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18/06/2024 | FRANCE | N°23BX03021

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 18 juin 2024, 23BX03021


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet du 7 janvier 2023, née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande de placement sous assignation à résidence préalablement à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son égard le 14 décembre 2020.



Par un jugement n° 2301162 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Astié, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet du 7 janvier 2023, née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande de placement sous assignation à résidence préalablement à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son égard le 14 décembre 2020.

Par un jugement n° 2301162 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite prise par le préfet de la Gironde le 7 janvier 2023, refusant son placement sous assignation à résidence préalable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion en date du 14 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de prononcer son assignation à résidence dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont statué ultra petita en ne se prononçant que sur la demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, alors qu'il sollicitait l'annulation de la décision implicite de refus de placement sous assignation à résidence préalablement à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'il n'a pas été répondu à sa demande de communication des motifs ;

- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision méconnaît les articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les articles L. 632-5, L. 731-3 et L. 731-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Gironde, qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

17 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2014-1294 du 23 octobre 2014 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-. le rapport de M. B... ,

- et les observations de Me Gali représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, est entré sur le territoire français le 26 décembre 2000 par le biais d'une demande de regroupement familial. Le 5 juin 2015, il a fait l'objet d'une condamnation en appel à dix-sept ans de réclusion criminelle et 700 000 euros d'amende par la cour d'assises spéciale de la Haute Garonne. Il a été incarcéré le 4 juin 2010. Le 14 décembre 2020, il a fait l'objet d'une décision d'expulsion et d'une décision fixant le pays de renvoi. Par courrier du 7 novembre 2022, M. A... a sollicité auprès du préfet de la Gironde son placement sous assignation à résidence préalablement à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son égard. L'absence de réponse explicite de la part du préfet de la Gironde a fait naître une décision implicite de rejet le 7 janvier 2023. M. A... relève appel du jugement en date du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A... fait valoir que le tribunal a commis une erreur en relevant dans les motifs du jugement attaqué que le courrier qu'il a adressé au préfet de la Gironde, reçu le 7 novembre 2022, sollicitait, outre son placement sous assignation à résidence comme préalable à l'abrogation de son arrêté d'expulsion, son admission au séjour sur les fondements des dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il demandait en réalité l'abrogation de la mesure d'expulsion prise à son encontre. Ce faisant, le tribunal, alors notamment qu'il n'a tiré aucune conséquence de cette erreur, n'a toutefois nullement statué ultra petita en méconnaissance de son office, contrairement à ce que soutient le requérant.

Sur la légalité de la décision en litige :

3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". Aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d'Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ". Aux termes de l'article 1er du susvisé du 23 octobre 2014 : " En application du 4° du I de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant deux mois par l'administration vaut décision de rejet pour les demandes dont la liste figure en annexe du présent décret ". Figure parmi cette liste l'" assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté préfectoral ou ministériel d'expulsion ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. [...] "

5. Il ressort de l'instruction que par un courrier réceptionné le 7 novembre 2022 par les services de la préfecture de la Gironde, M. A... a notamment sollicité son placement sous assignation à résidence comme préalable à l'abrogation de son arrêté d'expulsion. Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'en l'absence de réponse expresse de la part du préfet de la Gironde, une décision implicite de rejet de cette demande est née le 7 janvier 2023, ainsi qu'il a été dit au point 1.

6. M. A... soutient qu'il a saisi le préfet d'une demande de communication des motifs du rejet implicite de sa demande de placement sous assignation à résidence par un courrier reçu le 19 janvier 2023. Cependant, il ressort des pièces du dossier que ce courrier évoquait uniquement sa demande d'abrogation de la mesure d'expulsion prise à son encontre, et ne sollicitait la communication des motifs que de cette seule décision. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision qu'il conteste est entachée d'un défaut de motivation.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : [...] 6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ; [...] ". Et aux termes de l'article L. 731-4 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'expulsion non exécutée lorsque son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

8. D'une part M. A... n'établit pas, ni même n'allègue sérieusement, qu'il se trouverait dans l'impossibilité de quitter le territoire français, ou qu'il ne pourrait regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays.

9. D'autre part, si le requérant soutient que son état de santé ferait obstacle à la mise à exécution de la mesure d'expulsion prise à son encontre, il se borne à cet égard à faire état d'une pathologie invalidante relevant d'un traitement à vie et impliquant une prise en charge spécialisée en France, sans plus de précisions, et à produire un certificat médical non circonstancié, qui ne se prononce pas sur les conséquences d'un éventuel arrêt du traitement ni sur la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine.

10. En troisième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. La mesure d'expulsion ne constituant pas la base légale du refus d'assignation à résidence faisant l'objet du présent litige, qui n'en fait pas davantage application, les moyens tirés par M. A... de ce que la mesure d'expulsion dont il fait l'objet méconnait les articles L.631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme doivent être écartés comme inopérants.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du préfet de la Gironde refusant de faire droit à sa demande d'assignation à résidence préalablement à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent par suite être rejetées, de même que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent B...

Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX03021 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03021
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23bx03021 ?
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