Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Les Saphirs a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui payer la somme de 26 037,95 euros, à parfaire sur la base de 3 500 euros par période de dix mois, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, et d'enjoindre à la commune de Saint-Paul, sous astreinte, de régulariser la situation pour l'avenir par la signature d'une nouvelle convention de location du terrain à un prix s'élevant au minimum à 6 000 euros par période de 10 mois.
Par un jugement n° 2000252 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2022, la SCI Les Saphirs, représentée par Me Vève, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 27 juin 2022 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Paul à lui payer la somme de 26 037,95 euros, à parfaire sur la base de 3500 euros par période de dix mois, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Paul, sous astreinte, de régulariser la situation pour l'avenir par la signature d'une nouvelle convention de location du terrain à un prix s'élevant au minimum à 6 000 euros par période de 10 mois ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle subit une situation d'emprise irrégulière de son terrain par la commune de Saint-Paul ; le tribunal administratif l'a d'ailleurs reconnu dans son jugement du 27 juin 2022 ;
- à ce titre elle est en droit de percevoir les indemnités pour emprise irrégulière qu'elle sollicite, sans que puisse lui être opposée une quelconque faute de sa part dès lors qu'elle n'a pas contribué au dommage, ni l'absence de justification d'un préjudice tenant à un trouble de jouissance ;
- on ne peut davantage lui opposer une prescription, alors qu'elle ne se prévaut pas d'une créance et que son préjudice présente un caractère continu et évolutif ;
- elle est également en droit de réclamer un dédommagement des conséquences à venir de cette situation à défaut de possibilité d'une régularisation physique de la situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2022, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Les Saphirs une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mars 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Drevet, représentant la commune de Saint-Paul.
Considérant ce qui suit :
1. La régie des eaux de la commune de Saint-Paul (La Réunion) a souhaité en 2010 implanter un poste de relevage du réseau public d'assainissement sur la parcelle cadastrée section BN n° 509 appartenant à la société civile immobilière Les Saphirs. Le 17 septembre 2010, la commune a conclu une promesse de vente avec cette société afin d'acquérir la partie de la parcelle correspondant à l'emprise du poste de relevage projeté puis, le 25 février 2011, dans l'attente de la régularisation de la vente objet de la promesse précitée et afin de mettre en œuvre le chantier de réalisation de l'ouvrage, la commune et la société Les Saphirs ont conclu une convention d'occupation temporaire portant sur l'emprise du poste de relevage projeté. La vente n'a finalement jamais été régularisée alors que, le poste de relevage ayant été édifié, la parcelle demeure occupée. Par la présente requête, la société Les Saphirs demande au tribunal, d'une part, de condamner la commune à l'indemniser du préjudice qu'elle soutient subir du fait de l'occupation partielle de son terrain et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de conclure une nouvelle convention d'occupation afin de régulariser cette occupation.
Sur l'existence d'une emprise irrégulière :
2. La commune de Saint-Paul ne conteste pas que l'implantation du poste de relevage sur la parcelle cadastrée section BN n° 509 appartenant à la société Les Saphirs, qui ne fait l'objet d'aucune servitude ni d'aucune convention temporaire d'occupation depuis le 22 mai 2012, est constitutive d'une emprise irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Si la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a toutefois pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle. Par suite, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la promesse de vente conclue en septembre 2010 entre la commune de Saint-Paul et la société requérante, que l'emprise définitive afférente au poste de relevage du réseau public d'assainissement implanté sur la parcelle de cette dernière est d'une teneur de 104 m2. Elle est située en bordure de voie publique, à l'extrémité sud de cette parcelle d'une superficie totale de 3 301 m2, qui accueille des locaux artisanaux ou commerciaux et des parkings. La société n'apporte aucun élément de nature à établir que la partie de parcelle en litige ait été antérieurement exploitée ou mise en valeur, ni qu'un projet de valorisation ou d'exploitation ait été empêché par l'emprise irrégulière. Elle ne fait par ailleurs état d'aucun trouble de jouissance particulier causé par la présence de l'ouvrage public. En outre, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'infructuosité de la cession de ce terrain à la commune résulte de la carence de la société civile immobilière elle-même, alors que la commune n'a jamais retiré son offre. Dans ces conditions, eu égard à l'intérêt général justifiant le maintien de l'ouvrage et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-Paul, la société Les Saphirs ne justifie pas d'un préjudice dont elle serait fondée à demander réparation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'auteur d'un recours indemnitaire tendant à la réparation de préjudices imputables à l'implantation irrégulière d'un ouvrage public peut assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de régulariser cette implantation irrégulière, notamment par l'acquisition amiable du terrain d'assiette ou par l'engagement d'une procédure d'expropriation.
6. Ainsi qu'il a été dit, une promesse de vente a été conclue en l'espèce dès le 17 septembre 2010 entre la commune de Saint-Paul et la société Les Saphirs, laquelle n'a pas abouti à la cession envisagée en raison de la carence de cette dernière. La commune fait toutefois valoir qu'elle reste disposée à acquérir la portion de terrain concernée. Dans ces conditions, les conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Paul de conclure avec elle un contrat de bail ne peuvent être accueillies.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Les Saphirs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes. Sa requête doit par conséquent être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Les Saphirs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Saphirs et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président-rapporteur,
Laurent Pouget Le greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02066