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13/06/2024 | FRANCE | N°23BX03194

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 13 juin 2024, 23BX03194


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303780 du 29 novembre 2023, l

e tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303780 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, révélant un défaut d'examen particulier de la situation ;

- son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, dès lors que la seule condamnation pénale dont il a fait l'objet, en juillet 2021, pour des faits commis en septembre 2020, est ancienne et que, depuis lors, il occupe un travail à temps plein et il est devenu père de famille ;

- la décision méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'ayant été privé involontairement d'emploi, il était en droit d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour ; il ne peut lui être opposé le changement d'employeur, puisqu'il pensait que l'autorisation de travail dont il était titulaire permettait un tel changement ; en outre, son nouvel employeur a déposé une demande d'autorisation de travail à l'expiration de son titre de séjour en août 2022 ; il disposait d'un contrat à durée indéterminée à la date de sa demande de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du même code, dès lors qu'il justifie de 30 mois de travail en contrat à durée indéterminée dans la même société et qu'il exerce un métier en tension ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit sur le territoire depuis l'âge de 16 ans, qu'il s'est formé au métier de peintre qu'il exerce désormais, qu'il démontre une insertion durable dans la société française et qu'il a sollicité un regroupement familial au bénéfice de son épouse et de leur fille ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une incompétence de son auteur et d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa durée de présence en France, des ses liens sur le territoire, du fait qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 12 décembre 1999, entré en France mineur en 2016, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 2 février 2016, puis a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " auprès du conseil général de la Gironde pour la période du 12 décembre 2018 au 17 août 2019. Il a été muni le 9 octobre 2019 d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", régulièrement renouvelée jusqu'au 8 avril 2022, afin de suivre une formation de peintre, puis de travailler en cette qualité. Le 20 avril 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 14 juin 2023, le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait déjà invoqués en première instance, tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté, de l'insuffisante motivation de la décision lui refusant un titre de séjour et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux aux points 2, 3 et 10 de son jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". "

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu, le 15 mars 2021, une autorisation de travail délivrée par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Val d'Oise, en vue d'occuper un poste de peintre au sein de la société IDF décoration située à Alfortville (Val de Marne). Il a toutefois travaillé pour la société K2 Peinture située à Villenave d'Ornon (Gironde) après avoir signé un contrat de travail avec cette société dès le 12 janvier 2021. Il n'a ainsi pas respecté les termes de son autorisation de travail. M. B... ne peut utilement se prévaloir de son ancienneté de travail au sein de cette dernière société pour contester le refus de titre qui lui est opposé sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut davantage soutenir que son titre de séjour aurait dû être renouvelé sur le fondement des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 421-1 au motif qu'il a involontairement perdu son emploi au sein de la société IDF décoration du fait de la liquidation judiciaire de cette société, alors qu'il n'a travaillé pour le compte de cette société qu'avant mai 2020, soit avant l'obtention de l'autorisation de travail, et qu'il avait déjà obtenu le renouvellement de son titre de séjour le 9 avril 2021.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné par le tribunal correctionnel de Pontoise, le 7 juillet 2021, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, assortie de la peine complémentaire d'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant trois ans, pour s'être rendu coupable, le 12 septembre 2020, de violences volontaires avec les deux circonstances aggravantes qu'elles ont été commises en réunion et avec une arme par destination. Bien qu'isolés et commis deux ans et demi avant la décision attaquée, ces faits d'atteinte volontaire à l'intégrité de personnes sont de nature à caractériser une menace pour l'ordre public.

6. Il s'ensuit qu'en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 421-1 et L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les circonstances que M. B... soit présent en France depuis un peu moins de sept ans, qu'il travaille au sein de la même société depuis vingt-neuf mois, et qu'il exerce le métier de peintre qui relève des métiers en tension, ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels de nature à justifier sa régularisation exceptionnelle sur le fondement de l'article L. 435-1 précité.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire alors qu'il était encore mineur, est présent en France depuis un peu moins de sept ans. Bien que résidant en France depuis 2016, il s'est marié au Pakistan, pays dans lequel il revient régulièrement, le 17 janvier 2022 et est devenu père d'une petite fille, C..., née le 8 novembre 2022. Il a ainsi conservé de fortes attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a séjourné les trois premiers mois de l'année 2022, ainsi qu'entre février et avril 2023, et où résident, outre son épouse et sa fille, ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, et en dépit de son intégration professionnelle, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en refusant de l'admettre au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En sixième lieu, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ne peut qu'être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

14. Malgré l'ancienneté de séjour en France de M. B... et quand bien même il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans, compte tenu de la nature de ses liens en France et de la menace pour l'ordre public que représente son comportement.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Catherine Girault, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX03194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03194
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : LASSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23bx03194 ?
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