santé de l'enfant ;

- aucune faute ne peut être retenue s'agissant de l'absence d'alimentation par lait maternel ; l'alimentation mise en place était conforme aux règles de l'art et les conditions pour mettre en place l'alimentation maternelle n'étaient pas remplies ; en l'absence de lactarium, qui n'est pas fautive, la mise à disposition de lait maternel n'était pas possible et le délai pour réaliser les examens du lait maternel ne peut donc être regardé comme fautif alors qu'aucune disposition n'impose aux hôpitaux d'être en mesure de stériliser le lait maternel ;

- la possibilité que la Raniditine ait favorisé la mise en route de l'ECUN n'est qu'une hypothèse et la prescription de ce traitement ne peut être regardée comme fautive ; en outre il n'est pas démontré qu'elle serait à l'origine directe et certaine du dommage, elle n'a pu jouer qu'un rôle causal très secondaire, la prématurité étant la cause principale de cette pathologie ; elle n'a pu ainsi que contribuer qu'à 20% du dommage et doit être réparé au titre de la perte de chance ; ainsi l'indemnisation ne saurait dans ce cas excéder 20% des préjudices;

- les infections nosocomiales ont été traitées de manière adaptée et n'ont pas occasionné du préjudice propre ;

- les conclusions au titre de l'aléa thérapeutique n'appellent aucune observation de sa part ;

- à titre très subsidiaire sur les sommes demandées :

- seuls les frais divers en lien direct et certain avec la faute peuvent être pris en charge et l'indemnité devra être proportionnelle à la perte de chance retenue ;

- les prestations versées au titre du handicap doivent être déduites des sommes dues au titre des besoins d'assistance par tierce personne de même que les réductions d'impôts ; en outre les besoins d'assistance ne différaient pas de ceux d'un enfant du même âge jusqu'aux trois ou six ans de l'enfant ; les modalités de calcul retenues sont excessives et injustifiées et devront tenir compte d'une révision à la majorité pour le futur ; le mode de règlement doit s'effectuer sur la base d'une rente ;

- les dépenses de santé futures incluent des dépenses déjà engagées jusqu'en 2023 qui doivent être justifiées par la production de factures et des dépenses sans lien certain avec les manquements reprochés ;

- les dépenses d'adaptation du logement ne sont pas justifiées, ni leur absence de prise en charge par des tiers ;

- s'agissant de l'achat d'un véhicule adapté, seul le surcoût d'adaptation peut donner lieu à réparation, et n'inclut pas les frais d'assurance ; il convient de déduire les aides extérieures ;

- le préjudice de perte de gains professionnels futurs ne pourra être indemnisé qu'à compter de la majorité B..., sous déduction de l'AEEH, dans la limite de la perte de chance sans capitalisation possible ;

- la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent est excessive ;

- il en est de même s'agissant des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;

- la perte de salaire de Mme E... n'est pas justifiée et la demande au titre de l'indemnisation du préjudice moral des parents et de la sœur aînée B... est excessive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Azincourt, représentant M. F... et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E... a accouché le 16 mai 2009, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, d'une petite fille prénommée B..., née prématurément à trente-et-une semaines d'aménorrhée avec un poids de naissance de 1 510 grammes. L'enfant a été hospitalisée en néonatologie, placée sous antibiothérapie probabiliste en raison du caractère inexpliqué de sa prématurité, et de la Ranitidine lui a été administrée du 17 au 29 mai 2009. Le 1er juin 2009, l'enfant, en état de choc sévère, a été transférée en réanimation et placée sous ventilation mécanique, en raison d'une entérocolite ulcéro-nécrosante de grade IV. L'enfant, handicapée à 80 %, reste atteinte de séquelles neurologiques graves.

2. M. F... et Mme E..., parents de la victime mineure, ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer, respectivement 80% et 20% de leur dommage. Le tribunal a, par un jugement du 19 février 2019, condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à M. F... et Mme E... la somme de 2 500 euros et rejeté le surplus de leur demande. Par un arrêt n° 19BX01621 du 4 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. F... et Mme E... contre ce jugement. Saisi d'un pourvoi, le Conseil d'Etat, par une décision du 27 avril 2023, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ".

4. Les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute du CHU de Pointe-à-Pitre résultant de ce qu'il n'a pas été en capacité de fournir des poches de jéjunostomie de dimension appropriée à une enfant prématurée, M. F... et Mme E... ayant été contraints de s'en procurer par leurs propres moyens afin de mettre fin aux brûlures et aux risques infectieux liés à l'utilisation de poches de stomies inadaptées. Le tribunal a évalué les préjudices causés par cette faute à la somme de 2 000 euros s'agissant des souffrances endurées par l'enfant et à 500 euros s'agissant du préjudice esthétique temporaire qui en est résulté, et son jugement n'est pas contesté sur ce point.

5. Il résulte des rapports d'expertise des 4 octobre 2013 et 9 mars 2015, réalisés dans le cadre de la procédure devant la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les lésions de leucomalacie périventriculaire à l'origine des graves séquelles neurologiques dont est atteinte la jeune B... et les troubles digestifs dont elle souffre sont les conséquences directes de l'entérocolite ulcéro-nécrosante foudroyante dont elle a été victime le 1er juin 2009.

6. En premier lieu, les requérants reprochent au CHU de Pointe-à-Pitre un retard fautif à diagnostiquer l'entérocolite ulcéro-nécrosante dont souffrait leur fille, alors que la présence de résidus sanglants dans ses selles, puis l'absence de selles pendant plusieurs jours, auraient, selon eux, dû les alerter. Il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des deux rapports d'expertise diligentés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les pédiatres ont, conformément aux précautions habituelles s'agissant d'un risque d'entérocolite ulcéro-nécrosante, débuté puis augmenté régulièrement l'alimentation de l'enfant, tout en opérant une surveillance rigoureuse quantitative et qualitative des résidus, lesquels ne sont pas nécessairement pathologiques, ainsi que des palpations régulières de l'abdomen et une surveillance de la protéine C réactive. Les experts soulignent, d'une part, l'intervention rapide et efficace des médecins dès que des signes plus significatifs, et notamment des résidus en quantité plus importantes et des ballonnements, sont apparus et, d'autre part, l'absence de standards précis sur la quantité de ces résidus devant alerter les équipes médicales sur une éventuelle entérocolite ulcéro-nécrosante, l'interprétation de ces signes étant délicate et variant fortement d'un établissement de santé à un autre. Enfin, les experts précisent que l'entérocolite ulcéro-nécrosante dont a été victime la jeune B... a présenté un caractère fulgurant et qu'une telle dégradation peut, dans certains cas, n'être précédée d'aucun symptôme. Dans ces conditions, ainsi qu'il a été justement retenu par le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que le CHU de Pointe-à-Pitre aurait tardé à poser le diagnostic pertinent.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, dès la naissance de la jeune B... une alimentation à visée nutritive digestive a été mise en place par lait artificiel Prénidal puis Peptijunior. Si Mme E... avait proposé de nourrir sa fille au lait maternel, celui-ci devait préalablement être testé, afin de s'assurer de l'absence de cytomégalovirus, présent dans 80% des laits maternels aux Antilles, puis pasteurisé. Les analyses du lait de Mme E... ont été effectuées le 26 mai, soit treize jours après la naissance de l'enfant, et les résultats sont revenus négatifs au test du cytomégalovirus trois jours plus tard. Les requérants reprochent au CHU ce retard d'analyse qui n'a pas permis d'inclure le lait maternel dans l'alimentation B..., alors que le lait maternel réduit le risque d'entérocolite ulcéro-nécrosante chez les enfants prématurés, et soutiennent qu'en l'absence de cytomégalovirus le lait aurait pu être donné sans pasteurisation. Il résulte cependant des rapports d'expertise que, pour une enfant née avant 32 semaines d'aménorrhée, le lait maternel ne pouvait être donné sans pasteurisation préalable, indépendamment du statut viral au cytomégalovirus, ainsi que cela était prévu dans les recommandation d'hygiène pour la préparation et la conservation des biberons de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments établies en 2005, alors en vigueur, cette précaution étant reprise dans le référentiel des bonnes pratiques en matière de lait maternel pasteurisé issu des lactariums en vigueur établi par l'agence nationale de sécurité du médicament dans le référentiel de bonnes pratiques en vigueur depuis le 1er mars 2022, documents publiés et disponibles en ligne. Or, le CHU de Pointe-à-Pitre ne disposait pas de lactarium, qui seul aurait permis de pasteuriser le lait de Mme E..., et l'absence de cet équipement, qui ne fait pas partie des dispositifs obligatoires pour les maternités de niveau 3, ne peut être regardé comme fautif. Dans ce contexte, des analyses plus précoces n'auraient pas permis la mise en place d'une alimentation par lait maternel avant la survenue de l'entérocolite. Ainsi le caractère fautif de ce retard ne présente pas de lien de causalité avec les dommages invoqués. Enfin, l'établissement de santé n'était pas tenu de porter cette circonstance à la connaissance des requérants, qui, au regard du contexte d'urgence de l'accouchement de Mme E..., n'auraient en outre pas pu envisager un suivi par un autre établissement. Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue concernant l'absence de mise en place d'une alimentation par lait maternel.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que de la Ranitidine, antihistaminique qui inhibe la production d'acide gastrique, a été administrée à la petite B..., du 17 au 29 mai 2009, durant sa prise en charge dans le service de soins intensifs. Si la dangerosité de ce médicament pour les nouveau-nés prématurés n'était pas établie au moment des faits, il résulte du second rapport d'expertise que l'administration de Ranitidine n'était en tout état de cause pas indiquée en l'espèce, même au regard des connaissances de l'époque, la seule présence de sang rouge dans les résidus gastriques et les selles dans les deux jours suivants la naissance, après un accouchement hémorragique, justifiant seulement une analyse de l'hémoglobine et non la prescription de ce médicament. Il ressort également de cette expertise que le recours à la Ranitidine est un facteur favorisant de l'entérocolite et de l'émergence d'un germe pathogène type colibacille, et que la mortalité est six fois supérieure chez les nouveau-nés prématurés exposés à la Ranitidine. Par suite, la prescription injustifiée de Ranitidine constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre.

9. Toutefois, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

10. En l'espèce, il résulte des expertises produites au dossier que la prématurité est une situation à risque de développer une entérocolite qui constitue une complication de la prématurité et non d'un acte médical et que la prescription de Ranitidine ne peut être regardée comme la cause directe de l'entérocolite mais seulement comme un facteur favorisant de cette pathologie et de l'émergence d'un germe pathogène de type colibacille. Par suite, la faute commise par le centre hospitalier est seulement à l'origine d'une perte de chance d'éviter le dommage, qui peut être fixée à 25 % au vu de la littérature scientifique citée dans la seconde expertise selon laquelle la prescription de ce médicament augmente le risque de contracter une entérocolite de 10 % à 37 % pour les nouveaux nés étudiés, dont le poids de naissance était compris entre 401 et 1 500 grammes et l'âge gestationnel à la naissance entre 24 et 32 semaines.

11. Enfin, les requérants reprochent également au CHU de Pointe-à-Pitre la durée, selon eux excessive, du délai de réalisation de l'opération de rétablissement de la continuité digestive de leur fille, et soutiennent que ce retard d'intervention est à l'origine d'une majoration du risque d'infection nosocomiale. Toutefois, aucun élément au dossier ne permet d'étayer la thèse des requérants selon laquelle le rétablissement de la continuité digestive de l'enfant présentait un caractère d'urgence, et les experts relèvent que l'infection nosocomiale dont a été victime la jeune B... au mois de juillet 2009, soit avant que cette opération ne soit réalisée, a été rapidement jugulée par le traitement antibiotique prescrit et par le retrait du cathéter par lequel le germe infectieux s'était propagé. En outre, les expertises au dossier relèvent que les infections nosocomiales survenues ont été rapidement et correctement prises en charge par le centre hospitalier, de sorte qu'elles n'ont été à l'origine d'aucun dommage supplémentaire spécifique pour l'enfant.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

12. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) ".

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les infections nosocomiales à Pseudomonas aeruginosa contractées à plusieurs reprises par la jeune B... au cours de sa prise en charge au CHU de Pointe-à-Pitre ont été traitées de manière diligente et adaptée par le personnel, de sorte qu'il n'en n'est résulté aucun dommage pour l'enfant.

14. En deuxième lieu, l'administration à la petite B... de lait artificiel ne constitue pas par elle-même un accident médical non fautif ou une affection iatrogène au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'indemnisation du dommage subi par les requérants en raison de l'administration à l'enfant de lait artificiel doit être pris en charge par l'ONIAM sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit être écarté.

15. En troisième lieu, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, D... constitue un risque inhérent à la prématurité et non la conséquence d'un acte médical non fautif, et que la prescription de Ranitidine, qui a pu augmenter ce risque, constitue en l'espèce une faute imputable au CHU de Pointe-à-Pitre, les conditions d'une indemnisation par la solidarité nationale à ce titre ne sont pas remplies.

Sur les préjudices de Mme B... F... :

16. Si les requérants se prévalent de la date de consolidation du 18 septembre 2013 retenue par le premier rapport d'expertise, l'enfant n'était âgée que d'un peu plus de 4 ans à cette date et la seconde expertise, réalisée le 9 mars 2015, se prononce de nouveau sur cette question au regard des acquisitions et de l'autonomie attendus d'une enfant de près de 6 ans, pour considérer que la date de consolidation peut être fixée à la date de ce rapport. Il y a donc lieu de retenir une date de consolidation de l'état de santé de Mme F... au 9 mars 2015, cette date n'étant pas contestée par le CHU de Pointe-à-Pitre.

En ce qui concerne les préjudices temporaires :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux frais divers et de santé :

17. Il résulte de l'instruction que les frais nécessités par le handicap de la jeune B... et qui n'ont pas fait l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie comprennent des frais de couches jour et nuit, de lingettes et d'alèses à compter du 1er janvier 2012, âge auquel elle n'en aurait plus eu besoin, l'achat de sérum physiologique, de microlax et de patch liés aux difficultés digestives, celui d'un surbain ainsi que de lunettes en mars 2011 et mars 2014 et 5 séances de piscine hebdomadaires à compter du 18 septembre pour un montant de 15 358,99 euros. Les requérants justifient également de frais d'ergothérapeute à hauteur de 1 372,90 euros sur cette période. En revanche, ne peuvent être regardés en lien avec le handicap dont souffre la jeune B... les frais d'assurance automobile, les frais de carburant sur la base de simples facturettes, les frais de révision du véhicule adapté, le meuble enfilade pour la chambre B..., le mixeur de bar, les frais liés au déplacement en France en septembre 2014, qui n'est justifié par aucun élément médical, la facture de jeux qui n'est pas rédigée au nom des requérants et dont il n'est pas établi qu'ils correspondent aux besoins spécifiques B.... Ainsi, après application du taux de perte de chance, la somme mise à la charge du CHU à ce titre s'élève à 4 182,97 euros à laquelle il convient d'ajouter, sans réfaction, une somme de 239 euros du fait de l'achat par les requérants de poches Biotrol de stomie adaptées à la taille de leur enfant durant son hospitalisation, qui se rattachent au défaut d'organisation du service.

Quant au besoin d'assistance par une tierce personne :

18. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

19. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

20. Les règles rappelées ci-dessus ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

21. Le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts (CGI) permet à tout contribuable de réduire, à hauteur de 50 % des sommes versées en rémunération des services à la personne mentionnés à l'article D. 7231-1 du code du travail, dans la limite des plafonds fixés, les frais qu'il expose lorsqu'il recourt à de telles prestations. Le 3 de cet article 199 sexdecies précise que l'assiette des dépenses qui ouvrent droit à cet avantage fiscal ne comprend que les dépenses effectivement supportées par le contribuable, ce qui en exclut les dépenses faisant l'objet d'une indemnisation par l'auteur d'un dommage corporel au titre du besoin d'assistance par tierce personne qui y est lié.

22. Il s'ensuit que lorsque le juge arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui ont été exposés antérieurement à sa décision, que l'état de santé de la victime a nécessité le recours à une assistance qui a été assurée par un salarié ou par une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et que celle-ci a effectivement bénéficié à ce titre de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 sexdecies du CGI, il lui appartient de déduire, au besoin d'office, au même titre que les prestations ayant pour objet la prise en charge de frais d'assistance par une tierce personne, le montant de l'avantage fiscal perçu, dans la mesure où il correspond à une telle assistance, de l'indemnité mise à la charge de la personne publique en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant à déduire.

23. Il résulte de l'instruction que B... F... est atteinte d'une infirmité cérébrale sévère irréversible, qui rend impossible toute activité normale de la vie quotidienne et toute autonomie, ce qui nécessite pour tous les gestes de la vie quotidienne une assistance jour et nuit, et que son déficit fonctionnel s'est accru au fur et à mesure du temps pour atteindre 80 % à la date de consolidation. Elle a ainsi besoin de l'assistance par une tierce personne non spécialisée 24 heures par jour. Si un jeune enfant est également dépendant de ses parents durant les premières années, la prise en charge B... durant les trois premières années de sa vie a impliqué davantage de soins, en raison notamment d'une hypotonie de la tête et du tronc qui interdisent la position assise, d'une tétraplégie spastique rendant la marche et la préhension impossibles, et de fausses routes aux liquides. Par suite, les frais d'assistance par une tierce personne doivent être pris en compte dès sa sortie de l'hôpital.

24. Du 22 février 2010, date de sa sortie de l'hôpital, au 9 mars 2015, B... est restée au domicile familial ou elle a été prise en charge 9 heures par jour par des auxiliaires de vie employées par les requérants et pour le temps restant par sa mère, Mme E.... Alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette prise en charge d'accompagnement de la vie quotidienne nécessite le recours à des personnels spécialisés, le coût de l'assistance au titre de cette période peut être déterminé à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales applicables sur la base de 412 jours par an, d'un montant horaire moyen charges comprises de 12,58 euros en 2010, 12,78 en 2011, 13,35 en 2012, 13,50 en 2013 et 2014 et 13,65 euros en 2015. Il s'élève ainsi à la somme totale de 655 988,60 euros jusqu'à la date de consolidation. Compte tenu du taux de perte de chance, la part imputable au centre hospitalier correspond à 163 999,65 euros. Il résulte de l'instruction que les allocations pour l'éducation de l'enfant handicapé versées durant cette période se sont élevées à 45 669,77 euros. Dès lors que le cumul de cette prestation et de la part indemnisable du préjudice par le centre hospitalier n'excède pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne, il n'y a dès lors pas lieu de procéder à une déduction à ce titre. Par ailleurs, si Mme E... a perçu au titre des années 2011 et 2012 une somme de 6 674 euros au titre du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile correspondant à des sommes déclarées de 4 331 euros et 9 016 euros, il est constant que ces sommes, ajoutées aux montants mis à la charge du centre hospitalier compte tenu du taux de perte de chance de 25%, ne couvrent pas l'intégralité du préjudice. Ainsi, au regard des principes rappelés au point 20, il n'y a pas lieu de les déduire du montant de l'indemnisation accordée.

Quant aux frais d'aménagement du véhicule :

25. Si les requérants demandent une indemnité de 52 725, 38 euros au titre de l'achat d'un véhicule adapté en 2014 pour assurer le transport B..., seul les surcoûts et frais d'adaptation des véhicules qui ont été rendus nécessaires pour le transport de son fauteuil et son installation dans le véhicule peuvent être pris en charge à ce titre. Il résulte de l'instruction que ces surcoûts s'élèvent à 14 850 euros, soit la somme de 3 712,5 euros après application du taux de perte de chance. Si le CHU soutient qu'il convient de déduire de cette somme une aide de 5 000 euros dont les appelants ont bénéficié de la part de la MDPH, dès lors que le montant cumulé de cette aide et de l'indemnisation n'excède pas le montant total du surcoût exposé, une telle déduction n'est pas justifiée en l'espèce.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

26. L'enfant B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total évalué par les expertises à 100 % pour l'ensemble de la période de sa naissance jusqu'au 22 février 2010, date de fin de l'hospitalisation, soit 9 mois et 7 jours dont il convient de déduire une période de 6 semaines pour tenir compte de la durée d'hospitalisation inhérente à sa naissance prématurée. Elle a ensuite subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50% du 23 février 2010 au 15 mai 2012 et de 75% du 16 mai 2012 au 9 mars 2015. Sur la base d'un montant journalier de 21 euros, la part de ce préjudice imputable au CHU de Pointe-à-Pitre peut être fixée à 7 440,56 euros.

27. Les experts ont évalué les souffrances endurées supplémentaires, conséquences de l'entérocolite, à 4 sur une échelle de 7 en raison des périodes d'hospitalisation en réanimation, de trois interventions chirurgicales, de nombreuses séances de rééducation, de l'allongement de la période d'hospitalisation et de l'état neurologique de l'enfant. Le préjudice à ce titre peut être fixé à 16 000 euros, dont 4 000 euros imputables au CHU de Pointe-à-Pitre.

En ce qui concerne les préjudices permanents :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux frais divers et de santé :

28. Il résulte de l'instruction que pour la période du 9 mars 2015 au 20 juin 2024, date de lecture du présent arrêt, les frais nécessités par le handicap de la jeune B... et qui n'ont pas fait l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie ou la mutuelle comprennent des frais de couches jour et nuit, de lingettes et d'alèses, l'achat de sérum physiologique, de microlax et de patches liés aux difficultés digestives, celui d'un surbain pour un montant de 5 300 euros en février 2021, un achat de lunettes de 100 euros en juin 2016, une séance quotidienne de piscine 5 jours par semaine, retenue par le rapport d'expertise, et l'achat de deux fauteuil roulants pour un montant unitaire de 600 euros, correspondant à un montant total de 49 397 euros. La prise en charge en ergothérapie peut être retenue, sur la base du rapport d'expertise, à hauteur de 2 séances mensuelles soit un total de 9 990 euros sur cette période. En revanche, l'expertise ne prévoit pas de prise en charge de psychomotricité et d'ostéopathie qui, en l'absence de toute analyse et justification médicales, ne peuvent être regardés comme imputables au préjudice résultant de la faute commise par le CHU. Par ailleurs, ne peuvent être regardés en lien avec le handicap dont souffre la jeune B... les frais d'assurance automobile, les frais de carburant sur la base de simples facturettes, les frais de révision du véhicule adapté, le meuble plan de travail pour le change en l'absence de preuve d'achat et alors que le surbain comporte cette fonction ainsi que le mixeur de bar. Par suite, après application du taux de perte de chance, la somme mise à la charge du CHU à ce titre s'élève à 14 846,75 euros.

29. Pour la période à venir, le préjudice relatif aux frais de matériel et de soins lié au handicap peut être réparé sous forme de rente annuelle, incluant les postes ci-dessus avec renouvellement du surbain et du fauteuil roulant tous les 5 ans soit un montant après application de la perte de chance de 1 721 euros, à verser par période à échoir, sous déduction des remboursements ou aides financières qui auraient, le cas échéant, été versés à ce titre, dont il appartiendra aux consorts F... de justifier, dans l'hypothèse où le montant cumulé de ces aides et de l'indemnisation allouée dépasserait le montant annuel du préjudice total subi de ce chef . Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Cette rente sera versée à Mme B... F... à compter du 15 mai 2027.

Quant aux frais d'aménagement du logement :

30. Les requérants sollicitaient initialement à ce titre la somme de 9 100 euros correspondant à l'installation d'un plan de travail dans la salle de bain, de deux rampes d'accès pour fauteuil roulant, d'un meuble plan de travail dans la chambre et de sanitaires adaptés. En réponse à la critique du CHU selon laquelle ils ne produisaient ni devis, ni facture de nature à établir la réalité de ce préjudice, les requérants ont indiqué dans leur dernier mémoire que les frais d'aménagement du domicile constituaient principalement en l'achat du surbain, qui a fait l'objet d'une indemnisation au titre des frais divers. Par suite, leur demande au titre de l'aménagement du logement doit être rejetée.

Quant aux frais d'aménagement du véhicule :

31. S'agissant des frais au titre de la période passée, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient changé de véhicule depuis 2014. Pour l'avenir, sur la base d'un changement de véhicule tous les sept ans et des adaptations évaluées sur la base de 13 350 euros figurant dans la demande des requérants auprès de la MDPH et compte tenu d'un taux de capitalisation de 70.345 pour une jeune fille de 15 ans à la date d'attribution, selon le barème de la Gazette du Palais 2023, l'indemnité due par le centre hospitalier en réparation de ce préjudice s'élève à 33 500 euros après application du taux de perte de chance.

Quant au besoin d'assistance par tierce personne :

Pour la période passée :

32. Pour la période du 10 mars 2015 jusqu'à la lecture du présent arrêt, B... est restée au domicile familial et a été prise en charge selon les mêmes modalités qu'avant la consolidation à l'exception d'une période d'accueil en semi-internat à l'IME du 7 août 2015 au 30 novembre 2015. Le coût de l'assistance au titre de cette période, déterminé selon les principes exposés aux points 18 à 24 sur la base d'un montant horaire moyen charges comprises évoluant sur la base du SMIC horaire de 13,65 euros en 2015 à 16,54 euros en 2024 s'élève à la somme totale de 1 340 089 euros, dont il convient de déduire la somme de 3 382,72 euros au titre du temps passé à l'IME sur la base de 8 heures par jour du lundi au vendredi. Après application du taux de perte de chance, la part imputable au centre hospitalier s'élève à 334 176,57 euros. Il résulte de l'instruction que l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap versées durant cette période se sont élevées à 245 521,53 euros. Dès lors que le cumul de cette prestation et de la part indemnisable du préjudice par le centre hospitalier n'excède pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne, il n'y a dès lors pas lieu de procéder à une déduction à ce titre. Comme il a été dit au point 25, au vu du taux de perte de chance retenu, il n'y a pas lieu de déduire de cette somme les montants perçus par M. F... et Mme E... au titre du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile sur la période de 2016 à 2022, et celles qu'ils percevront pour les années 2023 et 2024.

Pour la période à venir :

33. D'une part, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondants à l'indemnisation qui lui est due.

34. D'autre part, il résulte des principes exposés aux points 19 à 25 qu'il appartient au juge, lorsqu'il arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui seront exposés postérieurement à sa décision, d'allouer une indemnité permettant de prendre en charge le besoin d'assistance de la victime, sans qu'il y ait lieu d'opérer de déduction au titre du crédit d'impôt, que celle-ci ait recours à une assistance salariée ou à un membre de sa famille ou un proche. La réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d'impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge.

35. Sur la base des éléments énoncés au point 25, en retenant un maintien au domicile, et sur la base d'un taux horaire chargé de 16,54 euros, le coût mensuel de l'assistance par une tierce personne s'élève à 13 628,96 euros, soit 3 407 euros par mois après application du taux de perte de chance. Dès lors que ce montant cumulé avec la prestation mensuelle de compensation du handicap de 3 234,56 euros ne dépasse pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à une rente trimestrielle d'un montant de 10 221,72 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, par période à échoir. Ce montant sera actualisé chaque année au regard des éléments mentionnés ci-dessus, en fonction notamment du temps de présence de Mme F... au domicile de ses parents. Il sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Cette rente sera versée à Mme B... F... à compter du 15 mai 2027.

Quant aux pertes de gains professionnels futurs

36. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme présentant un caractère certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive. Il y a lieu de réparer ce préjudice par l'octroi à la victime, à compter de sa majorité et sa vie durant, d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de sa majorité et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Doivent être déduites de cette rente les sommes éventuellement perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés. Lorsque la victime se trouve également privée de toute possibilité d'accéder à une scolarité, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu'elle aurait suivi ne fait pas davantage obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de bénéficier de l'apport d'une scolarisation. La part patrimoniale de ce préjudice, tenant à l'incidence de l'absence de scolarisation sur les revenus professionnels, est réparée par l'allocation de la rente qui vient d'être décrite.

37. Il résulte de l'instruction que le handicap de la jeune B... la place dans l'incapacité totale et définitive d'exercer un jour une activité professionnelle. M. F... et Mme E... sont, par suite, fondés à se prévaloir à ce titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension. Il y a lieu par suite de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme B... F..., à compter du 15 mai 2027, en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de l'année de sa majorité, soit 2027 après application du taux de perte de chance de 25%, revalorisé annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés. Les sommes perçues par Mme F..., le cas échéant, au titre de l'allocation aux adultes handicapés viendront en déduction de cette rente dans la mesure nécessaire pour que l'addition de la rente et de l'AAH ne dépasse pas ce salaire médian.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

38. L'importance des séquelles conservées par la jeune B... F... qui souffre d'une hypotonie centrale empêchant la tenue de la tête et du tronc, d'une tétraplégie spastique avec composante dyskinétique rendant la marche et la préhension impossible, de troubles de la compréhension et de l'élocution, qui ne peut s'alimenter seule et fait parfois des fausses routes aux liquides a justifié d'évaluer son incapacité à 80 %. Eu égard à son âge à la date de la consolidation, soit 5 ans, le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à la somme de 500 000 euros, dont 125 000 euros à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre.

39. Le préjudice esthétique permanent résultant des altérations de l'image corporelle résultant du handicap neurologique, de l'incontinence, des cicatrices visibles et du port de la gastrostomie a été évalué à quatre sur une échelle de sept. Il peut donner lieu à une indemnité de 10 000 euros, dont 2 500 euros à la charge du CHU.

Sur les préjudices subis par M. F..., Mme E... et Mme C... F... :

40. Il résulte de l'instruction que du fait du handicap de leur fille, M. F... et Mme E... ont dû réorganiser leur vie personnelle pour la prendre en charge et renoncer à de nombreuses activités du fait du besoin d'assistance important de leur fille et des contraintes qu'il impose pour les déplacements, et subissent un stress important ainsi que de l'anxiété pour son avenir. Dans ces conditions, il peut être fait une juste appréciation du préjudice moral et d'affection ainsi que des troubles dans les conditions d'existence en les fixant à la somme de 30 000 euros pour chacun des conjoints, dont 7 500 euros seront à la charge du CHU.

41. M. F... justifie que les frais exposés pour obtenir le dossier médical de leur fille s'élèvent à 447,59 euros. Il est par suite fondé à obtenir la prise en charge intégrale de cette somme qui résulte entièrement du dommage subi.

42. Afin d'assurer la prise en charge de sa fille, Mme E... soutient avoir réduit son activité professionnelle à 80% durant 30 mois à compter du 1er septembre 2014.Elle justifie d'une diminution de salaire net de 268,12 euros par mois de ce fait, confirmée par ses avis d'imposition. Son préjudice s'élève ainsi à la somme de 8 043,60 euros, dont 2011 euros doivent être mis à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre.

43. Enfin, Mme C... F..., née le 13 juillet 2007, sœur aînée B..., a subi du fait du lourd handicap de sa cadette, un préjudice personnel en raison de son impact sur ses conditions de vie, sur la disponibilité et l'anxiété de ses parents et les difficultés à communiquer avec sa sœur. Son préjudice peut être évalué à 15 000 euros, dont 3750 euros à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre.

Sur les intérêts :

44. Les requérants ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2013, date de saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 16 mai 2013 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent.

Sur les frais liés au litige :

45. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ".

46. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre une somme de 2 500 euros, à verser à M. F... et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause dans la présente instance.

Article 2 : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à M. F... et Mme E... en leur qualité de représentants légaux de Mme B... F... est portée à 696 098 euros.

Article 3 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser M. F... et Mme E... en leur qualité de représentants légaux de Mme B... F... à compter du 20 juin 2024 jusqu'au 14 mai 2027, une rente trimestrielle de 10 221,72 euros au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, en fonction du temps de présence de Mme F... au domicile de ses proches. Cette rente sera en outre revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Cette rente sera versée à Mme B... F... à compter du 15 mai 2027.

Article 4 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à M. F... et Mme E... en leur qualité de représentants légaux de Mme B... F... à compter du 20 juin 2024 jusqu'au 14 mai 2027, une rente annuelle de 1 721 euros à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques dont il appartiendra à ces derniers de justifier, dans l'hypothèse où le montant cumulé de ces aides et de l'indemnisation allouée dépasserait le montant annuel du préjudice total. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Cette rente sera versée à Mme B... F... à compter du 15 mai 2027.

Article 5 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser, au titre de leur préjudice propre, la somme de 7 947,59 euros à M. F... et la somme de 9 511 euros à Mme E....

Article 6 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser la somme de 3 750 euros à M. F... et Mme E... en leur qualité de représentants légaux de C... F....

Article 7 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme B... F... à compter du 15 mai 2027, en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base de 25% du salaire médian net de l'année 2027 et revalorisé annuellement par la suite par application des coefficients qui seront légalement fixés. Les sommes perçues, le cas échéant, par Mme B... F... au titre de l'allocation pour adulte handicapé viendront en déduction de cette rente.

Article 8 : Les condamnations prononcées aux articles 2 et 7 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2013. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 16 mai 2013 jusqu'à la date du présent arrêt courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent.

Article 9 : Le CHU de Pointe-à-Pitre versera à M. F... et Mme E... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à Mme A... E..., au CHU de Pointe-à-Pitre, à la société Reylens Mutual Insurance, à l'ONIAM et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01140 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01140
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23bx01140 ?
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