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18/06/2024 | FRANCE | N°22BX02309

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 18 juin 2024, 22BX02309


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite née le 27 février 2020 par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de procéder à la réévaluation de son échelon et des indices de traitement afférents, ensemble l'article 2 de l'arrêté de cette même autorité en date du 19 septembre 2018 le nommant en qualité de technicien supérieur stagiaire en tant que cet article l'a reclassé au 6ème échelon de c

e grade avec conservation du bénéfice de l'indice brut 551 qu'il détenait jusqu'alors en tant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite née le 27 février 2020 par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de procéder à la réévaluation de son échelon et des indices de traitement afférents, ensemble l'article 2 de l'arrêté de cette même autorité en date du 19 septembre 2018 le nommant en qualité de technicien supérieur stagiaire en tant que cet article l'a reclassé au 6ème échelon de ce grade avec conservation du bénéfice de l'indice brut 551 qu'il détenait jusqu'alors en tant que contractuel.

Il a également demandé à ce tribunal d'annuler l'article 1er de l'arrêté du 24 octobre 2019 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation portant changement d'affectation avec changement de résidence, en tant que son article 1er a mentionné son classement au 6ème échelon du grade de technicien principal, à l'indice brut 551, et en tant qu'il n'a pas été intégré dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (IAE), et d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de l'intégrer dans le corps des IAE dans un délai de deux mois.

Il a enfin demandé au tribunal d'annuler la décision implicite née le 8 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté le recours gracieux qu'il a formé à l'encontre de l'arrêté du 2 juillet 2020 rapportant l'arrêté du 24 octobre 2019, ensemble l'article 2 de cet arrêté en tant qu'il ne l'a pas intégré directement dans le corps des IAE.

Par un jugement n°s 2000765, 2001163, 2100161 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 août 2022 et un mémoire enregistré le 22 avril 2024, qui n'a pas été communiqué, M. A..., représentée par Me Monpion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 juin 2022 ;

2°) d'annuler les refus implicites du ministre de l'agriculture et de l'alimentation des 27 février et 8 décembre 2020 de procéder à la réévaluation de son échelon et des indices de traitement y afférents et de l'intégrer dans le corps des IAE ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de l'intégrer dans le corps des IAE dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que son courriel du 4 septembre 2019 était un recours gracieux ; en rejetant les deux requêtes comme irrecevables le tribunal a commis une erreur de droit ; si les modalités de son reclassement son reprises par l'arrêté du 24 octobre 2019 et du 2 juillet 2020, il s'agit de deux actes distincts de l'arrêté du 19 septembre 2018, et la recevabilité du recours à leur encontre ne saurait être liée au caractère définitif de cet arrêté ;

- l'arrêté du 19 septembre 2018 ne lui a pas été notifié ; il doit être réputé en avoir eu connaissance à la date de son recours juridictionnel, lequel était recevable ;

- le délai de recours à l'encontre du recours hiérarchique contre les arrêtés du 24 octobre 2019 et du 2 juillet 2020 ayant expiré le 27 avril 2020, en période de suspension des délais de recours compte tenu de la crise sanitaire, son recours devant le tribunal était recevable ;

- il n'est pas justifié de la compétence des signataires des arrêtés ;

- le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a commis une erreur dans le calcul de son traitement indiciaire antérieur de référence en prenant en compte les règles applicables aux agents recrutés par une voie dérogatoire ;

- il a également commis une erreur en se basant sur la correspondance entre la rétribution entière perçue en tant que stagiaire et le traitement indiciaire antérieur ; son classement au 6ème échelon a été effectué en réduisant son indice de 186 points par rapport à son traitement antérieur sans prendre en considération aucune donnée relative à l'ancienneté, y compris celle acquise dans son pays d'origine ;

- pour déterminer l'indice de reclassement, il faut réaliser une correspondance entre les indices de traitement et non pas entre l'indice antérieur et le salaire brut mensuel ; le traitement indiciaire de reclassement doit être au moins égal à un pourcentage du traitement indiciaire antérieur ; l'article 2 de l'arrêté du 19 septembre 2018 devait donc le classer au 13ème échelon avec un indice majoré 529 et un indice brut 631, en vertu de l'article 23 du décret du 11 novembre 2009 ;

- les arrêtés du 24 octobre 2019 et du 2 juillet 2020 méconnaissent les articles 9 et 10 du décret du 22 mars 2010 dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier de ce texte ;

- en vertu de celui-ci il peut prétendre à une intégration dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ;

- il n'avait pas à passer un concours externe, ainsi que l'a jugé le tribunal, et aurait dû être détaché dans ce corps ; il appartient au ministre de prendre un arrêté de détachement en ce sens.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Par renvoi à ses écritures de première instance, il soutient que les demandes de première instance sont tardives et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 avril 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration.

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2010-311 du 22 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Geny, représentant M A....

Une note en délibéré présentée pour M A... a été enregistrée le 14 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui détient la double nationalité roumaine et française, a exercé les fonctions d'ingénieur forestier à la régie nationale des forêts de Roumanie du 1er mai 1996 au 14 août 2009, date à laquelle il s'est installé en France. Il a été recruté le 2 mai 2016 par l'agence des services de paiement en qualité d'agent contractuel, puis a été admis en 2018 au concours interne d'accès au corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture. Il a été successivement nommé technicien principal stagiaire par un arrêté du ministre de l'agriculture du 19 septembre 2018 et affecté à l'institut national de formation des personnels du ministère, puis titularisé dans le corps des techniciens supérieurs par un arrêté ministériel du 14 octobre 2019. Ces deux arrêtés ont retenu un classement dans le grade de technicien principal au 6ème échelon avec un indice majoré 468, que M. A... a contesté par un courriel du 4 septembre 2019 et un courrier du 23 décembre 2019, en sollicitant un classement au 13ème échelon en application de l'article 23 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009, ainsi qu'une prise en compte de ses services en Roumanie en vertu des dispositions des articles 9 et 10 du décret n° 2010-311 du 22 mars 2010. Des décisions implicites sont nées du silence gardé par l'administration sur ces demandes. L'intéressé a été affecté sur un poste à Limoges par un arrêté du 24 octobre 2019, auquel s'est substitué un arrêté du 2 juillet 2020, et a de nouveau sollicité un réexamen de sa situation par des courriers du 24 décembre 2019 et du 23 septembre 2020, qui ont donné lieu à de nouvelle décisions implicites de rejet. M. A... a saisi le tribunal administratif de Limoges de trois recours juridictionnels dirigés successivement contre les arrêtés ministériels le concernant et les décisions implicites de rejet de ses demandes de réexamen de sa situation, en tant qu'il n'a pas été classé au 13ème échelon du corps des techniciens supérieurs du ministère de l'agriculture et en tant qu'il n'a pas été intégré dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement eu égard aux services accomplis dans l'administration roumaine. Il relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la demande d'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 19 septembre 2018 et de la décision implicite née le 27 février 2020 :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. /Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi ".

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ".

4. Enfin, l'article L. 231-4 de ce code prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.

6. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite de l'édiction de l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel M. A... a été nommé au 6ème échelon du grade de technicien principal, lequel comportait la mention des voies et délais de recours, celui-ci a adressé à l'administration, le 4 septembre 2019, un courriel portant sur une demande de réexamen de son reclassement dans le corps des techniciens supérieurs en faisant explicitement référence aux mentions de l'arrêté du 19 septembre 2018, dont il est par conséquent réputé avoir eu connaissance au plus tard à cette date. Ainsi que l'a estimé le tribunal, ce courriel doit s'analyser comme un recours gracieux à l'encontre dudit arrêté, ayant donné lieu à une décision implicite de rejet en date du 4 novembre 2019 en vertu des dispositions rappelées aux points 2 à 4 ci-dessus, sans qu'y fasse obstacle, ainsi que le prétend l'appelant, la circonstance qu'en réponse à un courriel ultérieur de relance de sa part, la cheffe du bureau de gestion des personnels lui a indiqué le 8 novembre 2019 qu'elle demandait au service compétent de lui apporter une réponse dans les meilleurs délais. Le second recours administratif formé le 23 décembre 2019 par M. A... n'ayant pu avoir pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux, lequel est venu à expiration le lundi 6 janvier 2020, et la décision implicite du 27 février 2020 présentant ainsi le caractère d'une décision purement confirmative de l'arrêté du 19 septembre 2018, c'est à juste titre que le tribunal a constaté la tardiveté de la requête en annulation de cet acte introduite devant lui le 17 juin 2020.

En ce qui concerne les demandes d'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 24 octobre 2019, de l'article 2 de l'arrêté du 2 juillet 2020 et des décisions implicites nées le 26 février 2020 et le 8 décembre 2020 :

7. Le jugement attaqué relève qu'en demandant au tribunal d'annuler les décisions implicites nées le 27 février 2020 et le 8 décembre 2020, ensemble les articles des arrêtés des 24 octobre 2019 et 2 juillet 2020 qui mentionnent sa situation administrative de technicien principal du ministère de l'agriculture classé au 6ème échelon de ce grade avec un indice majoré de 468, M. A... doit être regardé comme contestant les modalités de son reclassement telles qu'elles ont été initialement fixées par l'arrêté du 19 septembre 2018, ainsi que sa nomination même par cet arrêté dans le corps des techniciens supérieurs plutôt que dans celui des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, ce que ne conteste pas l'intéressé. Si celui-ci fait valoir que les arrêtés des 24 octobre 2019 et 2 juillet 2020 constituent des actes distincts de l'arrêté du 19 septembre 2018, il ne saurait s'en déduire qu'ils ont eu pour effet de rouvrir un délai de recours contentieux à l'égard de celles de leurs mentions ne présentant pas un caractère inédit et constituant une simple confirmation d'une décision antérieure devenue définitive. Il en va précisément ainsi, en l'absence de tout changement dans les circonstances de droit et de fait, des dispositions de ces arrêtés rappelant la situation administrative de M. A... issue de son arrêté de nomination du 19 septembre 2018. Par conséquent, c'est également à juste titre que le tribunal a accueilli les fins de non-recevoir opposées en défense devant lui, tirées de la tardiveté des demandes d'annulation considérées.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté comme tardives l'ensemble de ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés et des décisions implicites susmentionnés. Les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction qu'il présente en appel doivent donc être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

9. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02309
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MONPION

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22bx02309 ?
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