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18/06/2024 | FRANCE | N°22BX01691

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 18 juin 2024, 22BX01691


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice régionale des services de la Poste a refusé, d'une part, de l'intégrer dans le cadre du 2ème niveau, aux fonctions d'animatrice de production courrier avec une ancienneté de 6 mois minimum dans le nouvel indice, d'autre part, de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017, et de condamner l

a société La Poste à lui verser une somme totale de 96 931,24 euros en réparation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice régionale des services de la Poste a refusé, d'une part, de l'intégrer dans le cadre du 2ème niveau, aux fonctions d'animatrice de production courrier avec une ancienneté de 6 mois minimum dans le nouvel indice, d'autre part, de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017, et de condamner la société La Poste à lui verser une somme totale de 96 931,24 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 2000946 du 20 avril 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Tavernier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 avril 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice régionale des services de la Poste a refusé, d'une part, de l'intégrer dans le cadre du 2ème niveau, aux fonctions d'animatrice de production courrier avec une ancienneté de 6 mois minimum dans le nouvel indice, d'autre part, de reconnaitre l'imputabilité au service de son congé de longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017 ;

3°) de condamner la société La Poste à lui verser une somme totale de 96 931,24 euros en réparation de ses préjudices financier et moral ;

4°) d'enjoindre à la société La Poste de l'intégrer dans le cadre du 2ème niveau, aux fonctions d'animatrice de production courrier avec une ancienneté de 6 mois minimum dans le nouvel indice ;

5°) d'enjoindre à la société La Poste de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à raison de laquelle elle a été placée en congé de longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017 ;

6°) de mettre à la charge de la société La Poste une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la société La Poste est engagée à raison du harcèlement moral dont elle a été victime ;

- la société La Poste aurait dû l'affecter sur un poste relevant du grade de la classe III, niveau 2 ; à défaut d'une telle affectation, elle n'a pas pu bénéficier du dispositif de promotion de reconnaissance des acquis professionnels ;

- son congé de longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017 est imputable au service ; l'annonce de son changement de poste a été constitutive d'un accident de service ; elle n'était pas tenue de respecter un délai pour solliciter la reconnaissance de cette imputabilité ;

- elle est fondée à solliciter la réparation du préjudice financier subi du fait de la perte de revenus liée à ses arrêts de travail pour maladie ; une somme de 6 374 euros doit lui être allouée à ce titre ;

- elle a subi, du fait de l'absence d'avancement de sa carrière, un préjudice financier qui doit être évalué à 10 557,24 euros ;

- les comportements vexatoires et humiliants subis, ainsi que le sentiment d'injustice et d'exclusion qu'elle a ressenti, lui ont causé un préjudice moral en réparation duquel une somme de 80 000 euros doit lui être allouée.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- la requérante n'a invoqué un harcèlement moral ni dans sa réclamation préalable, ni en première instance ; ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de La Poste à raison d'un prétendu harcèlement moral sont donc irrecevables ;

- la requête de première instance était irrecevable ; la demande de Mme A..., reçue le 27 janvier 2020, a été implicitement rejetée le 27 mars 2020 ; en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le délai de recours contentieux a expiré le 24 août 2020 ; or, sa requête n'a été enregistrée par le tribunal que le 23 octobre 2020 ;

- les conclusions à fin d'injonction de Mme A... sont irrecevables ;

- elle est fondée à opposer à la requérante la prescription quinquennale sur le fondement de l'article 2224 du code civil ;

- la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée au-delà du délai légal et ne pouvait donc qu'être rejetée ; en tout état de cause, la requérante n'établit pas le lien entre sa pathologie et le service ;

- l'avancement au choix ne constitue pas un droit pour un fonctionnaire ; la requérante, qui ne pouvait être nommée dans un grade supérieur sans bénéficier d'un avancement, n'a pas candidaté à un dispositif d'avancement ou de promotion ;

- Mme A... n'établit pas avoir subi une discrimination ;

- la requérante n'apporte pas d'élément de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral

- les préjudices invoqués ne sont pas établis.

- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., fonctionnaire de la société La Poste, a été intégrée le 1er juillet 1993 dans le corps de reclassification des agents de maitrise, techniques et de gestion de La Poste, au grade d'agent de maîtrise. En 2003, elle a été promue au grade des cadres premier niveau (CA1). Elle s'est vu confier, à partir du 1er juin 2013, les fonctions d'animatrice production courrier, emploi de classe III niveau 3 correspondant au grade de cadre second niveau (CA2). Ces fonctions relevant d'un niveau supérieur à celui du grade détenu par Mme A..., la décision de nomination du 5 juillet 2013 précisait que l'intéressée disposait d'un délai de deux ans pour obtenir une promotion de grade. Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire du 1er janvier au 31 décembre 2015, puis en congé de longue maladie du 7 janvier 2016 au 6 janvier 2017. A son retour de congé, elle a été affectée sur un poste de chargée de mission pour la prévention et la sécurité au travail, emploi de classe III niveau 2 correspondant à son grade. Par une réclamation du 24 janvier 2020, reçue le 27 janvier 2020 d'après l'accusé de réception postal correspondant, Mme A... a demandé à la Poste de l'affecter sur un poste d'animation production courrier de classe III niveau 3 et de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dépressive à raison de laquelle elle avait été placée en congé de maladie du 1er janvier 2015 au 6 janvier 2017. Par cette même réclamation, Mme A... sollicitait l'indemnisation des préjudices financiers subis du fait de l'absence d'avancement de sa carrière et de son placement en congé de maladie ainsi que la réparation du préjudice moral lié, selon elle, à son déclassement professionnel. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, Mme A... a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la directrice régionale des services de la Poste a refusé de l'intégrer dans le cadre du 2ème niveau, aux fonctions d'animatrice de production courrier avec une ancienneté de 6 mois minimum dans le nouvel indice et de reconnaître l'imputabilité au service de son congé longue maladie du 7 janvier 2015 au 1er janvier 2017, d'autre part, à la condamnation de la société La Poste à lui verser une somme totale de 96 931,24 euros en réparation de ses préjudices. Elle relève appel du jugement du 20 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ". Aux termes de l'article de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du même code, en vertu desquelles toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception, à défaut duquel les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur de la demande, ne sont pas applicables, ainsi que le précise l'article L. 112-2, aux relations entre l'administration et ses agents. Elles ne peuvent donc être invoquées ni par les agents en activité ni par ceux qui ont été admis à la retraite.

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif en vertu du I de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ". Enfin, aux termes de l'article 1er de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire : " I.- Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de recours légalement imparti devant les juridictions administratives est expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, son échéance est reportée au 24 août 2020.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une décision implicite de rejet est née le 27 mars 2020 du silence gardé par la société La Poste sur la réclamation de Mme A... du 24 janvier 2020, reçue le 27 janvier suivant. Mme A... disposait, pour contester ce rejet implicite, d'un délai de recours contentieux de deux mois, alors même que la société La Poste, qui n'a pas accusé réception de cette réclamation, ne l'a informée ni des conditions de naissance d'une décision implicite ni du délai de recours contentieux contre une telle décision. En application des dispositions citées au point 3, le délai de recours contentieux légalement imparti à Mme A... expirant entre le 12 mars et le 23 juin 2020, son échéance a été reportée au 24 août suivant. La demande de première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2020, était ainsi tardive et, par suite, irrecevable.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

6. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01691
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : TAVERNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22bx01691 ?
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